(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un comuniqué de presse du 11 mai 2000 de RSF: Communiqué de presse Serbie, Ukraine, Azerbaïdjan, Kirghizistan Une cinquantaine de condamnations à de fortes amendes prononcées contre des médias contestataires depuis le début de l’année En Serbie mais aussi en Ukraine, en Azerbaïdjan ou au Kirghizistan, des délits tels que la « diffamation », […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un comuniqué de presse du 11 mai 2000 de RSF:
Communiqué de presse
Serbie, Ukraine, Azerbaïdjan, Kirghizistan
Une cinquantaine de condamnations à de fortes amendes prononcées contre des médias contestataires depuis le début de l’année
En Serbie mais aussi en Ukraine, en Azerbaïdjan ou au Kirghizistan, des délits tels que la « diffamation », « l’offense », la « diffusion de fausses nouvelles » sont passibles de très fortes amendes. Les médias condamnés, lors de procès expéditifs, risquent ainsi la fermeture. Depuis le 1er janvier 2000, plus d’une trentaine de condamnations ont été prononcées contre des médias indépendants et d’opposition en Serbie. Le montant global des sommes versées depuis l’instauration de la loi sur l’information en octobre 1998 s’élève à 28 millions de dinars (2,7 millions d’euros). En Ukraine, 2257 plaintes contre des médias et des journalistes ont été déposées en 1999 et la somme totale des dommages et intérêts réclamés s’élève à 90 milliards de hrivnias (14,7 milliards d’euros), soit trois fois le budget annuel du pays. En Azerbaïdjan, une quinzaine de médias parmi les plus influents ont été condamnés pour « diffamation » en 1999, pour une somme totale avoisinant un million d’euros. Le nouveau décret sur les médias, applicable depuis le 8 février 2000, réintroduit la censure. Au Kirghizistan, après les élections législatives de février dernier, les pressions économiques se sont multipliées contre les médias qui avaient contesté la légalité de ce scrutin.
En Serbie, la loi sur l’information d’octobre 1998, qui permet d’infliger de très fortes amendes pour « propos offensants » et « propos mensongers » sur simple plainte d’un particulier, continue d’être massivement utilisée pour faire taire toute velléité d’indépendance. Suite à des plaintes de particuliers proches du pouvoir ou de membres du gouvernement, une trentaine de procès ont eu lieu depuis le 1er janvier 2000 contre des médias considérés comme contestataires. Ainsi, entre le 3 et le 5 mai 2000, la télévision municipale de Belgrade, Studio B, contrôlée par l’opposition, a été condamnée à trois reprises, pour une somme totale de 1 180 000 dinars (107 270 euros), suite à sa couverture des échauffourées qui ont opposé à Pozarevac (Sud-Est), le 2 mai dernier, des militants de l’organisation étudiante Otpor et quelques membres du parti de la Gauche yougoslave (JUL), dirigé par la femme de Slobodan Milosevic. Ces condamnations portent à six le nombre des amendes infligées à la chaîne depuis le début de l’année. Depuis le 20 décembre 1999, l’hebdomadaire d’opposition Kikinske Novine a été condamné trois fois pour une somme totale de 1 080 000 dinars (98 182 euros) suite à sept plaintes, toutes déposées par le rédacteur en chef du quotidien gouvernemental Komuna. Pendant la même période, les quotidiens indépendants Danas, Blic, Narodne Novine, les hebdomadaires indépendants et d’opposition Vreme, Nin, Srpka Rec, Nezavisna Svetlost et l’agence de presse indépendante Beta se sont vu infligés des amendes comprises entre 150 000 et 450 000 dinars (13 500 et 40 500 euros). Le 20 avril 2000, le ministre fédéral des Télécommunications, Ivan Markovic, a déclaré que « même Dieu ne réussirait pas à sauver un seul émetteur appartenant à des médias d’information qui n’auraient pas payé leurs amendes et diffuseraient sans permis de travail officiel ». Le ministre a ajouté qu’il avait à sa disposition « assez d’inspecteurs pour fermer trois fois plus de médias que n’en comptent la Serbie et le Monténégro réunis ».
