(RSF/IFEX) – L’hebdomadaire privé « Aftab » a été fermé et deux responsables de la rédaction ont été arrêtés, le 17 juin 2003, pour avoir publié des articles jugés « blasphématoires ». Le journal appelait à une interprétation modérée de l’islam et à une adaptation de cette religion au monde moderne lors de l’élaboration de la nouvelle Constitution afghane. […]
(RSF/IFEX) – L’hebdomadaire privé « Aftab » a été fermé et deux responsables de la rédaction ont été arrêtés, le 17 juin 2003, pour avoir publié des articles jugés « blasphématoires ». Le journal appelait à une interprétation modérée de l’islam et à une adaptation de cette religion au monde moderne lors de l’élaboration de la nouvelle Constitution afghane.
« Il est regrettable et inquiétant pour l’avenir de la liberté d’expression en Afghanistan de voir une publication fermée et deux journalistes arrêtés pour avoir exprimé leur opinion sur la place de l’islam dans la future Constitution du pays », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF. L’organisation a demandé au président Hamid Karzaï d’intervenir pour obtenir la libération du rédacteur en chef d' »Aftab » et de son adjoint, ainsi que la réouverture de l’hebdomadaire dans les meilleurs délais.
La parution, le 11 juin, du dernier numéro de l’hebdomadaire « Aftab » a suscité l’indignation au sein du Conseil des oulémas (responsables religieux) de la Cour suprême de Kaboul. Dans un article intitulé « Saint fascisme », le rédacteur en chef de ce journal, Sayeed Mirhassan Mahdawi, remettait en cause l’Islam tel qu’il est pratiqué à l’heure actuelle et liait le retard social et économique des sociétés musulmanes au caractère archaïque de cette religion. Il critiquait également les crimes ethniques commis au nom de l’islam, par d’anciens chefs moudjahidin notamment. Un autre article de cette édition déclarait que l’Islam, tel qu’il est pratiqué en Afghanistan, est contraire à la démocratie et aux droits sociaux et politiques de ses citoyens.
Qualifiant ces articles d' »offense à l’islam », la Cour suprême a demandé à la présidence afghane la fermeture du journal « Aftab » et exigé que son rédacteur en chef soit jugé. Le 17 juin, le gouvernement a ordonné la fermeture de l’hebdomadaire et l’arrestation de Mahdawi pour « blasphème ». Le rédacteur en chef et son adjoint, Ali Payam Sestani, de nationalité iranienne, sont depuis emprisonnés à Kaboul. Les deux journalistes auraient jusqu’à présent été bien traités par les autorités. Une commission spéciale, la Commission de défense de la liberté de la presse et d’évaluation des médias, est chargée de statuer sur le degré de responsabilité des deux hommes, avant de transmettre leur cas à la justice. Les locaux du journal « Aftab » ont, quant à eux, été fermés. Des exemplaires du dernier numéro de l’hebdomadaire ont par ailleurs été saisis dans plusieurs kiosques de la ville.
Le ministère de l’Information et de la Culture a largement défendu le point de vue de la Cour suprême. « Plusieurs articles de la dernière édition d' »Aftab » étaient blasphématoires. . . Il était de notre devoir d’interrompre la publication de ce journal », a déclaré le vice-ministre de l’Information et de la Culture, Hamid Mobarez.
Distribué à Kaboul à quelques centaines d’exemplaires, l’hebdomadaire « Aftab », publié en langue dari, est critique à l’égard du gouvernement actuel et des chefs moudjahidin. Mahdawi, qui a longtemps vécu en Iran et appartient à la minorité chiite, réalise « Aftab » avec plusieurs journalistes iraniens. Ils dénoncent fréquemment les crimes des seigneurs de guerre et des moudjahidin. En avril dernier, Mahdawi avait reçu des menaces de mort par téléphone suite à la publication d’un article qui appelait à l’instauration d’un gouvernement laïc en Afghanistan.
Depuis plusieurs semaines, le débat sur la place de l’islam dans la nouvelle Constitution afghane s’est intensifié dans le pays.