Octobre 2022 en Afrique. Tour d'horizon de la libre expression réalisé par Reyhana Masters, rédactrice régionale de l'IFEX, sur la base des rapports des membres de l'IFEX et des nouvelles de la région.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Ce fut un mois sombre sur le continent africain avec la mort de cinq journalistes au Tchad, au Kenya et en Somalie.
Ces décès ont eu lieu un mois seulement avant que les défenseurs de la liberté des médias du monde entier ne se préparent à se réunir à Vienne, en Autriche, pour marquer la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes contre les journalistes (IDEI) et commémorer le 10e anniversaire du Plan d’action des Nations Unies pour la sécurité des journalistes et la question de l’impunité (APNU).
Malheureusement, la réputation de la Somalie, celle d’être l’un des endroits les plus risqués pour les médias, reste intacte, puisque deux journalistes ont été tués en l’espace d’un mois et plusieurs autres harcelés, avec des arrestations et des détentions arbitraires.
Cela a commencé avec la mort d’Ahmed Mohamed Shukur, journaliste et caméraman de la Télévision nationale somalienne (SNTV), qui a été tué par l’explosion d’une mine alors qu’il couvrait une opération antiterroriste des forces de sécurité le 30 septembre.
Quatre semaines plus tard, lors de l’un des attentats terroristes les plus meurtriers du pays en cinq ans, deux voitures piégées ont explosé au ministère somalien de l’Éducation à côté d’un carrefour très fréquenté, tuant au moins 121 personnes et en blessant 333 autres. Alors que le journaliste de la chaine Universal Somali TV, Mohamed Isse Koonaa, couvrait la première explosion, une deuxième explosion lui a couté la vie et celle de dizaines d’autres personnes. Le photojournaliste de Reuters, Feisal Omar, et le pigiste de M24TV et Voice of America, Abdukadir Mohamed Abdulle, ont été grièvement blessés dans les mêmes circonstances.
[ Traduction : La #Somalie est sous le choc d’une attaque dévastatrice contre son ministère de l’Éducation. [ Le groupe terroriste ] Al-Shabab cible fréquemment des civils en violation des lois de la guerre. Ils ont également attaqué à plusieurs reprises des établissements d’enseignement, des enseignants et des étudiants. @LaetitiaBader ]
Outre les risques qu’ils prennent en couvrant les attentats meurtriers des terroristes, et les mesures de représailles d’Al Shabaab, les médias somaliens doivent également faire face à des politiques restrictives, des arrestations arbitraires et des détentions prolongées.
Une récente directive émise par le gouvernement dans sa tentative pour lutter contre les attaques terroristes hors ligne et en ligne contient une interdiction générale et une suspension de ce que ce gouvernement décrit comme « la diffusion de l’idéologie extrémiste et terroriste ».
[ Traduction : #Somalie: Au moins 120 personnes ont été tuées dans deux explosions à la voiture piégée devant les bureaux du ministère de l’Éducation, près du carrefour très fréquenté de Zobe à Mogadiscio. Al-Shabaab, un groupe djihadiste lié à Al-Qaïda, a revendiqué l’attentat. ]
Les organisations concernées ont tenu une conférence de presse conjointe, au cours de laquelle elles ont publié une déclaration décrivant cette décision (lien mort) comme une « directive rédigée en des termes vagues », qui « pourrait être utilisée pour faire taire les détracteurs légitimes du gouvernement et de ses forces de sécurité, y compris les journalistes, les défenseurs des droits humains, les chercheurs indépendants, les analystes, entre autres. »
Le 10 octobre, deux jours seulement après cette conférence de presse, Abdalle Ahmed Mumin, fondateur et secrétaire général du Syndicat des journalistes somaliens, a été arrêté à l’aéroport international Aden Adde de Mogadiscio. Il a été libéré sous caution le 16 octobre, pour être à nouveau arrêté deux jours plus tard, alors qu’il se rendait au Kenya pour se faire soigner. Il a ensuite été libéré sous caution pour la deuxième fois, mais a été, tout de même, empêché de quitter le pays.
[ Traduction : Breaking : @Cabdalleaxmed , SG @sjs_Somalia vient d’être de nouveau arrêté à l’aéroport de Mogadiscio, alors qu’il tentait de se rendre à Nairobi pour raisons médicales. @Cabdalleaxmed explique : « Il souffre de douleurs rénales sévères et entamera une grève de la faim s’il est détenu à nouveau. » ]
Outre la persécution de Mumin, la police de Galmudug dans le sud de Galkayo a détenu le journaliste Sadaq Said Nur, et des agents du renseignement ont détenu arbitrairement le journaliste de Horn Cable TV Abdullahi Hussein Kilas, coordinateur de la liberté de la presse du SJS, dans la ville portuaire de Kismayo. Les deux journalistes ont été priés de supprimer les informations qui ne plaisaient pas aux autorités. Un autre journaliste de Horn Cable TV, Farhan Abdi Isse, a été arrêté après avoir couvert une conférence de presse des membres du parti d’opposition de Waddani, qui ont appelé le gouvernement du Somaliland à reconnaître Gabiley comme une région au lieu d’une ville.
