(RSF/IFEX) – RSF exprime son inquiétude après l’inculpation d’un journaliste kenyan, le 13 janvier 2005, en vertu d’une loi datant de l’époque coloniale, dans une affaire de diffamation qui a soulevé un tollé dans un pays traditionnellement respectueux de la liberté de la presse. « Nous ne cesserons jamais de protester contre les gouvernements qui cherchent […]
(RSF/IFEX) – RSF exprime son inquiétude après l’inculpation d’un journaliste kenyan, le 13 janvier 2005, en vertu d’une loi datant de l’époque coloniale, dans une affaire de diffamation qui a soulevé un tollé dans un pays traditionnellement respectueux de la liberté de la presse.
« Nous ne cesserons jamais de protester contre les gouvernements qui cherchent à sanctionner la diffamation par des peines de prison, a déclaré RSF. De plus, le zèle que met la justice kenyane à poursuivre « The Standard » par le biais d’une procédure exceptionnelle est particulièrement inquiétant. Si les personnes incriminées veulent apporter un démenti ou des précisions sur les informations publiées par le quotidien, il existe d’autres moyens que le dépôt d’une plainte, en particulier si elle risque de déboucher sur la condamnation d’un journaliste à une peine de prison », a ajouté l’organisation.
« Il convient de saluer la protestation commune de plusieurs ambassades occidentales, a conclu RSF. Nous appelons les représentations diplomatiques influentes à généraliser ce type d’initiative dans les pays où la liberté de la presse est malmenée, comme c’est aujourd’hui le cas au Kenya, à notre grande surprise ».
Un bras de fer politico-médiatique a été engagé le 11 janvier, lorsque le rédacteur en chef adjoint du quotidien « The Standard », Kwamchetsi Makokha, a été convoqué et interrogé pendant quatre heures par la police criminelle à Nairobi dans une affaire de diffamation. La justice avait été saisie par une plainte, déposée par l’homme d’affaires John Macharia et d’autres personnes, suite à la publication d’un article dans l’édition du 8 janvier sous le titre : « Mr. Moneybags: big money games that run Kenya’s politics » (« Mr. Moneybags : ces jeux d’argent qui régentent la politique kenyane »). Signé par le célèbre journaliste d’investigation Kamau Ngotho, l’article décrivait en détail la petite élite économique qui, en dépit des changements de pouvoir, continue de s’enrichir en entretenant des réseaux d’amitié au sein du gouvernement. Il détaillait notamment les éventuels conflits d’intérêts qui pourraient naître des liens étroits qui unissent certains membres de l’entourage du président Mwai Kibaki et d’importantes sociétés kenyanes. Après quatre heures d’interrogatoire, Makokha a été laissé en liberté.
Cette audition d’un journaliste avait été ordonnée en vertu de l’article 194 du code pénal portant sur la « diffamation criminelle », datant de l’époque coloniale et jamais appliqué depuis l’indépendance en 1963. Plusieurs ambassades occidentales ont immédiatement fait part de leur indignation. Dans un communiqué conjoint, neuf représentations diplomatiques à Nairobi, dont celle des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d’Allemagne et du Canada, ont accusé les autorités de revenir « sur une de leurs promesses électorales les plus importantes, qui était d’assurer la liberté de la presse ». Les ambassades ont demandé au président Kibaki de lutter contre la corruption plutôt que de chercher à intimider les médias. Maina Kiai, président de la Commission nationale kenyane sur les droits de l’homme, a estimé que la « diffamation criminelle était une tactique utilisée par les dictatures et les régimes répressifs pour intimider et museler la presse ».
Dans son édition du 13 janvier 2005, « The Standard » a apporté quelques corrections à son article et présenté ses excuses à « toutes les personnes concernées » par les quelques erreurs préalablement détaillées.
Néanmoins, le journaliste auteur de l’article, Ngotho, a été formellement inculpé le 13 janvier pour « publication d’un article diffamatoire ». Un mandat d’arrêt a dans un premier temps été lancé contre lui, avant qu’il se présente de lui-même à la police dans l’après-midi. Il a été laissé libre contre le paiement d’une caution de 20 000 shillings (environ 255 $US ; 200 euros). Une nouvelle audience est prévue le 17 janvier. S’il est condamné, le journaliste risque une peine de quatre ans de prison.