(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un rapport de RSF, daté du 11 avril 2001 : Rapport 2001 sur la situation de la liberté de la presse en Russie La prise de contrôle de la chaîne de télévision NTV par l’Etat russe, à travers la compagnie d’Etat Gazprom, intervient après des mois d’une dégradation continue de la situation […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un rapport de RSF, daté du 11 avril 2001 :
Rapport 2001 sur la situation de la liberté de la presse en Russie
La prise de contrôle de la chaîne de télévision NTV par l’Etat russe, à travers la compagnie d’Etat Gazprom, intervient après des mois d’une dégradation continue de la situation de la liberté de la presse, constatée tout au long de l’année 2000 et sur tout le territoire de la fédération de Russie.
L’élection présidentielle du 26 mars 2000 a été marquée par un parti pris évident des chaînes de télévision d’Etat ORT (semi-publique) et RTR (publique) en faveur du candidat Vladimir Poutine, alors président par intérim. La moitié du temps d’antenne de la campagne lui a été accordée, les onze autres candidats se partageant le reste. Le 21 février, Guennadi Ziouganov, principal adversaire de Vladimir Poutine à l’élection présidentielle, a dénoncé l' »arbitraire » règnant dans les médias publics.
Le contrôle de l’information sur la Tchétchénie a été très sensiblement accru, le gouvernement et l’armée cherchant à éviter un retournement de l’opinion contre l’action russe dans la République indépendantiste. En janvier 2000, le Kremlin a créé un poste de coordinateur des médias pour la Tchétchénie et un centre de presse qui diffuse quotidiennement l’information officielle et organise des voyages dans la zone de guerre, sous étroite surveillance d’officiers russes. Le 15 mars, le ministère russe de l’Information a interdit aux médias de rapporter les propos des principaux leaders tchétchènes, dont le président Aslan Maskhadov. En cas de non-respect de cette règle, le ministère de l’Information retire, après deux avertissements, la licence du média en faute et suspend, voire menace d’interdire, sa diffusion en Russie. Les organes de presse étrangers connaissent parallèlement des difficultés croissantes à exercer leur activité et les accréditations pour la Tchétchénie sont, dans les faits, impossibles à obtenir.
Les autorités russes ont, à plusieurs reprises, rappelé leur intention de mieux maîtriser le « secteur stratégique » de l’information. Annoncée et théorisée dans la « doctrine sur la sécurité de l’information », approuvée par le président Poutine le 13 septembre 2000, cette politique de « renforcement des médias d’Etat » en charge de « la diffusion d’une information fiable aux citoyens russes » a été mise en Åuvre de façon systématique. L’épreuve de force mise en scène par les pouvoirs publics russes avec les « oligarques » du secteur de l’information, s’est ainsi soldée par la prise de contrôle pure et simple par l’Etat de la seule chaîne privée d’audience nationale, NTV, et semble t-il également de la chaîne de télévision semi publique ORT, chaîne de télévision disposant de la plus forte audience sur tout le territoire de la Fédération de Russie. Son propriétaire, Boris Berezovski, avait dénoncé, en août 2000, la volonté de l’Etat de prendre le contrôle de l’ORT et annoncé sa décision de confier la gestion des parts de la chaîne qu’il contrôlait (49%) à un groupe de personnalités attachées à l’indépendance de la chaîne. Ces parts auraient semble t-il été finalement vendues au groupe pétrolier Sibneft, une entreprise publique. L’ancienne chaîne de télévision de l’Union soviétique, partiellement privatisée en 1993, et qui s’était montrée particulièrement critique envers le président Poutine au moment de l’affaire du sous-marin Koursk, pourrait ainsi rejoindre la chaîne publique RTR, sous tutelle complète de l’Etat.
Journalistes tués
Quatre journalistes ont été tués en 2000 pour avoir exprimé leurs opinions ou dans l’exercice de leur fonction.
Le 20 février 2000, le photographe de l’agence de presse russe Itar-Tass, Vladimir Yatsina, est assassiné en Tchétchénie, où il était détenu depuis le 19 juillet 1999 par les indépendantistes. Selon plusieurs témoins, dont l’homme d’affaires kazakh Alicher Orazaliïev, détenu avec le photographe durant les quatre premiers mois de son emprisonnement, ce dernier aurait été exécuté par les Tchétchènes parce que ses blessures l’empêchaient de suivre et retardaient l’avance des soldats.
