(RSF/IFEX) – Le 17 février 2005, dix jours après les faits, un groupe inconnu, Sipah-e-Islam (Soldats de l’Islam), a revendiqué le meurtre des deux reporters Amir Nawab Khan et Allah Noor Wazir à Wana (Sud-Waziristan, nord-ouest du pays). Dans un fax envoyé au bureau du quotidien en anglais « The News » à Peshawar, le groupe « [assume] […]
(RSF/IFEX) – Le 17 février 2005, dix jours après les faits, un groupe inconnu, Sipah-e-Islam (Soldats de l’Islam), a revendiqué le meurtre des deux reporters Amir Nawab Khan et Allah Noor Wazir à Wana (Sud-Waziristan, nord-ouest du pays).
Dans un fax envoyé au bureau du quotidien en anglais « The News » à Peshawar, le groupe « [assume] la responsabilité du meurtre des deux journalistes au Sud-Waziristan la semaine dernière. (. . .). Certains journalistes étaient en train de travailler pour des chrétiens (. . .). Ils sont utilisés comme des outils dans la propagande négative des chrétiens contre les moudjahidin musulmans (. . .) En plus de tuer deux journalistes, nos moudjahidin ont tué des espions américains ». Le communiqué est signé par Ahmed Farooqi, un nom inconnu des journalistes spécialistes des groupes djihadistes pakistanais. Ainsi, Rahimullah Yousafzai, correspondant de la BBC à Peshawar, a indiqué qu’il n’avait jamais entendu parler du Sipah-e-Islam et qu’il était très difficile de vérifier si ce groupe existait réellement.
Cette revendication répond aux accusations des plus hautes autorités pakistanaises, notamment du ministre fédéral de l’Intérieur. Dans les heures qui ont suivi l’attaque, ce dernier a affirmé qu’il s’agissait d’un acte terroriste visant à saboter les efforts de pacification des autorités dans les zones tribales. Le gouverneur de la Northwest Frontier Province, Syed Iftikhar Hussain Shah, a déclaré quant à lui que ces « mécréants pouvaient être des étrangers ou des locaux. Le gouvernement les éliminera avec l’aide des tribaux ».
Le chef de guerre taliban, Abdullah Mehsud, était notamment montré du doigt par les autorités. Opposé à tout accord de paix avec l’armée, il avait violemment rejeté la réconciliation entre son ancien mentor, Baitullah Mehsud, et les autorités d’Islamabad. Il était le suspect idéal. Mais Abdullah Mehsud a rapidement démenti toute implication dans ce meurtre. Dans un appel téléphonique, le 9 février, aux correspondants de la BBC World Service et du « Daily Times » à Peshawar, le chef tribal a affirmé que son groupe armé n’avait rien à voir avec ces meurtres. « Le gouvernement a commis cet assassinat pour m’accuser. (. . .). Ce que je fais, j’en assume la responsabilité immédiatement », a-t-il affirmé. Au passage, le chef de guerre lié à Al-Qaida a menacé de représailles le correspondant de la radio britannique s’il ne publiait pas l’intégralité de l’interview.
Un assassinat commis au c?ur de Wana
RSF a recueilli le témoignage d’un des journalistes présents dans la camionnette visée dans l’attaque du 7 février : « Nous étions dans la ville de Wana, près de l’hôpital public, vers 19h30 (heure locale), quand une voiture blanche a doublé notre camionnette. Deux hommes assis l’un derrière l’autre ont ouvert le feu sur nous avec des mitraillettes AK47. La fusillade a eu lieu à moins de soixante mètres du bâtiment de la milice tribale. Ils n’ont pas bougé pour arrêter les assaillants. (. . .). Le crâne de Noor a éclaté et Nawab a reçu des balles dans le bas du cou. Ils ont tiré une soixantaine de balles. Chacun d’eux a vidé son chargeur pour tuer. Après avoir fini le travail, ils n’ont pas accéléré. Ils sont partis doucement », souligne ce survivant de l’attaque. « Nous avons crié à l’aide. Des étudiants et des membres de la milice tribale ont couru vers nous. Ils ont transporté un blessé, Anwar Shakir, correspondant de l’AFP, vers l’hôpital public, où il a été opéré pour une blessure à l’abdomen ».
Des promesses d’enquête
Le 12 février, le lieutenant-général Safdar Hussain, haut responsable des opérations militaires au Sud-Waziristan, a promis à une délégation de la Tribal Union of Journalists (TUJ) que les assassins seraient arrêtés. L’officier a également promis que plus de 3 000 euros (environ 3 950 $US) seraient versés aux familles des reporters tués. L’officier a également rappelé que l’armée s’engageait à soutenir le journalisme dans les zones tribales.
Le lieutenant-général Hussain avait déclaré deux jours plus tôt, devant une délégation de chefs tribaux et de religieux de Wana que le « gouvernement analysait tous les aspects du meurtre des journalistes afin de savoir s’ils étaient visés pour leur travail, pour des querelles personnelles ou pour de vieilles inimitiés ».
La TUJ, dont les deux journalistes tués étaient membres, s’est largement mobilisée pour que justice soit rendue. Son président, Sailab Mehsud, s’est rendu à Islamabad et à Peshawar pour rencontrer des officiels. « Les tueurs seront remis à la justice », a-t-il assuré à plusieurs reprises.
RSF s’associe pleinement aux doléances présentées par la TUJ aux autorités civiles et militaires. L’organisation demande qu’une enquête approfondie, ne négligeant aucune piste, soit menée sur cette attaque. Les investigations ne doivent pas s’arrêter à cette revendication mystérieuse.