(CPJ/IFEX) – Ci-dessous, une lettre du CPJ à Phillippe Evegno, président de l’instance de régulation des média au Togo, datée du 31 août 2007: Le 31 août 2007 M. Phillipe Evegno Président La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication Lomé, Togo B.P. 8697 Par fax: +228-250-1678 Cher M. Evegno, Nous sommes préoccupés par […]
(CPJ/IFEX) – Ci-dessous, une lettre du CPJ à Phillippe Evegno, président de l’instance de régulation des média au Togo, datée du 31 août 2007:
Le 31 août 2007
M. Phillipe Evegno
Président
La Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication
Lomé, Togo
B.P. 8697
Par fax: +228-250-1678
Cher M. Evegno,
Nous sommes préoccupés par la tendance grandissante de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) à suspendre les médias au Togo, évoquant des violations à l’éthique journalistique comme raisons pour ces suppressions. Deux journaux, Le Courrier de La République et La Trompette, sont actuellement suspendus par votre institution à cause d’articles jugés violer les lois régissant la presse au Togo.
Le Courrier de La République est suspendu par la HAAC depuis juin, et le restera jusqu’au 11 septembre, suite à la publication de deux articles dans l’édition du 14 mars. Le premier article « HAAC, C’est Cela Un Droit de Réponse? » soutenait que la HAAC n’est pas consciente de la différence entre imprimer une correction, et un « droit de réponse ». Le second article, « Le Dossier Noir de M. Kagbara Bassabi du PDP », accusait un actuel membre du parti de l’opposition, Kagbara Bassabi, du Parti Démocrate Panafricain (PDP), d’antécédents de corruption. Kagbara Bassabi a formulé une plainte officielle pour diffamation et non vérification des faits avant publication, selon l’article 84 du Code de la Presse et de la Communication.
Exposé à une plus longue suspension, La Trompette restera suspendue jusqu’au 11 octobre, à cause d’une série d’articles critiquant l’université de Lomé. Les articles critiquaient le personnel universitaire et les départements d’histoire et d’archéologie de l’université, accusant les chefs de ces départements d’autoritarisme et du maintien de médiocres normes académiques.
Un autre hebdomadaire indépendant, Le Perroquet, a repris sa publication le 13 août, après avoir été suspendu par votre institution pendant 2 mois. Le journal était suspendu à cause de son article, intitule « Qu’est-ce Qui Attend Le Militant de l’UFC Bleoussi Komlan Fernand au Togo? », dans l’édition du 25 avril. L’article portait sur un membre du groupe de l’opposition, l’Union des Forces de Changement (UFC). Citant l’article 82 du Code de la Presse et de la Communication, la HAAC a soupçonné que l’article était une publication achetée par Bleoussi Komlan pour l’aider à obtenir un permis de séjour à l’étranger. Selon votre bureau, des personnes cherchant à obtenir des permis de séjour pour l’étranger paient souvent des journaux pour couvrir médiatiquement leur cas afin d’appuyer leurs demandes de résidence a l’étranger.
Pendant que la HAAC joue un rôle dans le soutien des normes professionnelles dans le journalisme au Togo, les actuelles suspensions de long terme de ces deux journaux pourraient avoir un effet nuisible sur leur future existence. Selon l’Union des Journalistes Indépendants du Togo, couper les recettes essentielles avec de longues suspensions peut réellement mener à la fermeture des journaux indépendants qui ne peuvent pas financièrement survivre à de telles interruptions.
De plus, selon le Code de la Presse et de la Communication de la république, une publication ne peut être suspendue que sur ordre d’un tribunal. Les suspensions actuelles de ces publications devraient donc prendre fin, puisque légalement infondées.
L’ingérence directe de la HAAC dans les décisions éditoriales sape l’indépendance des médias au Togo. Nous vous exhortons à annuler rapidement et sans condition ces suspensions, afin de maintenir les efforts actuels du pays à promouvoir la démocratie et la libre expression.
Les actuelles suspensions révèlent une inquiétante tendance à la censure des tirages et des médias de radiotélévision à l’intérieur du pays, depuis le début de cette année. En mars, la HAAC a temporairement suspendu le journaliste et activiste média Daniel Lawson-Drackey suite à un commentaire sur la radio privée Nana FM, qui critiquait un ministre du gouvernement. En janvier, Radio Victoire, média privé, était retirée de l’antenne pour 15 jours, et son commentateur français indéfiniment interdit de diffusion, en réponse à un reportage critiquant la fédération togolaise de football.
Une sanction similaire à l’encontre des médias audiovisuels a été prise le 11 février 2005, quand huit stations de radio et deux chaînes de télévision ont été fermées dans la lancée des élections du 5 avril 2005. Avec les prochaines élections parlementaires, à une date jusqu’à présent imprécise et attendue au Togo, l’inhibition de la presse indépendante donne un dangereux précédent dans un pays auparavant loué pour son attitude progressive envers les médias; notamment après l’amendement du Code de la Presse et de la Communication, en août 2004, qui décriminalisait la calomnie et la diffamation pour les journalistes.
Nous vous exhortons à maintenir dans cet esprit la liberté de la presse à travers votre pays, et à immédiatement abroger les lourdes suspensions à l’encontre des journaux Le Courrier de La République et La Trompette.
Sincèrement,
Joel Simon