Août 2022 en Afrique. Un tour d'horizon de la liberté d'expression réalisé, sur la base des rapports des membres de l'IFEX et des nouvelles de la région, par Reyhana Masters, rédactrice régionale de l'IFEX.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Le mois d’août a débuté avec la nouvelle capitale de l’adoption de la Résolution 522 sur la Protection des femmes contre la violence numérique en Afrique, lors de la 72e session virtuelle de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP).
[ Traduction : Dans un mouvement progressif de lutte contre la violence en ligne contre les femmes en Afrique, @achpr_cadhp a adopté la résolution 522 sur la Protection des femmes contre la violence numérique en Afrique lors de la 72e session ordinaire qui a eu lieu récemment. En savoir plus, ]
La résolution reconnaît que « les femmes qui accèdent à Internet sont constamment exposées au risque de violence […] et ont été victimes d’une certaine forme de harcèlement, tandis que les États continuent d’avoir des lacunes dans leur cadre juridique pour protéger les femmes contre la violence numérique ».
Ceci est confirmé par les recherches du CIPESA, qui ont constaté que le cyberharcèlement, le harcèlement sexuel en ligne et le chantage par le partage non consensuel d’informations personnelles favorisaient et normalisaient la violence contre les femmes et les filles qui utilisent Internet en Ouganda.
La résolution 522 appelle les Etats membres à prendre des mesures concrètes et pratiques, notamment en menant des recherches sur la violence numérique à l’égard des femmes et en révisant ou en adoptant une législation pour lutter contre toutes les formes de violence numérique, tout en introduisant des interventions visant à s’attaquer aux causes profondes « sur l’évolution des attitudes sociales et culturelles et éliminer les normes et stéréotypes de genre ».
Un autre motif de célébration a été la nomination de l’éminent militant panafricain des droits numériques Gbenga Sesan comme l’un des 10 membres du premier Groupe de direction du Forum sur la gouvernance de l’Internet. Il a été nommé le 16 août par le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres.
[ Traduction : Félicitations à notre directeur exécutif, @gbengasesan, pour sa nomination par le Secrétaire général de l’@ONU, @antonioguterres, pour siéger au sein du premier Groupe de direction du Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI).
Le Groupe est destiné à être « un organe stratégique, habilité et multipartite, pour soutenir et renforcer le mandat du Forum sur la gouvernance de l’Internet », comme le recommande la Feuille de route pour la coopération numérique du Secrétaire général.
En Afrique australe, le présentateur de télévision et de radio zambien Dingindaba Jonah Buyoya a reçu le prix Komla Dumor 2022 de BBC News. A 25 ans, Buyoya est le plus jeune récipiendaire du prix et le premier lauréat sélectionné en Afrique australe.
[ Traduction : Dingindaba Jonah Buyoya est un jeune animateur d’événement doué, présentateur des informations, d’émissions de télévision, directeur de production chez Diamond Media et lauréat du prix Komla Dumor 2022 de la BBC. Dans l’épisode d’aujourd’hui de The Digest à 21h30, on en apprend un peu plus sur cette personnalité médiatique hors du commun.]
La diffusion radio dans la ligne de mire
Le droit de communiquer et d’accéder à l’information par le biais d’un moyen de communication de masse critique en Afrique – la radio – est gravement entravé par les actions d’acteurs étatiques et non étatiques au Nigeria, au Malawi et au Ghana. La radio reste le moyen de communication de masse le plus utilisé en Afrique, car elle a la portée géographique la plus large, est accessible à un coût relativement faible et est portable.
Nigeria
L’annulation des licences de 52 stations de diffusion radio à travers le Nigeria par le régulateur du pays, la National Broadcasting Commission (NBC), le 19 août, a déclenché une vague de condamnations, y compris par le membre d’ lFEX Media Rights Agenda, qui a décrit la décision comme « malavisée, insensible et contraire aux intérêts du public nigérian ».
La réprobation générale a poussé le régulateur à « suspendre temporairement la décision suite aux réponses positives de certaines des stations concernées et à l’intervention des acteurs majeurs du secteur. »
[ Traduction : NUJ CONDAMNE NBC POUR LA RÉVOCATION DE 52 LICENCES DE DIFFUSION
Le Syndicat national des journalistes (NUJ) a condamné la décision de la Commission nationale de la radiodiffusion (NBC) de révoquer les licences de 52 stations de radiodiffusion au Nigeria. ]
Pendant ce temps, le Social-Economic and Rights Accountability Project s’est associé à la Nigerian Guild of Editors pour contester légalement la suspension, invoquant le fait que la section de la loi utilisée pour faire appliquer l’annulation des licences est incompatible avec la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information. L’affaire a été ajournée jusqu’en septembre.