Le 12 mai, Alexander Yefremov et deux officiers russes sont tués dans leur véhicule, suite à l’explosion d’une mine télécommandée, près du village de Kirov au sud-est de la Tchétchénie. Alexander Yefremov était journaliste au quotidien Nache Vremia, basé à Tioumen (Sibérie).
Le 16 juillet, Igor Domnekov, journaliste pour le bihebdomadaire privé Novaïa Gazeta, décède des suites de ses blessures. Il avait été attaqué devant l’entrée de son immeuble à Moscou le 12 mai 2000, peu avant minuit, par un inconnu qui l’avait frappé à coups de marteau. Blessé à la tête, il avait été immédiatement hospitalisé et n’a jamais repris connaissance. Selon le rédacteur en chef du journal, Dmitry Muratov, ses agresseurs l’auraient confondu avec l’un de ses collègues et voisin, Oleg Soultanov, qui enquêtait sur des affaires de corruption au sein d’entreprises de métallurgie. Un mois avant l’agression, ce dernier aurait reçu une lettre menaçant de « le frapper à la tête avec un objet lourd ». Novaïa Gazeta a publié, à de nombreuses reprises, des enquêtes sur des affaires de corruption, mettant en cause des proches du pouvoir et des services de sécurité (FSB, ex-KGB). Le journal a notamment critiqué l’action des forces russes en Tchétchénie depuis la première guerre en 1994.
Le 21 novembre, Adam Tepsourgaïev, cameraman free-lance ayant travaillé pour plusieurs médias et notamment pour l’agence Reuters, est tué par balles, alors qu’il se trouve dans une maison de la localité d’Alkhan-Kala, à 10 km au sud de Grozny. D’après les déclarations d’Ali Tepsourgaïev, son frère, blessé lors de l’attaque, des hommes armés parlant en langue tchétchène, ont fait irruption dans la maison et se sont mis à tirer. Le porte-parole du Kremlin sur le conflit tchétchène, Sergueï Iastrjembski, déclare que « cet assassinat prouve encore une fois qu’il est essentiel de prendre des mesures pour assurer la sécurité des journalistes en Tchétchénie », ajoutant qu’Adam Tepsourgaïev n’était pas accrédité par les autorités russes.
Trois autres journalistes ont trouvé la mort en 2000. Au 1er janvier 2001, il est impossible d’affirmer que leur mort a un lien avec leur activité professionnelle.
Le 26 juillet, Sergueï Novikov, directeur de la station de radio privée Vesna, dans la région de Smolensk, est tué par balles, alors qu’il regagne son domicile. Selon la police, ce meurtre pourrait être lié à ses activités en tant que représentant du comité de direction d’une usine de verre et le ministère de l’Intérieur évoque l’hypothèse d’un assassinat commandité.
Le 21 septembre, Iskandar Khatloni, journaliste de Radio Liberty à Moscou, est retrouvé mort le crâne fracassé. Le lien entre ce meurtre et l’activité du journaliste, qui enquêtait sur les violations des droits de l’homme en Tchétchénie, ne peut être établi avec certitude.
Le 3 octobre, Sergueï Ivanov, directeur d’une chaîne de télévision privée dans la région de Samara, est abattu par balles. La police privilégie la piste d’un règlement de comptes.
