Oludare Richards a été dans l’incapacité d’affirmer si l’incident était lié à un travail d’enquête sur lequel il travaille, qu’il ne peut pas divulguer pour l’instant.
Cet article a été initialement publié sur mfwa.org le 23 mai 2022.
Le 1er avril 2022, Oludare Richards, journaliste du journal The Guardian à Abuja, la capitale du Nigeria, revenait du Tribunal national du travail de la ville après avoir couvert une affaire lorsqu’il a constaté qu’il était suivi.
Après être descendu d’un taxi à l’arrêt de bus du Secrétariat à Ado, une ville située à l’est d’Abuja, il a remarqué qu’un minivan de marque Hyundai était garé au bord de la même rue. Le véhicule avait des vitres teintées et le moteur tournait à plein régime. Il était environ 14 heures (GMT+1).
« Je suis passé à côté du véhicule et j’ai continué à marcher. Je suis entré dans une rue où il n’y avait pas un chat, puis j’ai remarqué un véhicule roulant dans ma direction. Soudain, ses pneus ont crissé, j’ai regardé derrière moi et j’ai vu le minivan Hyundai que je venais à peine de dépasser venir également dans ma direction », a déclaré Richards à la MFWA.
Sentant que quelque chose clochait, le journaliste a dit qu’il a commencé à marcher plus vite. Dès que les bus se sont approchés de lui, il a paniqué et s’est mis à courir. Deux hommes, vêtus de muftis et de bottes noires, ont sauté de l’un des véhicules et lui ont ordonné de s’arrêter, mais il ne s’arrêta point et continua à courir encore plus vite.
« Quand ils se sont approchés de moi, j’ai plongé la main dans mon sac à dos et j’ai sorti un spray au poivre que j’ai pulvérisé sur leur visage. Cela m’a permis de leur échapper », a raconté Richards.
Il a déclaré que l’utilisation du spray au poivre était l’un des conseils de sécurité que son père, un officier militaire à la retraite, et sa mère, une policière, lui avaient enseigné, ainsi qu’à ses frères et sœurs, pour repousser les agresseurs.
Richards a déclaré qu’il n’était pas loin de chez lui, mais qu’il n’est pas rentré parce qu’il craignait que les agresseurs le retrouve dans son domicile. Alors qu’il réfléchissait à ce qu’il allait faire, il a aperçu un conducteur de moto pour qu’il le conduise dans un endroit sûr.
Le journaliste a déclaré qu’il s’était caché et n’était rentré chez lui que trois jours plus tard. Heureusement, sa femme et ses enfants n’étaient pas à Abuja lorsque l’incident s’est produit.
Richards a été dans l’incapacité d’affirmer si l’incident était lié à un travail d’enquête sur lequel il travaille, qu’il ne peut pas divulguer pour l’instant. Ce dont il est sûr, c’est qu’il a été mis sous surveillance par certaines personnes, ajoutant qu’il craint pour sa vie et celle de sa famille.
« Cet incident m’a traumatisé car cela affecte mon mariage. Je n’ai pas dit à ma femme ce qui s’est passé parce qu’en 2019, lorsque j’ai été agressé par des agents secrets alors que je couvrais une manifestation, cela lui a causé un traumatisme. Elle ne pouvait pas dormir pendant des jours et elle avait toujours peur pour ma vie, la sienne et celle des enfants. Elle a beaucoup pleuré. Elle a toujours peur qu’un jour je parte travailler et que je ne revienne pas à la maison », a ajouté Richards.
Richards est un journaliste chevronné qui a vécu une expérience traumatisante dans le cadre de son travail de journaliste. Outre son agression par des soldats lors de l’incident de 2019 mentionné ci-dessus, en 2020 il a également été brutalisé par des agents des services de sécurité de l’État (SSS) alors qu’il couvrait une manifestation devant le siège du service de renseignement à Abuja. Sa poitrine tachée de sang et son coude droit lacéré sont devenus l’une des images phares de la répression de ladite manifestation et des journalistes qui la couvraient.
Bien que l’incident lui ait causé un grand traumatisme et qu’il déchire sa vie familiale, il a déclaré qu’il n’abandonnerait pas le journalisme en raison de la profonde passion qu’il porte à ce métier.
Pendant ce temps, un avocat et ami de Richards, Marshall Abubakar du cabinet juridique Falana Chambers, a écrit une pétition au nom du journaliste à l’endroit de l’inspecteur général de la police du Nigeria, M. Usman Baba.
Richards a déclaré qu’il n’a pas eu de retour depuis qu’il a signalé l’incident effrayant en juin, et que ni lui ni son avocat n’ont reçu de réponse de l’IGP. Ceci, dit-il, a suscité plus de craintes.
La MFWA a contacté le porte-parole des forces de Police du Nigeria (NPF), Muyiwa Adejobi, au sujet du cas de Richards, mais le responsable de la police a réorienté notre correspondant vers le porte-parole du Commandant Régional de la Police, Mme Josephine Adeh.
Cependant, Mme Adeh a insisté sur le fait que l’affaire n’était pas de son ressort.
« Sa pétition [celle de Richard] n’a pas été adressée au commissaire de police mais à l’IGP, c’est donc l’IGP qui devrait répondre à cette question », a-t-elle déclaré.
La MFWA condamne fermement la menace qui pèse sur la vie de Richard et souligne que les journalistes ne pourront pas exercer leur métier librement si leur vie est constamment en danger et que leur sécurité ne peut être garantie.
Plus important encore, la MFWA demande aux autorités d’enquêter rapidement sur la menace qui pèse sur la vie de Richards et de lui fournir la protection nécessaire pour qu’il puisse exercer son travail en toute sécurité, comme le prévoit la section 39 de la constitution nigériane.