Plus tôt dans le mois, la NBC a infligé des amendes de 5 millions de nairas chacune (environ 11 922 USD) à Multichoice Nigeria Limited, – propriétaire de DSTV; TelCom Satellite Limited (TSTV) et NTA Startimes Limited – pour avoir programmé un documentaire de BBC Africa Eye intitulé « Bandits Warlords of Zamfara ». Le régulateur avait également infligé une amende de 5 millions de nairas à Trust-TV Network Limited pour le documentaire « Nigeria’s Banditry – The Inside Story ».
Un article d’opinion de The Conversation Africa a démenti l’affirmation de la NBC selon laquelle les documentaires compromettaient la sécurité nationale du Nigeria et glorifiaient le banditisme, soulignant qu’au contraire, « le documentaire a éduqué les Nigérians en fournissant un aperçu des facteurs à l’origine de l’insurrection, du terrorisme et du banditisme. Ces facteurs incluent les rivalités ethniques, les conflits autour des moyens de subsistance, la pauvreté et la corruption. »
Malawi
La section malawite de l’Institut des médias d’Afrique australe (MISA-Malawi) ) a exprimé son appréhension face à la perte de 250 emplois à temps plein et à temps partiel en conséquence directe du retrait des licences de diffusion par l’organisme de réglementation de la radiodiffusion du pays – la Malawi Communications Regulatory Authority.
[ Traduction : « La révocation continue des licences de diffusion par @MACRAMALAWI sous l’administration politique actuelle efface les acquis médiatiques et démocratiques des 29 dernières années » ]
Depuis juin, MACRA a débranché trois stations de télévision et six stations de radio pour retard de paiement des redevances annuelles. Le couperet de MACRA plane également sur 30 autres diffuseurs qui pourraient être fermés d’ici la fin de l’année. MISA Malawi affirme que la décision de l’autorité contredit non seulement l’esprit de liberté d’expression et d’accès à l’information, mais aussi le mandat de l’organisme de réglementation de développer le secteur.
Le secteur en difficulté de la radiodiffusion au Malawi est révélateur de la situation à travers le continent, avec des radiodiffuseurs incapables de payer les frais exorbitants de licence, entre autres coûts opérationnels.
Ghana
Insatisfaits du contenu de leurs radiodiffuseurs communautaires respectifs, deux conseils traditionnels distincts au Ghana ripostent en censurant les stations de radio.
Après avoir demandé pourquoi elle n’avait pas été invitée à couvrir le lancement du Festival safotufiami, la direction de Radio Ada a reçu une lettre décrivant les restrictions qui lui étaient imposées, ce qui a effectivement interdit à la station de couvrir officiellement l’événement.
[ Traduction : Le Conseil traditionnel Ada du Ghana – organisateurs du festival Asafotufiami – écrit à Radio Ada pour décrire les restrictions qui, de fait, interdisent à la station de radio de couvrir l’événement culturel de manière significative rapporte @TheMFWA ]
Le président du comité de planification du festival, Nene Agudey Obichere III, a informé Radio Ada qu’elle ne serait autorisée sur aucune scène du festival, que les chefs n’accorderaient pas d’interviews aux journalistes de la station, et que trois journalistes en particulier – Noah Dameh, Serwah Warri et Amanor Dzeagu – ne seraient pas autorisés sur le site avec des vêtements les identifiant comme journalistes de la station de radio.
Quelques semaines plus tard, le conseil traditionnel de Kumasi dans la région d’Ashanti au Ghana a ordonné à la direction d’Oyerepa FM et TV de suspendre ses activités. Le conseil avait protesté après les accusations de l’ancien candidat présidentiel Akwasi Addai Odike selon lesquelles les chefs étaient indifférents à la destruction des terres de leur juridiction causée par l’exploitation minière illégale.
