(RSF/IFEX) – Malgré l’annonce de sa démission, le Premier ministre Thaksin Shinawatra continue d’intimider la presse indépendante en portant plainte au pénal contre au moins six journalistes et médias pour « diffamation ». Par ailleurs, Reporters sans frontières a recensé sept cas d’agressions, de menaces et de censure contre des rédactions de la part de sympathisants du […]
(RSF/IFEX) – Malgré l’annonce de sa démission, le Premier ministre Thaksin Shinawatra continue d’intimider la presse indépendante en portant plainte au pénal contre au moins six journalistes et médias pour « diffamation ». Par ailleurs, Reporters sans frontières a recensé sept cas d’agressions, de menaces et de censure contre des rédactions de la part de sympathisants du chef du gouvernement, au cours des deux dernières semaines.
« C’est, entre autres, l’incapacité du Premier ministre Thaksin Shinawatra à accepter la moindre critique, qui aura provoqué sa chute. Il est déplorable qu’il continue de poursuivre des journalistes et des directeurs de publication devant les tribunaux. Nous demandons au chef du gouvernement démissionnaire de retirer ces plaintes en diffamation et d’appeler ses partisans à la retenue. Les journalistes thaïs ont besoin de travailler dans la sérénité dans cette période de crise politique », a affirmé Reporters sans frontières.
« L’une des premières tâches du prochain gouvernement devra être de décriminaliser la diffamation et de faire cesser les pressions politiques et économiques sur les médias indépendants. Après plusieurs années d’interventionnisme, ces mesures sont urgentes si la Thaïlande veut améliorer la situation de la liberté de la presse », a déclaré l’organisation.
Le 5 avril, des centaines de journalistes se sont réunis à l’appel de l’Association des journalistes thaïs (TJA) pour condamner les violences et les intimidations, à Bangkok. « Certains veulent que les médias choisissent leur camp, mais notre position est de rester rigoureux et de rapporter l’actualité de manière équitable », a déclaré Pattara Khumphitak, responsable de la TJA.
Le 4 avril 2006, les avocats de Thaksin Shinawara ont porté plainte en « diffamation » contre le quotidien privé « The Nation » qui avait publié, le 20 mars, un article affirmant que le chef du gouvernement ne présiderait pas le comité d’organisation du 60e anniversaire de l’intronisation du roi. Selon le quotidien « Bangkok Post », le tribunal pénal a accepté la plainte dirigée contre la compagnie Nation Multimedia Group Plc et le directeur de publication, Pana Janviroj. Les avocats du Premier ministre demandent une « punition » et la publication pendant quinze jours du verdict et d’excuses.
Le 31 mars, un groupe de manifestants, dont certains membres du Thai Rak Thai (au pouvoir), ont lancé des projectiles sur les bureaux de l’entreprise de presse Manager Media Group, fondée par Sondhi Limthongkul. Ce dernier, à l’origine des premiers rassemblements contre le Premier ministre, est accusé de « lèse-majesté » par les partisans de Thaksin. Une quarantaine de plaintes ont déjà été déposées, notamment celle du chef du gouvernement, le 4 avril, contre Sondhi Limthongkul. Le patron de presse a contre-attaqué en accusant de diffamation un ministre du gouvernement. Il nie avoir tenu des propos offensants contre le roi, lors d’un meeting le 23 mars dernier.
Par ailleurs, la police thaïe a interdit, le 30 mars, la diffusion de l’édition d’octobre-décembre 2005 du magazine politique « Fah Diew Kan » en vertu du Press Act de 1944. La police en a également saisi des exemplaires. Selon les autorités, la revue a tenté de créer le désordre et violé les « standards moraux ». En fait, des manifestants avaient lu à haute voix et en public des articles du magazine. Thanapol Eawsakul, directeur du magazine, a annoncé qu’il ferait appel devant la cour administrative.
Le 30 mars, des milliers de manifestants favorables à Thaksin s’en étaient également pris au bâtiment du groupe Nation qui publie notamment le quotidien en thaï « Kom Chad Luek », accusé d’avoir insulté le roi et la monarchie. Sous la pression, la direction avait licencié le responsable de la rédaction et suspendu la publication pendant cinq jours. Le groupe Nation a porté plainte, le 4 avril, pour « menace » et « séquestration » contre deux partisans de Thaksin. Une centaine de policiers avaient été déployés pour sécuriser le bâtiment après de nouvelles menaces.
Le même jour, des membres du Thai Rak Thai ont agressé Prachuab Wangjai, journaliste de la chaîne Nation Channel, alors qu’il couvrait un meeting de l’opposition à Chiang Mai (Nord-Ouest).
Le 23 mars, les avocats du Premier ministre ont annoncé qu’ils avaient porté plainte au pénal contre quatre journaux privés, « Manager Daily », « Krungthep Tooragit », « Post Today » et « Thai Post ». Le chef du gouvernement reproche à ces médias d’avoir publié des discours d’opposants qui l’accusaient d’avoir vendu des avoirs du pays. Thaksin et certains de ses proches ont également menacé de déposer trente plaintes contre le patron de presse Sondhi Limthongkul.
Le même jour, Chalermchai Yodmalai, responsable des éditions du matin de la télévision Channel 9, a été écarté par la direction. La semaine précédente, la chaîne avait affirmé que les manifestations en faveur de Thaksin avaient rassemblé seulement 10 000 personnes à Chiang Rai (Nord). Des partisans du Thai Rak Thai avaient alors déposé une couronne funéraire devant les bureaux de Channel 9, dans la ville.