(RSF/IFEX) – Gédéon Mushimiyimana, ancien journaliste de la télévision nationale, a été libéré le 11 novembre 2002, après avoir passé six ans en prison. Le journaliste était accusé d’avoir participé au génocide de 1994. Début novembre, le parquet de Gitarama a conduit le journaliste, avec d’autres détenus, devant la population de son village d’origine. Les […]
(RSF/IFEX) – Gédéon Mushimiyimana, ancien journaliste de la télévision nationale, a été libéré le 11 novembre 2002, après avoir passé six ans en prison. Le journaliste était accusé d’avoir participé au génocide de 1994. Début novembre, le parquet de Gitarama a conduit le journaliste, avec d’autres détenus, devant la population de son village d’origine. Les habitants n’ont porté aucune accusation contre Mushimiyimana et le journaliste a été mis en liberté provisoire quelques jours plus tard. Son cas devrait être à nouveau examiné par une juridiction gacaca (tribunaux populaires) dans les prochains mois.
RSF se félicite de cette décision, mais rappelle que deux autres journalistes – Dominique Makeli et Tatiana Mukakibibi – sont détenus depuis plusieurs années au Rwanda. L’organisation demande aux autorités rwandaises, et notamment au chef de l’État, Paul Kagame, de tout mettre en oeuvre afin que ces deux journalistes soient libérés au plus vite. Selon RSF, rien ne justifie leur détention.
Mushimiyimana avait été arrêté en 1996, à Kigali, par des gendarmes. Il était accusé d’avoir « transmis une information » à Radio France Internationale (RFI) selon laquelle Kagame, à l’époque vice-président de la République, était un « terroriste ». Mushimiyimana avait été en contact avec une journaliste de RFI venue faire des reportages dans le pays quelques semaines plus tôt. Elle s’était rendue dans les locaux de la télévision où il lui avait remis des cassettes de reportages effectués par la chaîne publique. Quelques jours après son arrestation, il avait été finalement accusé d’avoir exécuté une famille pendant le génocide. Mushimiyimana était détenu à la prison de Butare, dans le sud du pays.
RSF rappelle que deux autres journalistes sont actuellement emprisonnés au Rwanda pour avoir exercé leur activité professionnelle :
– Makeli, ancien journaliste de Radio Rwanda, est détenu à la prison centrale de Kigali (PCK) depuis le 18 septembre 1994. En octobre 2001, le procureur de la République de Kigali, Sylvaire Gatambiye, a affirmé à RSF que Makeli était accusé d’avoir « incité au génocide dans ses reportages ». En mai 1994, il avait couvert une apparition de la Vierge à Kibeho (ouest du pays) et rapporté sa supposée déclaration : « Le parent est au ciel. » Le procureur a expliqué que, dans le contexte de l’époque, cela signifiait : « Le président Habyarimana est au ciel. » La population aurait interprété ce message comme un soutien de Dieu à l’ancien Président et, par extension, à la politique d’extermination des Tutsis. RSF s’est procurée un enregistrement de ce reportage et l’a fait écouter à des Rwandais présents dans le pays au moment du génocide. Aucun d’entre eux n’a estimé que ce reportage constituait une incitation à la haine.
– Mukakibibi, également de Radio Rwanda, est détenue depuis le 2 octobre 1996 au cachot communal de Ntenyo (près de Gitarama). On l’accuse d’avoir tué ou fait tuer Eugène Bwanamudogo, un Tutsi qui réalisait des programmes radiophoniques pour le ministère de l’Agriculture. Selon un témoin, rencontré par RSF, qui vivait avec la journaliste au moment du génocide, Mukakibibi n’a pas pu tuer Bwanamudogo car ce dernier serait mort dans les premiers jours du génocide et, à cette période, la journaliste se trouvait à Cyangugu, en reportage. De plus, l’un des frères de Bwanamudogo aurait dit à ce témoin qu’il avait été tué par des militaires. Mukakibibi aurait ensuite été arrêtée sur dénonciation de la soeur de Bwanamudogo. Il existait une rivalité entre les deux familles parce que le frère de la journaliste, Damascène Muhinda, aurait pris part à un massacre contre des membres de la famille de Bwanamudogo.