Journalistes incarcérés
Le 16 janvier 2000, Andreï Babitski, journaliste de Radio Svoboda (antenne russe de Radio Free Europe) est arrêté par les forces fédérales à la sortie de Grozny. Andreï Babitski est détenu dans un camp de « filtration » à Tchernokozovo (nord de la Tchétchénie) où il est maltraité. Le 3 février, il est « échangé » contre plusieurs soldats russes et remis à des combattants tchétchènes, probablement prorusses. Ces derniers confient le journaliste à un passeur, qui le libère finalement au Daghestan. Selon Andreï Babitsky, ses ravisseurs, qui avaient l’intention de l’envoyer en Azerbaïdjan, lui remettent de force un faux passeport azéri. Le 25 février, il est de nouveau arrêté par les forces fédérales russes et inculpé de « possession de faux passeport ». Trois jours plus tard, il commence une grève de la faim afin de protester contre sa détention. Il est finalement libéré le 29 février, mais assigné à résidence à Moscou. Le journaliste est empêché de quitter Moscou pour se rendre, le 7 mars, à Strasbourg à l’invitation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, puis, le 6 juillet, à Bucarest, pour recevoir le « Prix pour le journalisme et la démocratie » décerné par l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) pour sa couverture du conflit tchétchène. En octobre, Andreï Babitski est condamné en première instance à une amende de 8 350 roubles (308 euros) pour « détention de faux passeport ». Il refuse de bénéficier d’une amnistie décrétée pour les délits mineurs et interjette appel pour que son innocence soit reconnue. Mais, le 13 décembre, la Cour suprême du Daghestan (Caucase russe) confirme la condamnation de la première instance. Andreï Babitski avait réalisé plusieurs reportages critiques sur l’action des forces fédérales en Tchétchénie. Il avait notamment dénoncé les mauvais traitements subis par les prisonniers des camps de « filtration ». « Il est clairement au service de l’ennemi. Ce qu’il fait est bien plus dangereux que de tirer des rafales d’armes automatiques », avait dit de lui Vladimir Poutine dans une interview accordée à l’hebdomadaire moscovite Kommersant, en mars.
Le 1er juin, Tassia Issaeieva, journaliste indépendante tchétchène, est arrêtée lors d’un contrôle de police dans le village de Zaramaga, en Ossétie du Nord. Sa caméra et son ordinateur portable sont saisis. La journaliste est accusée de travailler pour une agence de presse tchétchène. Elle est libérée le 7 juin.
Le 27 juillet, Irina Grebneva, rédactrice du journal d’opposition Arsenievskié Vesti, est arrêtée à Vladivostok, pour avoir publié des extraits de conversations téléphoniques de responsables de l’administration locale laissant supposer des irrégularités dans l’organisation des élections municipales de juin 2000. Elle est accusée d' »utilisation de mots grossiers dans des lieux publics ». La journaliste est incarcérée cinq jours dans une prison de Vladivostok réputée pour ses conditions de détention difficiles. Selon ses collègues, son arrestation serait un « acte de vengeance des autorités locales face à la ligne éditoriale du journal ». Elle entame une grève de la faim dès son premier jour de détention. Elle est remise en liberté le 1er août.
Journalistes interpellés
Début février 2000, Evgueny Rukin, rédacteur en chef du bureau de Novaïa Gazeta à Perm (centre de la Russie), est arrêté et mis en accusation pour « abus d’autorité ». Selon Evgueny Rukin, cette mesure est liée à ses publications critiques envers le pouvoir. Il est relâché peu de temps après.
Le 2 février, le journaliste du Times, Giles Whittell, est arrêté à Grozny et interrogé au camp militaire de Khankala par les services spéciaux russes. Il n’est pas en possession de l’accréditation obligatoire délivrée par le commandement russe pour travailler dans cette région. Il est finalement relâché et reconduit à Moscou, le 3 février.
En mai, les forces de sécurité russes arrêtent Vakha Dadulagov, rédacteur en chef du journal tchéchène Ichkeria, considéré comme « l’organe officiel du gouvernement rebelle ». Vakha Dadulagov est accusé « d’incitation à la haine raciale ». Les imprimeries du journal sont détruites.
Le 5 août, un journaliste japonais, Masaaki Hayachi, et une collègue russe, Kheda Saratova, sont arrêtés par les forces fédérales russes lors du contrôle du véhicule qui les transporte de Nazran, en Ingouchie, vers Grozny. Le journaliste japonais est prié de regagner Moscou pour défaut d’accréditation. Sa collègue russe est libérée aussitôt.
Le 5 septembre, Rouslan Moussaïev, cameraman tchétchène pour l’agence Associated Press, est arrêté lors d’un contrôle, au motif qu’il n’est pas enregistré comme résident de Grozny, puis conduit à la base militaire de Khankala. Il est violemment frappé par des soldats russes et détenu toute une nuit au fond d’un puits situé près de la base militaire de Khankala avec quatre autres prisonniers tchétchènes. Il est reconduit le lendemain par l’armée à la frontière avec l’Ingouchie, où il est relâché.