Dans la région somalienne semi-autonome du Somaliland, le gouvernement a ordonné la fermeture du radiodiffuseur privé CBA TV, pour des motifs douteux. Le radiodiffuseur, qui couvre l’actualité et l’analyse pour la région de la Corne de l’Afrique, a réfuté l’argument des autorités affirmant qu’il opérait sous une licence expirée et diffusait du contenu qui menaçait la paix de la région. Hussein Jama Haji Hasan, le directeur général de CBA TV, a déclaré que ses reportages étaient équilibrés, que les permis lui permettant de fonctionner, délivrés en 2018 par le ministère de l’Information et les bureaux du procureur général, n’ont pas de date de péremption, et qu’il s’est conformé aux exigences fiscales locales.
Un journaliste abattu alors qu’il couvrait des manifestations
La situation politique et sécuritaire précaire au Tchad, qui à son tour met en danger les travailleurs des médias, a été mise en évidence avec la mort du journaliste radio Orédjé Narcisse.
Défiant une interdiction gouvernementale émise le 9 octobre, des manifestants sont descendus dans la rue, le 20 octobre, date marquant le 18ème mois de la prise de pouvoir par le chef militaire Mahamat Déby, le fils de l’ancien chef de l’État Idris Déby qui a été tué par balles en 2021 au cours des affrontements armés avec les rebelles dans le nord du pays. Les citoyens protestaient contre le report de la passation du pouvoir à un gouvernement civil et le report des élections à 2024.
La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a rapporté que Narcisse « a été abattu alors qu’il couvrait une manifestation dans la capitale N’Djamena… lorsque les forces armées tchadiennes ont ouvert le feu sur des manifestants ».
Selon un communiqué de presse publié par le Bureau de la Commission des droits de l’homme, « des experts indépendants de l’ONU et de l’Union africaine ont condamné aujourd’hui la répression à balles réelles des manifestations pacifiques pendant la longue période de transition politique au Tchad et ont appelé à la désescalade des tensions.»
Les incohérences de la police alimentent les spéculations sur la mort d’un journaliste pakistanais
Le journaliste d’investigation kenyan John Allan Namu affirme que la manipulation et la désinformation sur la mort de l’éminent journaliste pakistanais Arshad Sharif ont été alimentées par des trous béants et des incohérences dans les déclarations de la police concernant la fusillade mortelle.
[ Traduction : Pourquoi le journaliste pakistanais @arsched a-t-il été tué au Kenya ? @johnallannamu dit que les trous dans l’histoire sont si béants que personne n’y croit. . #ArshadSharif Regardez l’épisode complet ici : ]
La nouvelle de la mort de Sharif s’est répandue dans les deux pays, choquant à la fois les Kényans et les Pakistanais. Au milieu de la tempête politique qui a éclaté au Pakistan, le Premier ministre Shehbaz Sharif a mis sur pied une commission d’enquête de trois membres pour enquêter sur ce meurtre.
[ Traduction : Des milliers de personnes assistent aux funérailles du journaliste pakistanais Arshad Sharif ]
Sharif était non seulement l’animateur populaire de l’émission « Power Play » sur la chaîne de télévision pakistanaise ARY News, mais aussi un fervent partisan de l’ancien Premier ministre Imran Khan et un critique virulent du gouvernement actuel.
Dans le rapport initial sur la fusillade qui a couté la vie à Sharif, à un barrage routier à Nairobi, la police évoque un « accident » et un cas d’ « erreur sur l’identité ». Global Voices rapporte que cela a soulevé plus de questions que de réponses.
Museveni approuve un projet de loi d’amendement controversé
Un mois après que la législature ougandaise a adopté le projet de loi controversé sur l’utilisation abusive des ordinateurs (amendement – Computer Misuse Bill ), le président Yoweri Museveni l’a promulgué, malgré les observations de nombreuses organisations de la société civile concernant les clauses litigieuses. « Des groupes de défense des droits et une partie des communautés en ligne craignent que la loi ne soit détournée par les régimes, en particulier l’actuel, pour limiter la liberté d’expression et punir les personnes qui critiquent le gouvernement », rapporte CIPESA.