En Ukraine, les procès en diffamation sont fréquemment utilisés contre des médias contestataires. Si les 2,257 plaintes déposées en 1999 n’ont pas toutes abouti, la somme totale des amendes infligées l’an dernier s’élève à 1,5 million de hrivnias (300 000 euros). Le 3 mai 2000, une soixantaine de journalistes ukrainiens ont élevé une barricade sur la place centrale de Kyiv pour dénoncer les pressions fiscales et juridiques. Ce mouvement de protestation fait suite à la condamnation du quotidien régional indépendant Express de Lviv (ouest) à une amende de 150 000 hrivnias (30 000 euros) au titre des dommages et intérêts, suite à la plainte déposée par un musicien. Dans un article publié en 1997, le journal avait accusé ce dernier de plagiat. Autre exemple, en mars, 360 000 hryvnias (72 000 euros) de dommages et intérêts ont été réclamés à l’hebdomadaire Pryvatna Sprava de Poltava (centre) par un entrepreneur privé. Le journal avait fait état de son implication dans des fraudes commerciales.
En Azerbaïdjan, une quinzaine de médias se sont vu infligés de fortes amendes pour « diffamation » en 1999. Le montant total de celles-ci s’élèverait à 7 milliards de manat (1,2 millions d’euros). Depuis la mise en application du nouveau décret sur les médias en février 2000, les procès en diffamation se sont encore multipliés. L’hebdomadaire Monitor, qui reparaît depuis le 20 février 2000, est de nouveau menacé de fermeture, alors que ses responsables refusent de verser une amende de 100 millions de manat (20 000 euros). Le journal avait déjà été mis en liquidation en juillet 1998, suite à sa condamnation à une amende de 16 milliards de manat (2,7 millions d’euros). La publication avait été poursuivie pour « offense à la nation azérie », à la suite de la plainte déposée par trois professeurs d’université. Le 10 mars, le rédacteur en chef du journal Alem a été condamné à verser une amende de 5,5 millions de manats (1 000 euros), suite à la plainte déposée par le département ecclésiastique des Musulmans du Caucase, sous prétexte qu’il aurait diffusé du matériel pornographique.
Au Kirghizistan, les fraudes électorales constatées par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) au cours des élections législatives de février dernier, ont été accompagnées de pressions grandissantes sur les médias. Le 4 avril 2000, le tribunal de Bishkek a prononcé la suspension de l’hebdomadaire indépendant local, Res Publika, jusqu’au paiement d’une amende de 40 000 soms (850 euros). Le journal a été condamné le 31 mars pour « diffamation » envers un politicien local. Res Publika n’aurait pas non plus réglé l’amende de 200 000 soms (4 000 euros), infligée le 16 janvier dernier pour avoir bafoué « l’honneur et la dignité » du président de la chaîne de télévision gouvernementale TV Kyrgyz. Peu auparavant, le journal d’opposition Asab a été condamné à une amende de 2 millions de som (40 000 euros) pour « fraude fiscale ». Le 4 mai dernier, commentant la fermeture de certaines publications dans ce pays, un représentant de l’OSCE a déclaré qu’il ne pensait pas que « ces journaux disparaissent uniquement pour des raisons économiques ».
Face à cette situation, Reporters sans frontières recommande aux autorités de ces quatre pays de respecter les engagements en matière de liberté de la presse qu’ils ont contracté en ratifiant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont l’article 19 garantit la liberté d’expression.
Reporters sans frontières demande également au rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’homme en ex-Yougoslavie, Jiri Diensbier, de tout mettre en ¦uvre afin d’obtenir des autorités serbes l’abrogation de la loi sur l’information en vigueur dans ce pays depuis octobre 1998.
Enfin, Reporters sans frontières exhorte le Conseil de l’Europe, dont l’Ukraine est membre depuis 1995, à veiller à ce que ce pays respecte ses engagements, en particulier en matière de liberté de la presse.