Reporters sans frontières dénonce la multiplication, ces derniers mois, des arrestations arbitraires de professionnels des médias et net-citoyens par les forces de l'ordre maldiviennes.
(RSF/IFEX) – le 6 septembre 2012 – Reporters sans frontières dénonce la multiplication, ces derniers mois, des arrestations arbitraires de professionnels des médias, par les forces de l’ordre maldiviennes. L’organisation a recueilli le témoignage d’Ahmed Naish, journaliste pour le site Internet Minivan News, arrêté par la police lors d’une manifestation du Parti démocratique maldivien (MDP) contre le gouvernement en place, le 30 août 2012, et détenu pendant 24 heures.
Reporters sans frontières rappelle aux autorités maldiviennes que la détention arbitraire est contraire à l’article 46 de la Constitution qui stipule que « chacun a le droit de ne pas être arbitrairement détenu ou emprisonné, excepté dans les cas prévus par la loi promulguée par la People’s Majlis (principal organe législatif des Maldives) en vertu de l’article 16 de la Constitution ». L’organisation condamne les entraves répétées au travail des professionnels de l’information et appelle le gouvernement à faire cesser ces arrestations qui visent à intimider les journalistes et à renforcer l’autocensure.
Les médias et les net-citoyens ont joué un rôle important au moment du renversement de l’ancien gouvernement, en février 2012 : ils ont été des témoins « gênants » de la répression qu’ils ont filmée et photographiée. Selon certains professionnels des médias interrogés par Reporters sans frontières, c’est ce qui entraînerait, aujourd’hui, l’augmentation du nombre d’arrestations de journalistes et de preneurs d’images.
Le 30 août 2012, à 17 heures 30, Ahmed Naish a été arrêté dans le quartier de Sosun Magu, situé à Malé, par des membres des forces spéciales de la police , alors qu’il photographiait un policier procédant à l’arrestation d’un manifestant. Lors de son arrestation, les policiers lui ont demandé sa carte de presse. Le journaliste ne l’avait pas sur lui mais leur a montré sa carte de visite pour prouver sa bonne foi. Les policiers n’ont pas accepté son justificatif, et l’ont menotté avant de le faire monter dans leur véhicule.
« J’avais les mains menottées dans le dos. Malgré cela, le policier a persisté à me maintenir les mains serrées. Un autre officier a continué à me donner des coups de poing dans le bras et des coups de pieds aux chevilles avec ses bottes, tout en me disant de marcher plus vite », a raconté le journaliste.
Les policiers ne se sont pas contentés d’arrêter Ahmed Naish. Ils ont également interpellé deux autres personnes qui les avaient photographiés et filmés, avant de les emmener tous au commissariat et de les transférer au centre de détention de l’île de Dhoonidhoo (au nord de la capitale). « Ils ont pris mes effets personnels ( . . . ) J’ai été pris en photo et un officier chargé de l’enquête m’a informé que j’étais arrêté pour « obstruction au travail de la police » et « trouble à l’ordre public ». J’ai refusé de signer le formulaire d’arrestation qui non seulement avançait de fausses informations sur la raison de mon arrestation, mais indiquait également un lieu incorrect », a-t-il déclaré.
Ahmed Naish a ensuite été placé en cellule avec les autres personnes arrêtées au cours de la manifestation.
Le journaliste a demandé à voir un médecin car ses poignets étaient anormalement gonflés : le médecin lui a donné un anti-douleur. Il a ensuite pu s’entretenir avec deux avocats à qui il a expliqué les circonstances de son arrestation.
« J’ai parlé avec sept personnes qui ont été arrêtées, comme moi, pour avoir pris des photos. Elles ont toutes été accusées d’obstruction au travail de la police, refus d’obtempérer et trouble à l’ordre public ».
Vers 2 heures du matin, Ahmed Naish a été transféré dans une autre cellule, où se trouvaient déjà 25 personnes. Vingt-quatre heures après son arrestation, il a finalement été relâché sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui.
« J’ai trouvé, plus tard, un enregistrement du média pro-gouvernemental Villa Television qui montrait une partie de mon arrestation, ce qui prouve que la police a menti sur le lieu de mon arrestation. Cela montre aussi que je n’étais pas en train de troubler l’ordre public ».
Ahmed Naish a déclaré qu’un autre journaliste de Mini Radio 97FM, Ali Nahyk, avait été arrêté, le 31 août 2012, pour les mêmes motifs.
Les Maldives se situent à la 73e place sur 179 dans le classement mondial de la liberté de la presse 2011-2012 de Reporters sans frontières. La situation des médias s’est toutefois sérieusement dégradée depuis sa publication, antérieure aux événements de février 2012 qui avaient vu arriver au pouvoir le vice-président Waheed, l’ancien président M. Nasheed ayant été contrait de démissionner.