Les médias régionaux mobilisent les OSC
En réponse au déclin croissant de la liberté des médias, de la liberté d’expression et des droits numériques dans leurs régions respectives, Media Institute of Southern Africa et Media Foundation for West Africa ont chacun organisé des conférences en octobre pour aborder ces problèmes critiques, tout en créant des alliances plus solides.
[ Traduction : ESPACES DE SOLIDARITÉ RÉSOLUTIONS RÉUNION … … @misamalawi @misazambia1 @MisaMocambique @NewMisa_Lesotho @MISATANZANIA @ZambianBloggers @citezw @Panos_PSAf @thehubatmorija @AmnestySARO ]
La réunion des espaces de solidarité de MISA-Regional a réuni des partenaires régionaux des pays voisins, qui ont décidé, entre autres choses, de « développer un nouveau mécanisme de soutien au travail de campagne collaborative sur la base de la réunion des Espaces de Solidarité pour mettre en évidence les atteintes à la liberté d’expression et à la liberté des médias ».
La conférence de MFWA sur la liberté de la presse et la récession démocratique en Afrique de l’Ouest a réuni des représentants de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), des défenseurs de la liberté des médias et des experts en gouvernance pour discuter des violations croissantes de la liberté d’expression et de la liberté de la presse.
[ Traduction : . @ecowas_cedeao doit travailler avec les OSC pour faire face à la récession démocratique proposent les médias, les experts en gouvernance https://t.co/h1P81nNzeD pic.twitter.com/8sXODYSshD
— Media Foundation for West Africa (@TheMFWA) Le 28 octobre 2022 ]
Les délégués ont terminé la réunion de deux jours avec la détermination à « engager, collaborer et soutenir la CEDEAO pour intégrer les questions de liberté de la presse dans ses interventions de gouvernance démocratique » et ont convenu que « la CEDEAO doit travailler en étroite collaboration avec les médias pour déployer une stratégie globale de lutte contre la récession démocratique ».
Le travail sur la loi nigériane sur la liberté d’information est reconnu
En reconnaissance de son travail autour de la mise en œuvre de la loi nigériane sur l’accès à l’information, Media Rights Agenda a été honoré d’un prix pour sa « contribution au journalisme à travers plus de deux décennies de travail faisant progresser l’utilisation de la loi sur la liberté d’information (FOI) pour le reportage d’ intérêt public.» Le prix a été remis le 22 octobre par Africa Centre for Development Journalism (ACDJ) lors de la conférence inaugurale de la Journée mondiale d’information sur le développement.
[ Traduction : Félicitations à tous mes collègues de Media Rights Agenda pour cette « reconnaissance spéciale » et un immense merci à @Dev_Journalism pour cet honneur. C’est très apprécié. Nous nous engageons par la présente à continuer à nous efforcer de rester toujours dignes de cet honneur ! @MRA_Nigeria ]
En bref
Angola : Le mois dernier, Ludmila Pinto, l’épouse du radiodiffuseur d’opposition angolais Claudio Pinto, a été sauvagement agressée par deux hommes masqués, qui ont fait irruption chez elle. Les deux hommes ont également menacé de tuer leur fils d’un an. Elle dit les avoir entendus dire que son mari était « proche du patron », qu’il « en sait beaucoup » et qu’ils pourraient avoir besoin de « finir le travail s’il ne se tait pas », rapporte le CPJ.
Toujours en Angola : Borralho Ndomba a été harcelé et arrêté par la police angolaise alors qu’il couvrait une manifestation d’étudiants et portait un gilet qui l’identifiait clairement comme journaliste.
Guinée : Des journalistes appartenant au Syndicat des Professionnels de la Presse de Guinée (SPPG) ont été empêché d’organiser leur sit-in, une protestation contre les décisions restrictives prises par la Haute Autorité de la Communication (HAC), organe de régulation du pays.
République centrafricaine : Une détérioration alarmante du paysage médiatique dans le pays, comprenant une vague d’arrestations, d’agressions physiques et de menaces contre des journalistes, a été encore aggravé par un projet de loi qui pourrait criminaliser le journalisme.
Zimbabwe : Alors que le pays se rapproche des élections de 2023, les médias privés portent le poids de l’intolérance croissante, avec de nombreux cas de journalistes empêchés de couvrir les événements de la résidence officielle du chef de l’Etat et du parti au pouvoir.
[ Traduction : La ZANU PF a invité les membres des médias à couvrir ses activités dans tout le pays lors d’une conférence de presse la semaine dernière. Hier, le journaliste Godwin Mangudya est allé couvrir un événement de la ZANU PF et a été agressé. @misazimbabwe ]