RSF demande aux autorités centrafricaines et russes de mener une enquête sérieuse et approfondie pour identifier les auteurs de l'assassinat de trois journalistes russes présents depuis quelques jours en République centrafricaine (RCA) pour une enquête sur l'implication de mercenaires russes dans le pays.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 1 août 2018.
Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités centrafricaines et russes de mener une enquête sérieuse et approfondie pour identifier les auteurs de l’assassinat de trois journalistes russes présents depuis quelques jours en République centrafricaine (RCA) pour une enquête sur l’implication de mercenaires russes dans le pays.
Orhan Djemal, célèbre reporter de guerre indépendant, Kirill Radtchenko, caméraman, et Alexandre Rasstorgouïev, documentariste, ont été assassinés par un groupe d’hommes armés non-identifiés dans la nuit du 29 au 30 juillet près de Sibut, une ville située à 300 km au nord de Bangui, la capitale de la RCA.
Mardi soir, Ange Maxime Kazagui, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a indiqué sur TVCA que neuf « ravisseurs enturbannés » ne parlant « ni le français ni le sango », la langue nationale, avaient confisqué le véhicule des journalistes à 23 km de Sibut avant d’exécuter par balles les trois ressortissants russes. L’un d’entre eux serait mort sur place, les deux autres un peu plus tard des suites de leurs blessures. Ces précisions ont été fournies grâce au témoignage de leur chauffeur, blessé lui aussi, mais ayant réussi à s’échapper d’après le ministre.
Selon les informations obtenues par RSF, les trois journalistes se trouvaient sur le territoire centrafricain depuis quelques jours pour enquêter sur la présence et le rôle de mercenaires appartenant à Wagner, une société militaire privée russe également connue pour ses activités en Syrie. D’après le ministère de la Communication de la RCA, ils ne disposaient pas d’accréditations. Tous portaient des cartes de presse selon le ministère russe des Affaires étrangères qui précise de son côté que son ambassade à Bangui n’a pas été informée de leur présence dans ce pays.
« Plus de quatre ans après la mort de la photojournaliste Camille Lepage, ce triple assassinat démontre à quel point il reste extrêmement dangereux pour les journalistes de témoigner du conflit en République centrafricaine, estime Christophe Deloire, secrétaire général de RSF. Nous condamnons avec la plus grande fermeté ces assassinats et exhortons les autorités centrafricaines et russes à mener une enquête sérieuse et approfondie pour en identifier les auteurs. »
TsOuR, un média d’investigation en ligne appartenant à Mikhaïl Khodorkovski, l’ex-magnat du pétrole devenu l’un des principaux opposants de Vladimir Poutine, a confirmé avoir commandé le documentaire sur ce sujet sensible aux trois journalistes.
La Russie a considérablement renforcé sa présence militaire en RCA depuis le retrait de la force française Sangaris en octobre 2016. La sécurité du président Faustin-Archange Touadéra est assurée par des militaires russes. Ces derniers dispensent également des formations aux forces armées centrafricaines (FACA) et d’importants stocks d’armes russes ont été livrés à l’Etat centrafricain entre décembre 2017 et février 2018.
La RCA traverse un conflit armé depuis le renversement en mars 2013 du président François Bozizé par la Seleka, un rassemblement de milices, principalement musulmanes. Des groupes armés chrétiens d’auto-défense, appelés anti-Balaka, se sont ensuite constitués, plongeant le pays dans une spirale de violences.
C’est lors d’un reportage avec l’une de ces factions que Camille Lepage, photojournaliste française de 26 ans, a été assassinée le 12 mai 2014. Quatre ans après les faits, RSF a récemment déploré que les assaillants n’aient toujours pas été identifiés et dénoncé plusieurs dysfonctionnements dans l’enquête.
La République centrafricaine occupe la 112e place sur 180 dans le Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.