Affirmant subir des menaces graves, le directeur de publication de "Ishema" a décidé de suspendre pour un mois la publication de son journal.
(RSF/IFEX) – Le 31 août 2011 – Affirmant subir des menaces graves, le directeur de publication du bimensuel Ishema, Fidèle Gakire, a décidé le 28 août 2011, en concertation avec son comité de direction, de suspendre pour un mois la publication de son journal.
« La décision prise par le bimensuel Ishema traduit le malaise que ressentent régulièrement les publications indépendantes au Rwanda. Mis en cause par le Haut Conseil des médias, un organe proche du pouvoir, le journal s’est excusé et son responsable a été sanctionné. Ce dernier continue cependant de subir des menaces et une campagne de dénigrement qui le poussent à cesser temporairement son activité », a déclaré Reporters sans frontières.
L’affaire commence avec la publication par Ishema, dans son numéro 24 de mi-juillet 2011, d’un article que le Haut Conseil des médias, organe de régulation et institution étatique, juge diffamatoire à l’égard du président de la République, Paul Kagamé. L’article d’opinion publié en anglais indiquait « President Kagame is a sociopath (Le président Kagamé est un sociopathe) ».
Très rapidement, le directeur de publication du bimensuel, Fidèle Gakire, demande pardon. Estimant que l’article avait été publié à son insu, le rédacteur en chef d’Ishema, Didas Niyifasha, démissionne. Enfin, l’association des journaux privés (FPN, The Forum of Private Newspapers) suspend Fidèle Gakire pour six mois.
Plus tôt que prévu, la rédaction du journal publie un numéro spécial avec en une la mention « Imbabazi (Pardon) ». Ce numéro est dans sa quasi-totalité composé d’anciens articles, élogieux à l’égard du chef de l’Etat, que le journal avait publié dans le passé.
Les autorités et les journalistes gouvernementaux saluent cette réaction, et vantent l’autorégulation des médias du Rwanda.
Mais quelques jours plus tard, un citoyen se plaint auprès du Haut Conseil des médias, se disant lésé par le journal. En outre, Ancilla Mukarubuga, une habitante du district de Gasabo, à Kigali, se dit elle aussi choquée par les publications d’Ishema et réunit, de sa propre initiative, 1500 signatures de son district pour demander des sanctions contre le journal. Ces derniers jours, le directeur du journal a affirmé subir des menaces graves.
Cet incident intervient au moment même où le débat sur l’autorégulation des médias au Rwanda est ouvert. Une nouvelle loi sur la presse est actuellement en discussion au Parlement. Elle vise notamment à transférer la régulation à un forum de professionnels remplaçant le Haut Conseil des médias. Pour mettre en place ce forum, organe national d’autorégulation, les journalistes rwandais viennent d’adopter un nouveau code d’éthique et de déontologie.