Journalistes agressés
Le 26 janvier 2000, Dmitry Bykov, correspondant de l’hebdomadaire Sobesednik, est brutalement agressé près de son lieu de travail par deux individus non identifiés. Quelques jours plus tard, il reçoit des menaces de mort par téléphone. Le journaliste et ses collègues lient cette agression aux articles politiques qu’il a publiés.
Le 3 mars, Roman Perevezentsev, journaliste de la chaîne publique russe ORT, est contraint, par des hommes en armes masqués, de remettre une cassette vidéo tournée à Mozdok (Ossétie du Nord) lors de l’arrivée de cadavres de policiers russes tués dans une embuscade, la veille, à Grozny. Le cameraman qui l’accompagne est frappé et la cassette brisée.
En juillet, Andrei Bars, du journal Uralsky rabochy, est agressé alors qu’il effectue un reportage dans la ville de Kachkanar. Le journaliste interrogeait les habitants, victimes d’un gangster local, lorsque deux hommes, qui l’avaient suivi toute la journée, l’ont attaqué. Uralsky rabochy avait publié, début juillet, une lettre ouverte des habitants de Kachkanar qui se plaignaient que le bandit soit toujours en liberté.
Le 23 août, Oleg Safonov, rédacteur en chef adjoint de Novaïa Gazeta connu pour ses articles critiques envers les autorités locales, est agressé à son domicile par deux inconnus qui le frappent à la tête avec un objet lourd.
Le 30 septembre, Sergey Amelin, journaliste d’investigation qui avait publié plusieurs articles très critiques envers la gestion du gouverneur de la République de Khakassie (au nord de la Mongolie) et avait été menacé à plusieurs reprises, est attaqué à l’arme blanche et grièvement blessé.
Le 2 octobre, Alexeï Charovski, rédacteur en chef de la radio indépendante Echo de Rostov, est agressé à l’arme blanche par deux inconnus à Rostov-sur-le-Don (sud de la Russie). La radio fait partie du groupe de presse privé Media-Most. Les causes de cette agression n’ont pas été élucidées.
Le 14 octobre, Magomet Tekeïev, rédacteur en chef du quotidien Gorskiïe Vedomosti, est violemment frappé à coups de massue et avec un sac rempli de vis et d’écrous, devant son domicile de Tcherkesk, la capitale de la République de Karatchaïevo-Tcherkessie. Les collègues de M. Tekeïev estiment que cette agression est directement liée à son activité de journaliste, celui-ci ayant, à plusieurs reprises, dénoncé dans ses articles la corruption dans les sphères dirigeantes de la République.
Le 16 décembre, Oleg Lourié, journaliste pour l’hebdomadaire Novaïa Gazeta, est agressé par des inconnus, devant son domicile à Moscou. Le journaliste déclare que ses agresseurs l’ont battu « méthodiquement à coups de pied ». Il ajoute que, depuis la veille, il se sentait surveillé car il avait exprimé son soutien au groupe Media-Most sur la chaîne de télévision NTV, et accusé les autorités de « faire pression sur le groupe ». Le journaliste a également publié plusieurs articles dénonçant des affaires de corruption.
Journalistes menacés
En janvier 2000, Mikhail Eliseev, correspondant du Moskovsky Komsomolets, reçoit des menaces de mort, suite à la publication d’informations sur la corruption régnant dans le district de Penza, situé au sud-est de Moscou. Il avait été sauvagement battu le 30 décembre 1999 par des miliciens locaux lui reprochant d’avoir dénoncé la participation de leur organisation dans ce système de corruption.
En janvier, le journaliste Alexander Khinshtein, connu pour ses enquêtes sur la corruption du gouvernement et de la police dans le quotidien Moskovski Komsomolets, est menacé d’enfermement dans un hôpital psychiatrique pour falsification d’un permis de conduire. Le 17 février, le ministère de l’Intérieur annule les charges qui pèsent sur le journaliste et écarte l’idée d’un possible internement.
