Le juge de la Haute Cour de New Delhi a déclaré, le 12 janvier 2012, qu’il n’hésiterait pas à ordonner le blocage total des sites refusant de supprimer certains contenus “offensants”, “comme en Chine”.
(RSF/IFEX) – Le 13 janvier 2012 – Reporters sans frontières s’inquiète de la série de violations de la liberté de la presse et des attaques à l’encontre de journalistes perpétrées depuis le début de l’année 2012.
“Nous appelons le pouvoir central à réagir le plus rapidement possible aux abus des autorités ou potentats locaux à l’égard de la presse. Il est également essentiel que les autorités renoncent à leur politique de surveillance d’Internet, à la fois disproportionnée et dangereuses pour la liberté d’expression”, a déclaré l’organisation.
Une volonté de contrôle du Net disproportionnée
Les autorités se sont engagées dans une escalade dans la censure du Net. Le juge de la Haute Cour de New Delhi a déclaré, le 12 janvier 2012, qu’il n’hésiterait pas à ordonner le blocage total des sites refusant de supprimer certains contenus “offensants”, “comme en Chine”.
“Cette déclaration ne fait que confirmer nos craintes, le gouvernement indien a pris depuis quelques mois des initiatives inquiétantes en matière de liberté du Net. En exigeant des sites qu’ils suppriment tout contenu “choquant”, les autorités leur confient une mission impossible. Certains d’entre eux pourraient opter pour la facilité, en bloquant leur accès aux visiteurs d’Inde (identifiés par adresse IP), ou en instaurant un filtrage disproportionné. Nous mettons en garde le régime contre toute législation liberticide, et nous rappelons que le rapporteur des Nations unies sur la liberté d’expression, Frank la Rue, s’est prononcé contre toute régulation abusive sur le Net”, a déclaré l’organisation.
La Haute Cour de New Delhi a été saisie par Google Inde, suite à la convocation de 21 sites Internet (parmi lesquels les branches indiennes de Facebook, Google, et Yahoo !) par un tribunal civil, le 23 décembre 2011, qui avait ordonné la suppression des contenus “obscènes” et “lascifs”, avant le 6 février 2012. En tant que filiale distributrice de Google Inc, Google Inde a avancé qu’elle n’a pas la main sur tous les contenus postés sur Google, Youtube, Orkut, et Blogger en Inde. De plus, l’opération est humainement impossible. A titre d’exemple, 48 heures de vidéo sont mises en ligne chaque minute sur Youtube.
Le filtrage des contenus choquants est un sujet récurrent depuis déjà plusieurs mois. Le ministre des Télécommunications, Kapil Sibal, a déclaré, le 6 décembre dernier, que le gouvernement allait “mettre en oeuvre des directives et des mécanismes” pour que les contenus “insultants”, c’est-à-dire diffamatoires, pornographiques ou relatifs à des éléments illégaux, ne soient pas mis en ligne. Au cours du dernier trimestre 2011, des rencontres ont été organisées avec les dirigeants des filiales indiennes de Google, Facebook, Yahoo et Microsoft. Le ministre souhaitait leur imposer une politique d’autorégulation, c’est-à-dire que tous les contenus publiés sur leurs services soient désormais prévisualisés et approuvés avant publication.
Les “IT Rules 2011”, adoptées en avril dernier, imposent déjà aux entreprises du Net le retrait de tout contenu “interdit” dans les 36 heures suivant la notification par les autorités.
Les autorités ont d’ores et déjà sévi contre plusieurs sites, notamment celui du caricaturiste anti-corruption Aseem Trivedi, “Cartoons Against Corruption” ( www.cartoonsagainstcorruption.com ), qui rassemble des dessins humoristiques dénonçant la corruption. Dans un courrier du 27 décembre 2011, son hébergeur, Big Rock, l’a informé de la suspension du site, en raison de contenus insultants pour le drapeau et l’emblème indiens. Cette suspension fait suite à une plainte déposée par un avocat, R.P. Paney, qui s’était adressé au département criminel de Bombay. La police avait ordonné le retrait de ces dessins “obscènes” à Big Rock, qui n’a pas souhaité commenter sa décision de bloquer la totalité du site. Le State Emblem of India Act (2005) interdit tout usage de l’emblème national, délit passible de deux ans de prison ou de 5 000 roupies. Le caricaturiste a déclaré qu’il continuerait à dénoncer la corruption et il transféré ses dessins vers son blog.
(. . .)