Stéphane Guédé, Théophile Kouamouo et Saint-Claver Oula ont publié un rapport d'enquête détaillant les résultats d'une enquête du Procureur de la République sur la corruption dans le commerce d'exportation du cacao et du café.
(CPJ/IFEX) – New York, le 15 Juillet 2010 – Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) est alarmé par l’arrestation de trois journalistes ivoiriens qui sont retenus en garde à vue depuis mardi. Les journalistes sont aux arrêts depuis qu’ils ont refusé de révéler les sources d’un rapport d’enquête détaillant les résultats d’une enquête du Procureur de la République sur la corruption dans le commerce d’exportation du cacao et du café en Côte d’Ivoire, selon des journalistes locaux et des bulletins de nouvelles.
Le Procureur de la République Raymond Tchimou, qui a convoqué les journalistes du quotidien privé Le Nouveau Courrier, en l’occurrence le Directeur de publication Stéphane Guédé, le Directeur de la rédaction Théophile Kouamouo et le Rédacteur en chef Saint-Claver Oula, mardi matin a mis en cause les trois hommes pour « vol » de documents confidentiels, l’avocat de la défense Désiré Gueu a déclaré au CPJ. L’édition de mardi du journal a publié un article citant des extraits d’un rapport d’enquête judiciaire de 137 pages sur 23 personnalités de la filière cacao mis en cause pour des détournements dans le cadre d’une campagne anticorruption ordonnée par le président Laurent Gbagbo en 2007.
Une douzaine de policiers ont perquisitionné les locaux du journal mardi après-midi à la recherche du document sur lequel était fondé l’article. Ils ont fouillé les ordinateurs et ont saisi l’ordinateur portable d’Oula, selon un témoignage de Frank Toti, journaliste au Nouveau Courrier.
« Nous appelons les autorités ivoiriennes à respecter la loi sur la presse de 2004 qui interdit les détentions préventives de journalistes », a déclaré le Coordonnateur du plaidoyer de la section Afrique du CPJ, Mohamed Keita. « Arrêter des journalistes pour avoir refusé de révéler leurs sources confidentielles ne fait qu’ébranler un service public essentiel au soutien de la bonne gouvernance : le journalisme d’investigation. Nous demandons au Procureur de la République de libérer immédiatement nos confrères. »
Kouamouo, un citoyen français d’origine camerounaise, a annoncé la publication du dossier d’enquête en cinq parties mardi sur son blog et compte Twitter. Kouamouo, fondateur d’Ivoireblog, soutenu par l’initiative Rising Voices du réseau Global Voices, a bénéficié d’un soutien international en ligne. Jeudi, plus de 150 signatures avaient été apposées sur une pétition en ligne demandant sa libération.
La loi sur la presse de 2004 interdit la détention préventive des journalistes en Côte-d’Ivoire, mais c’est la deuxième fois que le Procureur de la République Tchimou a convoqué et arrêté des journalistes à la suite de leur traitement de sujets sensibles, selon les recherches du CPJ.
Le journaliste Guy-André Kieffer a disparu depuis son enlèvement en Côte-d’Ivoire en 2004 alors qu’il enquêtait sur la corruption dans l’industrie du cacao. Le pays produit 40 pour cent des récoltes de cacao du monde et est un important producteur de café, selon les statistiques du Département d’État américain.