Le 21 novembre, la section militaire de la Cour suprême russe décide de renvoyer Grigory Pasko devant le tribunal militaire de Vladivostok. Le capitaine Grigory Pasko, correspondant du journal de la marine Boevaya Vakhta, et collaborateur du quotidien japonais Asahi et de la chaîne de télévision NHK, a été emprisonné le 20 novembre 1997. Grigory Pasko était accusé « d’avoir recueilli des secrets d’Etat dans le but de les transmettre à des organisations étrangères ». Alors correspondant de Boevaya Vakhta à bord du pétrolier russe TNT 27, il avait filmé des scènes de déversement de déchets radioactifs liquides en mer du Japon. Ces images diffusées par la télévision japonaise NHK sans son accord, avaient suscité de vives réactions au Japon. Le 20 juillet 1999 (cf. rapport 1999 et 2000), il avait été condamné par le tribunal militaire de Vladivostok à trois ans de prison pour « abus de fonctions ». Ayant purgé les deux tiers de sa peine, Grigory Pasko avait été remis en liberté en vertu d’une loi d’amnistie. Accusé de « haute trahison » et « d’espionnage », il risquait une peine de douze à vingt ans de prison.
Pressions et entraves
Le 23 janvier 2000, une équipe de la chaîne privée de télévision NTV est sanctionnée par le service de presse du gouvernement russe qui refuse qu’elle se joigne à un voyage en hélicoptère en Tchétchénie organisé pour la presse. La chaîne avait diffusé, la veille, un reportage de son correspondant sur le front est, Iouri Lipatov, informant que les combats pour la reprise d’Argoun (est du pays) avaient fait une cinquantaine de morts dans le camp russe.
Le 10 février, le FSB confisque le matériel d’Anne Nivat, envoyée spéciale en Tchétchénie des quotidiens français Ouest-France et Libération. Le propriétaire de la maison où elle logeait, à Novye Atagui (sud de Grozny), est arrêté. Le FSB procède à la saisie des notes, de l’appareil photographique, du carnet d’adresses ainsi que des moyens de communication de la journaliste. Anne Nivat est enregistrée auprès du ministère des Affaires étrangères, mais ne dispose pas de l’accréditation délivrée par l’état-major des troupes fédérales du Caucase du Nord pour travailler en Tchétchénie. Interrogée sur son activité en Tchétchénie par un inspecteur du parquet général puis par un autre du FSB, la journaliste se voit remettre un reçu lui promettant que ses documents lui seront rendus avant le 1er mai 2000. Elle est relâchée mais placée sous surveillance jusqu’à son départ pour Moscou le lendemain.
Le 15 mars, la radio américaine Radio Free Europe/Radio Liberty accuse les autorités russes de chercher à intimider son antenne russe, Radio Svoboda. Le ministère russe de l’Information exige en effet de recevoir le script de toutes les émissions du 15 février au 15 mars.
Le 15 mars, en pleine campagne électorale, un pirate informatique, ayant accès au disque dur des ordinateurs de l’hebdomadaire Novaïa Gazeta, détruit l’intégralité du numéro à paraître. Selon la rédaction, celui-ci contenait des révélations sur le financement de l’élection présidentielle.
Le 28 mai, la marionnette de Vladimir Poutine de l’émission satirique « Koukly » de la chaîne de télévision privée NTV, est retirée à la demande du Kremlin. Selon M. Kisselev, l’un des dirigeants de la chaîne, NTV aurait reçu l’assurance, en échange de ce retrait, de « pouvoir travailler tranquillement ».
