Les leaders mondiaux doivent s'engager à garder les technologies de surveillance hors de portée des dictateurs et des régimes autoritaires, affirme une nouvelle coalition.
Les leaders mondiaux doivent s’engager à garder les technologies de surveillance hors de portée des dictateurs et des régimes autoritaires, affirme une nouvelle coalition qui rassemble des ONG de défense des droits de l’homme lancée le 4 avril 2014 à Bruxelles.
Cette coalition, CAUSE (Coalition contre l’export des technologies de surveillance) – qui rassemble, entre autres, Amnesty International, Digitale Gesellschaft, FIDH, Human Rights Watch, Open Technology Institute, Privacy International et Reporters sans frontières – veut tenir les gouvernement et les entreprises privées responsables des abus liés au marché en pleine expansion des technologies de surveillance des communications (estimé à 5 milliards de dollars à l’heure actuelle). De plus en plus souvent, les gouvernements utilisent des logiciels, équipements et autres outils de surveillance qui portent atteinte, non seulement à la vie privée, mais également à de nombreuses autres libertés fondamentales.
« Ces technologies permettent aux régimes de réduire au silence toute contestation ou voix critique, de restreindre la liberté d’expression et de circonscrire les libertés fondamentales. La coalition CAUSE a documenté des cas dans lesquels des technologies de surveillance ont été utilisées non seulement pour espionner la vie privée des citoyens, mais également pour permettre à des gouvernements d’emprisonner et de torturer leurs opposants », a déclaré Ara Marcen Naval d’Amnesty International.
« Les preuves s’accumulent pour montrer que l’usage des technologies de surveillance par des gouvernements autoritaires s’est généralisée. Le développement, la vente et l’exportation incontrôlés de ces technologies est injustifiable. Les gouvernements doivent agir au plus vite pour empêcher que ces technologies ne tombent entre de mauvaises mains », a affirmé Kenneth Page de Privacy International.
Dans une lettre ouverte publiée le 4 avril sur le site internet de CAUSE, les ONG ont exprimé leur inquiétude face à l’absence presque totale de régulation du marché des technologies de surveillance des communications.
Le site web de la coalition détaille les différentes technologies mises au point et vendues par des compagnies privées et met l’accent sur les pays d’origines de ces compagnies. L’utilisation de ces technologies a été identifiée dans des pays tels que le Bahrein, la Côte d’Ivoire, l’Egypte, l’Ethiopie, la Libye, le Nigéria, le Maroc, le Turkménistan, les Emirats Arabes Unis.
« Personne n’est à l’abri du danger que constituent les technologies de surveillance pour la vie privée ainsi que pour de nombreux autres droits fondamentaux. Ceux qui surveillent aujourd’hui seront surveillés demain » a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH. « La coalition CAUSE a été créée pour appeler à la régulation de ce commerce et pour mettre fin aux abus » a t-il ajouté.
Alors que de nombreux gouvernements entament des négociations autour de la régulation de ce marché, des inquiétudes demeurent. Sans une pression continue sur les gouvernements pour l’instauration d’un contrôle ferme, adapté et basé sur le respect des droits humains de ce marché, la prolifération de ces technologies intrusives se poursuivra et conduira à de nouveaux abus.
« Les gouvernements ont aujourd’hui une opportunité unique de résoudre ce problème et de modifier leurs législations pour les adapter aux évolutions technologiques », a déclaré Tim Maurer de New America’s Open Technology Institute.
« De plus en plus de journalistes, de net-citoyens et de dissidents dont les communications sur Internet ont été interceptées par les autorités se retrouvent en prison. L’adoption d’un cadre juridique protecteur des libertés sur Internet est primordiale, tant pour la question générale de la surveillance d’Internet que pour la réglementation des pratiques des entreprises exportatrices de matériel de surveillance » a déclaré Grégoire Pouget de Reporters sans frontières.
« Nous avons pu constater l’impact dévastateur qu’ont ces technologies sur la vie des individus et sur le fonctionnement des sociétés civiles. L’inaction ne fera que renforcer l’irresponsabilité patente des « dealers de la surveillance » et des agences de sécurité en normalisant les pratiques de surveillance des Etats. Nous appelons les gouvernements à se consulter et à prendre rapidement des mesures appropriées », a déclaré Wenzel Michalski de Human Rights Watch.
Ces technologies de surveillance des communications incluent :
- les logiciels malveillants qui permettent d’extraire des données depuis des ordinateurs ou téléphones personnels ;
- les outils utilisés dans l’interception des télécommunications ;
- les dispositifs de géolocalisation de téléphones portables ;
- les centres de surveillance capables de traquer des populations entières ;
- l’utilisation des caméras des ordinateurs et téléphones mobiles à des fis d’écoutes ou d’espionnage ;
- les dispositifs utilisés pour intercepter et analyser le trafic internet passant par les fibres optiques des câbles sous-marins.
« En tant que membres de la coalition CAUSE, nous appelons les gouvernements à agir immédiatement pour mettre fin à la prolifération de ces technologies dangereuses et pour s’assurer que leur commerce est contrôlé efficacement et se déroule de façon responsable et transparente » a déclaré Volker Tripp de la Digitale Gesellschaft.
Les ONG membres de la coalition CAUS ont cherché à découvrir comment de telles technologies sont arrivées entre les mains d’Etats autoritaires dont les agences de sécurité ciblent arbitrairement les journalistes, les dissidents, les opposants politiques et la société civile.
Les cas recensés par les membres de la coalition incluent :
- des technologies de surveillance allemandes utilisées au Bahreïn pour identifier des dissidents qui ont été torturés par la suite ;
- un malware fabriqué en Italie utilisé par les autorités marocaines et par les Emirats Arabes Unis pour étouffer la liberté d’expression et emprisonner les voix critiques ;
- des compagnies européennes exportant des logiciels de surveillance vers le Turkménistan, pays connu pour sa répression violente envers les dissidents ;
- des technologies de surveillance utilsées pour surveiller les citoyens en Ethiopie ainsi que la diaspora éthiopienne présente en Europe et aux Etats-Unis.
Note
La coalition CAUSE est déjà présente dans le monde entier et va poursuivre son expansion. The CAUSE est actuellement dirigée par les groupes suivants : Amnesty International, Human Rights Watch, Privacy International et Reporters sans frontières, FIDH, Digitale Gesellschaft et le Open Technology Institute de la New America foundation aux Etats-Unis.
Le droit à la vie privée est garanti par l’Article 12 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme et par l’Article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.