(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières s’insurge contre les procédures abusives lancées par le gouvernement nigérian à l’encontre de Mike Gbenga Aruleba, présentateur d’une célèbre émission politique, et de Rotimi Durojaiye, reporter du « Daily Independent ». Les deux journalistes, arrêtés les 25 et 26 juin 2006, ont été inculpés de « sédition » en vertu d’une loi rendue caduque […]
(RSF/IFEX) – Reporters sans frontières s’insurge contre les procédures abusives lancées par le gouvernement nigérian à l’encontre de Mike Gbenga Aruleba, présentateur d’une célèbre émission politique, et de Rotimi Durojaiye, reporter du « Daily Independent ». Les deux journalistes, arrêtés les 25 et 26 juin 2006, ont été inculpés de « sédition » en vertu d’une loi rendue caduque par l’arrêt d’une cour d’appel datant de 1983.
« Que les services de renseignements nigérians soient systématiquement instrumentalisés pour servir de police politique à la présidence est déjà scandaleux en soi. Mais l’exhumation d’une loi archaïque à l’encontre d’hommes de presse, qui n’ont fait que lever des questions d’intérêt public, est un artifice couvrant mal des manoeuvres de basse politique », a déclaré Reporters sans frontières.
Dans le « Daily Independent » du 12 juin, Rotimi Durojaiye a publié un article intitulé « Controversy Over Age, Cost of Presidential Jet » (« Polémique autour de l’âge et du coût de l’avion présidentiel »), dans lequel le journaliste s’interrogeait sur les modalités et l’opportunité de l’acquisition du nouvel avion présidentiel.
Dans son émission « Focus Nigeria », diffusée le lendemain sur la chaîne de télévision AIT, le présentateur Mike Gbenga Aruleba a évoqué ce sujet, qui suscite une grande controverse dans la presse nigériane. Pour avoir employé un mot péjoratif (« tokunbo »), suggérant qu’il s’agissait d’un appareil de seconde main, il a été arrêté le 14 juin par des agents du State Security Services (SSS, services de renseignements intérieurs), puis relâché le jour suivant à condition de rendre compte de ses déplacements. Rotimi Durojaiye a été arrêté à son tour le 25 juin, tandis que le rédacteur en chef de son journal a été simplement interrogé par le SSS. Le lendemain, alors que, dans le cadre de son travail, il avait quitté Abuja pour Lagos, Mike Gbenga Aruleba a été de nouveau arrêté. Les deux journalistes ont finalement comparu le 27 juin pour une première audience au cours de laquelle ils ont été formellement inculpés. Une nouvelle audience est prévue le 29 juin.
Selon des juristes nigérians, les deux journalistes ont été inculpés de « sédition », en vertu d’une loi rendue caduque par un arrêt de la cour d’appel d’Enugu, en 1983. « C’est une loi morte, qui ne peut être utilisée contre personne au Nigeria », s’est indigné l’avocat Gani Fawehinmi, cité par le quotidien privé « The Punch ». Le président de l’association des barreaux d’Afrique de l’Ouest, Femi Falana, s’est demandé, dans le même article, « ce que le gouvernement espère en intimidant la presse en utilisant des arguments anticonstitutionnels ».
La presse privée nigériane estime qu’elle subit les foudres du président Olusegun Obasanjo pour avoir soutenu l’opposition à son projet d’amendement de la Constitution, finalement avorté, visant à se présenter pour un troisième mandat. Après plusieurs semaines d’un débat houleux dans la presse et à l’Assemblée nationale, le Sénat a rejeté l’amendement au mois de mai. Selon le président de AIT, Raymond Dokpesi, cité par l’agence Reuters, Mike Gbenga Aruleba est visé par les autorités en raison de la popularité de son émission politique, qui aurait joué un rôle important dans le retournement de l’opinion sur la question du troisième mandat.