Le 13 juin, Vladimir Goussinski, le propriétaire du groupe de presse d’opposition Media-Most, est arrêté à Moscou, alors qu’il est entendu par le parquet dans le cadre d’une enquête concernant des écoutes téléphoniques. Il est accusé « de vol et d’abus de pouvoir ». Vladimir Goussinski avait appelé à voter pour le réformateur Grigori Iavlinski, opposant à Vladimir Poutine, à l’élection présidentielle de mars dernier. La chaîne de télévision NTV et la station de radio Echos de Moscou, appartenant au groupe, ont dénoncé à plusieurs reprises la corruption dans le pays et proposé un regard différent sur le conflit en Tchétchénie, en diffusant des témoignages de victimes. Le quotidien Sevodnia, également propriété de Media-Most, a publié une série d’articles sur l’ascension politique de certains responsables du Service fédéral de sécurité (FSB, ex-KGB). Le 16 juin, Vladimir Goussinski est inculpé de « privatisation frauduleuse » et d' »escroquerie », incarcéré puis libéré à condition de ne pas quitter le pays. Le 28 juin, Igor Malashenko, l’un des principaux collaborateurs de Vladimir Goussinski, est interpellé puis relâché quelques heures plus tard. Le 11 juillet, les locaux de NTV, ainsi que le siège de Media-Most, sont de nouveau perquisitionnés par le FSB. Le 27 juillet, le parquet général russe annonce à Vladimir Goussinski que l’enquête qui le concernait est close, « en l’absence de charge ». La mesure d’assignation à résidence et la mise sous séquestre de ses biens sont levées. Vladimir Goussinski quitte la Russie. Il aurait été libéré, suite à la signature, en juillet, d’un accord secret avec le groupe gazier public Gazprom, principal créancier de Media-Most. Ce texte garantissait l’abandon des poursuites judiciaires contre la cession du groupe de presse à la compagnie d’Etat. Vladimir Goussinski dénonce l’accord en septembre, et rend public l’accord paraphé par le ministre russe de la Communication, Mickaïl Lesin. Vladimir Goussinski est à nouveau arrêté, le 12 décembre, en Espagne, suite à l’émission d’un mandat d’arrêt international par le procureur général adjoint de Russie, pour « escroquerie à grande échelle », puis libéré quelques jours plus tard dans l’attente d’une décision de la justice espagnole sur son éventuelle extradition.
Le 22 août, après la diffusion par ORT d’une émission critique sur les opérations de sauvetage qui ont suivi le naufrage du sous-marin » Koursk « , les cassettes vidéo de la chaîne sont confisquées.
Le 31 août, le général Manilov, chef du commandement militaire unifié de Russie, annonce qu’il prend « personnellement la responsabilité » de priver deux journalistes de l’ORT, Vadim Chelikov et Vladimir Agafonov, d’accréditation pour travailler sur le territoire tchétchène.
Le 9 septembre, l’ORT supprime « Vremia », l’émission du journaliste vedette Sergueï Dorenko. Selon M. Dorenko, ce retrait est lié à l’affaire du sous-marin Koursk, le journaliste ayant vivement critiqué l’attitude du pouvoir lors de cette tragédie.
Le 11 septembre, le district militaire de Vologodskaya reçoit l’ordre du ministère de la Défense et du ministère de l’Intérieur de contrôler toutes les informations publiées par la presse locale sur la Tchétchénie.
Le 27 octobre, à Moscou, débutent les auditions pour le procès intenté par le procureur général Vladimir Ustinov, contre le directeur général de la chaîne de télévision privée NTV, Yevgeny Kiselyov, et patron de l’hebdomadaire d’information Itogi. Yevgeny Kiselyov a programmé sur sa chaîne, en juillet et septembre 2000, des reportages sur le luxueux appartement de Vladimir Ustinov qui lui est fourni par le gouvernement et dont il ne paie pas le loyer. Le procureur général demande à la cour de « défendre son honneur et sa dignité, » et d’enjoindre au journaliste et à la chaîne NTV de retirer publiquement leurs accusations.
Durant la semaine du 10 au 17 novembre, les services de sécurité russes (FSB) interrogent le personnel de l’hebdomadaire privé Versiya à propos de photos publiées en octobre, qui montraient la collision du sous-marin Koursk avec un sous-marin américain. Le 17 novembre, des documents sont saisis. Le 10 novembre, des employés du FSB avaient déjà confisqué l’ordinateur du journaliste responsable des enquêtes, Dmitri Filimonov, qui avait été interrogé, pendant quatre heures, afin qu’il avoue de qui il avait obtenu cette photo.
Le 5 décembre, les employés du journal de Vladivostok Narodnoye Veche sont empêchés d’entrer dans leurs locaux par des fonctionnaires de la ville, accompagnés d’agents de sécurité d’une compagnie privée. La rédactrice en chef, Maria Solovyenko, et trois journalistes réussissent à pénétrer dans les lieux en cassant une fenêtre. Maria Solovyenko est frappée, et du matériel informatique est endommagé. D’après la rédactrice en chef, l’administration municipale veut punir le journal pour un article paru récemment, accusant les dirigeants de la ville de détournement de fonds publics.