Le groupe de soutien SMUG suspendu
Les Minorités sexuelles d’Ouganda (SMUG, The Sexual Minorities of Uganda), l’un des groupes de soutien les plus importants du pays pour les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et homosexuelles, a reçu l’ordre du Bureau national ougandais des organisations non gouvernementales (Bureau des ONG) de suspendre ses activités, au motif qu’elle était mal enregistrée et qu’elle ne disposait pas des documents requis.
SMUG fournit des services et défend les droits des LGBTQI depuis 2004. Elle a demandé au Bureau des services d’enregistrement de l’Ouganda d’être enregistrée en 2012, mais sa demande avait été rejetée au motif que l’appellation était « indésirable et non enregistrable. »
Comme le rapporte The Guardian : « Le directeur exécutif du SMUG, Frank Mugisha, a déclaré que la suspension était « clairement une chasse aux sorcières, enracinée dans l’homophobie systématique qui est alimentée par des mouvements anti-gay et anti-genre ».
[ Traduction : Je suis choquée d’apprendre que @SMUG2004 a été fermée de force la semaine dernière. Je connais leur travail depuis de nombreuses années : lutter pacifiquement et face à une grande adversité pour protéger les personnes #LGBTIQ en #Uganda. Sa fermeture laissera beaucoup de personnes plus vulnérables qu’elles ne l’étaient auparavant @UgandaMFA ]
Dans une déclaration de soutien à SMUG, Rainbow Reload, l’organisation mondiale à but non lucratif qui aide les personnes LGBTQI+ confrontées à la persécution, décrit la suspension de SMUG comme « une indication de la diminution dans l’espace de la société civile de place pour défenseurs LGBTQI+ en Ouganda… Nous savons que sans les organisations de la société civile pour défendre les droits humains des personnes LGBTQI+, cela pourrait conduire l’État à cibler la communauté… »
Nouveau et d’intérêt
Au cours d’une visite de quatre jours au Mozambique, une délégation de haut niveau de l’International Press Institute (IPI) a rencontré des journalistes, la société civile, le gouvernement, les partis politiques et des membres de la communauté diplomatique « pour en savoir plus sur l’environnement médiatique et les défis auxquels les journalistes du Mozambique font face pour pouvoir faire leur travail librement, de manière indépendante et en toute sécurité. La délégation s’est dite préoccupée par « l’environnement juridique et réglementaire peu clair […], les restrictions croissantes à la liberté de la presse et le rétrécissement de l’espace pour le journalisme indépendant dans le pays. »
Le lancement du Cadre global de protection des journalistes le 2 août 2022 à Freetown, en Sierra Leone, a vu naitre une interface essentielle entre les médias, les agences de sécurité et les ministères. Axé sur la sécurité et la protection des journalistes, le document élaboré par la Fondation des médias d’Afrique de l’Ouest (MFWA), à travers une approche multipartite avec des groupes locaux, fait partie de leurs efforts pour réduire les attaques contre les médias et mettre fin à l’impunité pour les crimes et délits commis contre les médias. .
À venir : Le Forum annuel de CIPESA sur la liberté d’Internet en Afrique (#FIFAfrica22, Forum on Internet Freedom in Africa), qui se tiendra à Lusaka, en Zambie, du 26 au 29 septembre, sera le premier événement en présentiel depuis 2019, après l’imposition de restrictions mondiales liées au COVID-19 en 2020.
[ Traduction : Notre Forum annuel sur la liberté d’Internet en Afrique se tiendra à #Lusaka, en Zambie, en septembre. Assurez-vous de suivre les mises à jour ici pour une offre passionnante de #sujets et de #conférenciers. #FIFAfrica22 #InternetFreedomAfrica #Lusaka ]
En bref
- Diing Magot, journaliste indépendante pour Voice of America au Soudan du Sud, a été détenue pendant huit jours après avoir été arrêtée alors qu’elle revenait d’une manifestation pacifique au marché principal de Konyo-Konyo. Le porte-parole de la police nationale du Soudan du Sud, Daniel Justin Boulo Achor, a déclaré que les autorités avaient retenu Diing Magot pour délits liés à sa participation présumée à la manifestation.
- Le journaliste d’investigation ivoirien Noël Kouadio Konan a été reconnu coupable de diffamation et condamné à payer une amende de 4 600 USD par un tribunal d’Abidjan pour un tweet qu’il a publié sur le vol présumé de fonds appartenant à l’ancien président Henri Konan Bédié dans une banque commerciale. La banque avait alors déposé une plainte pénale en diffamation contre le journaliste.`