(RSF/IFEX) – Olu Richie Awoonor Gordon, directeur de publication du magazine « Peep ! », a passé près de trois jours en prison pour avoir signé un article qui a déplu au gouvernement, avant d’être libéré sans qu’aucune charge soit retenue contre lui. « Le gouvernement d’Ahmad Tejan Kabbah utilise la police et la justice comme des auxiliaires […]
(RSF/IFEX) – Olu Richie Awoonor Gordon, directeur de publication du magazine « Peep ! », a passé près de trois jours en prison pour avoir signé un article qui a déplu au gouvernement, avant d’être libéré sans qu’aucune charge soit retenue contre lui.
« Le gouvernement d’Ahmad Tejan Kabbah utilise la police et la justice comme des auxiliaires de ses humeurs, a déclaré RSF. En Sierra Leone, où le directeur du quotidien « For Di People », Paul Kamara, croupit en prison pour avoir critiqué le chef de l’Etat, les journalistes font trop souvent les frais de ces abus. Il est temps que la MINUSIL, la mission locale de l’ONU, veille à ce que les médias soient enfin respectés. Son silence sur le comportement tyrannique des autorités avec la presse ne fait qu’aggraver la situation, en entretenant l’impunité ».
Dans l’après-midi du 11 février 2005, des agents de police se sont présentés aux bureaux du magazine « Peep ! » à Freetown, pour annoncer à Gordon, qu’il était « invité » à se rendre au commissariat. Interrogé pendant plusieurs heures, il a été placé en détention dans la soirée, après avoir signé sa déposition. Il n’a été libéré que le 14 février à la mi-journée, après que le ministre de la Justice eut abandonné les poursuites engagées contre lui.
Contacté par RSF pendant l’interrogatoire du journaliste, le chef de la police, M.B. Lapia, a insisté pour dire que Gordon avait été « invité » pour « répondre à des questions » et qu’en aucun cas il n’avait été « arrêté ». Le journaliste, contacté par RSF à l’issue de son interrogatoire, a précisé que les policiers avaient été corrects avec lui et que l’ordre de le convoquer au commissariat venait sans doute directement du gouvernement. « J’ignore encore quel sort m’est réservé, a-t-il déclaré. Les policiers ne savent pas trop ce que je fais là. S’il faut que je passe le week-end en prison, soit. J’ai déjà été arrêté par le passé, mais il s’agit là de l’épisode le plus absurde qu’il m’a été donné de vivre dans ma carrière de journaliste ».
Dans son édition du 11 février, « Peep ! », connu pour être l’un des journaux les plus en pointe dans la lutte contre la corruption en Sierra Leone, avait publié un article intitulé : « Why Marine Minister Okere Adams is still a Minister of Government » (« Pourquoi le ministre de la Marine, Okere Adams, est toujours au gouvernement »). L’article s’interrogeait sur la raison pour laquelle le ministre de la Marine, Ibrahim Okere Adams, n’avait pas été limogé après avoir été inculpé par la Commission anti-corruption. Le journaliste rappelait le limogeage, en 2002, de Harry Will et Momoh Pujeh, deux ministres qui avaient été précédemment inculpés par la même Commission. S’agissant du cas d’Okere Adams, l’article citait un communiqué de presse de la présidence, stipulant que « la question de l’abandon de sa charge par un homme public ne se posait qu’après qu’une cour se fut prononcée sur la culpabilité de cette personne », comparant la situation avec celle de l’ancien président américain Bill Clinton.
Pour conclure son article, « Peep ! » soulignait qu’Adams était l’un des alliés les plus puissants du président Kabbah et du vice-président Solomon Berewa au sein du parti au pouvoir, le Sierra Leone People’s Party (SLPP), dans le nord du pays.