Le 30 décembre, une équipe de la télévision RTR est attaquée par des inconnus alors qu’elle quitte l’aéroport de Sheremetievo, à Moscou. Elle venait de faire un reportage sur les six cents touristes à destination de la Thaïlande et Bali, retenus à l’aéroport pendant deux jours. Les journalistes trouvent un pneu crevé quand ils retournent au parking. Alors qu’ils partent, deux voitures les arrêtent sur la route. Les journalistes sont menacés avec des armes, le cameraman est frappé et une caméra, des bandes de films et des téléphones portables leur sont dérobés.
Nouveaux éléments sur des journalistes tués ou enlevés avant 2000
Le 13 janvier 2000, Dmitri Balbourov, un journaliste de l’hebdomadaire russe Moskovskie Novosti est libéré après avoir été retenu en otage plus de trois mois en Tchétchénie. Il avait été kidnappé, le 4 octobre 1999, lors d’un reportage à Nazran (Ingouchie), puis conduit en Tchétchénie où il a subi de mauvais traitements.
Le 21 janvier, le tribunal de Moscou acquitte les individus comparaissant pour un attentat, en novembre 1995, dans le cimetière de Kotliakovskoe, au cours duquel deux journalistes avaient été tués.
Le 12 juin, Brice Fleutiaux, photographe français free-lance détenu en Tchétchénie depuis plus de huit mois, est libéré. Il indique avoir été relâché à l’issue de négociations et sans opération militaire. Selon ses dires, aucune rançon n’aurait été versée, mais il aurait été échangé contre la libération d’un soldat tchétchène. Il estime avoir bénéficié de conditions de détention correctes, après un premier mois difficile. Le 1er octobre 1999, après avoir pénétré en Tchétchénie par la frontière géorgienne, le photographe est enlevé, dans la capitale Grozny, par une bande armée. Détenu pendant un mois à Chatoï, il est ensuite évacué vers les montagnes du Sud alors que les troupes russes avancent, puis remis à un autre groupe tchétchène. Il restera dans les montagnes jusqu’à sa libération, en changeant régulièrement de repaire. Selon le conseiller du Kremlin pour le conflit tchétchène, Sergueï Iastrjembski, l’histoire de Brice Fleutiaux servira « d’avertissement aux autres journalistes qui veulent pénétrer en Tchétchénie de la même façon ». Sa libération a permis au Kremlin d’organiser une véritable opération de communication politique. Le jour de sa libération, à la veille d’une tournée européenne, le président russe reçoit Brice Fleutiaux au Kremlin pour un entretien télévisé de trente minutes et lui remet une cassette vidéo réalisée par les services secrets russes sur « le marché aux esclaves en Tchétchénie ».
Le procès sur l’assassinat du journaliste Dmitri Kholodov s’ouvre le 9 novembre à Moscou. Ce journaliste, qui travaillait pour le quotidien populaire Moskovski Komsomolets et enquêtait sur la corruption dans l’armée russe, avait été tué en 1994 par l’explosion d’une mallette piégée censée contenir des documents confidentiels qu’il venait de retirer dans une consigne de gare. La mort de Dmitri Kholodov était survenue peu avant la présentation devant le parlement russe, d’un rapport détaillé de son enquête sur un trafic d’armes organisé en Allemagne de l’Est par de hauts responsables de l’armée russe. Le procès, qui se tient à huis clos, a été ajourné dès son ouverture jusqu’au 14 novembre pour permettre à la cour militaire d’examiner les requêtes des six accusés dont quatre officiers. L’ancien chef des renseignements des troupes aéroportées, le colonel Pavel Popovskikh, un commandant d’unités de parachutistes, Vladimir Morosov, deux de ses adjoints, Alexandre Soroka et Konstantin Mirzaïants, le directeur adjoint d’une agence de gardes du corps, Alexandre Kapountsov et un homme d’affaires, Konstantin Barkovski sont accusés du meurtre du journaliste. Le rédacteur en chef de Moskovski Komsomolets, Pavel Goussev, avait tout de suite après le meurtre mis en cause les services de contre-espionnage et le ministre de la Défense, le général Pavel Gratchev (cf rapport 1995 et suivants).