La chaîne de télévision privée CNS Channel Six s'est vu retirer sa fréquence et suspendre sa diffusion pour des propos tenus à son antenne par le parlementaire d'opposition Anthony Vieira.
(RSF/IFEX) – Le 4 octobre 2011 – Sur ordre du président de la République Bharrat Jagdeo, la chaîne de télévision privée CNS Channel Six s’est vu retirer sa fréquence et suspendre sa diffusion pour une durée de quatre mois à compter du 30 septembre 2011. Reporters sans frontières s’insurge contre une telle censure décrétée en haut lieu, et plus encore à l’approche des élections générales et régionales prévues le 28 décembre prochain.
« Cette mesure est d’abord discriminatoire et absurde. En quoi l’appréciation personnelle du chef de l’État sur un commentaire émis à l’antenne de CNS Channel Six justifie-t-elle de réduire le média au silence? Désastreuse dans son principe, la sanction est d’autant plus malvenue en pleine période de campagne électorale. Que CNS Channel Six appartienne, de surcroît, à Chandra Narine Charma, chef de file du parti d’opposition Justice pour tous (Justice for All Party) autorise à parler d’une véritable atteinte au pluralisme et au débat démocratique », a déclaré Reporters sans frontières.
CNS Channel Six est officiellement sanctionnée pour des propos tenus à son antenne, le 4 mai dernier, par le parlementaire d’opposition Anthony Vieira. Ce dernier avait alors adressé de vives critiques à l’encontre de l’évêque protestant Juan Edghill, président de la Commission pour les relations ethniques, lui reprochant sa proximité avec le président Jagdeo et son manque d’attention à l’égard des catholiques. Le chef de l’État a considéré que les paroles prononcées par Anthony Vieira « cherchaient à semer la discorde entre les confessions chrétiennes » et mis en cause la responsabilité de la chaîne.
« Rien n’empêche l’évêque Juan Edghill de contester devant la justice des propos le concernant. A l’inverse, rien n’autorise Bharrat Jagdeo à tirer argument de cet épisode pour imposer la censure », a ajouté Reporters sans frontières.
L’ordre d’un président connu pour ses relations tendues avec une partie de la presse a soulevé une vive polémique. CNS Channel Six avait déjà fait l’objet, en 2005, d’une mesure de suspension à titre conservatoire au motif de « trouble à l’ordre public ».
Le tollé entourant cette dernière mesure de suspension doit aussi à la controverse générée par la nouvelle loi sur la diffusion adoptée en juillet par l’Assemblée nationale. La législation institue notamment une autorité de régulation composée de sept personnes, toutes nommées par le chef de l’État. Elle dispose également (clause 32) que les programmes devront être « justes et équilibrés » dans leur contenu. « La prétention à vouloir instaurer par la loi un critère de ‘bonne information’ est malheureusement le plus sûr moyen d’entraver l’information », a conclu Reporters sans frontières.