Avril 2022 en Afrique. Un tour d'horizon de la la liberté d'expression produit, sur la base des rapports des membres de l'IFEX et des nouvelles de la région, Reyhana Masters, rédactrice régionale de l'IFEX.
Ceci est une traduction de la version originale de l’article.
Les radios bissau-guinéennes peuvent à nouveau accéder aux ondes
Dans une percée majeure, les autorités de Guinée-Bissau ont accepté de permettre à 77 des 79 stations de radio de reprendre leurs émissions, à la suite de négociations avec la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) et ses partenaires, le syndicat des journalistes SINJOTECS et l’Association des journalistes communautaires diffuseurs RENARC.
[ Traduction : IPI se félicite de la réouverture de 77 stations de radio en #GuineaBissau mais reste préoccupé par la pression gouvernementale sur le marché radiophonique du pays. Le gouvernement doit veiller à ce que le secteur de la radio puisse fonctionner de manière indépendante et sans crainte de fermeture arbitraire. @TheMFWA ]
Selon un communiqué du ministère de la Communication sociale, les stations de radio ont été interdites de diffusion pour avoir omis de régulariser leurs licences de diffusion, après un délai de 72 heures au terme de l’expiration de ces licences. L’ultimatum du ministre Fernando Mendonça visait initialement 88 stations de radio mais neuf d’entre elles – pour la plupart des stations religieuses – ont réussi à respecter le délai. Radio Cidade et Rádio Capital FM restent fermées, pour le moment.
Lors de leur rencontre avec la cheffe de cabinet du ministre, Germánia Fadul, la délégation de six membres a demandé aux autorités de revoir leur décision, compte tenu des défis auxquels est confronté le secteur des médias. Comme l’a expliqué MFWA, dans un pays où de nombreuses stations de radiodiffusion sont incapables de payer les enveloppes salariales mensuelles du personnel, « les 450 dollars US de renouvellement de licence de diffusion radio en Guinée-Bissau, c’est beaucoup d’argent dans un secteur des médias en proie à un certain nombre de défis de taille, notamment des problèmes techniques, de capacités et financiers ».
Seules deux stations, Radio Cidade et Rádio Capital FM, ne diffusent plus pour l’instant en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord sur un échéancier de paiement.
Lancement d’une radio entièrement féminine en Somalie
La Somalie est largement considérée comme le pays le plus dangereux pour les journalistes en Afrique. Le lancement récent de Bilan, une station de radio entièrement féminine en Somalie, est donc un énorme exploit.
La rédactrice en chef, Nasrin et son équipe – Fathi, Farhio, Kiin, Naciima et Shukri – se concentrent sur le changement du discours sur les femmes et leur perception dans la société somalienne. Bilan, qui signifie brillant et pur en somali, aspire à donner une plateforme à ces voix absentes, dans un pays où les viols et la violence domestique liés à la guerre sont répandus, et « de graves abus contre les enfants, y compris les meurtres, les mutilations, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats et des attaques contre des écoles » sont commis par les forces de sécurité fédérales et régionales somaliennes, selon le Rapport mondial 2022 de Human Rights Watch.
[ Traduction : Ouverture du premier média entièrement féminin dans la capitale somalienne https://ourtimepress.com/first-all-women-media-outlet-opens-in-somalias-capital/…/… La première radio et télévision dirigée par des femmes en Somalie a ouvert dans la capitale, Mogadiscio. Bilan Media, soutenu par les Nations Unies, produira du contenu visant à aborder les questions touchant les femmes et leurs droits.
Se décrivant comme une femme forte qui aime jouer au football et faire de la moto, Nasrin parle des préjugés auxquels elle et de nombreuses autres femmes journalistes sont confrontées. Dans une interview accordée à The Guardian, elle souligne que « les femmes journalistes ont de nombreux autres défis, à commencer par leurs familles, qui pensent souvent que le journalisme est un métier honteux pour les femmes. Elles sont victimes de harcèlement sexuel au bureau et d’abus dans la rue. La plus jeune de notre équipe vient d’un clan rural. On a essayé de la forcer à ne pas devenir journaliste, mais elle a du courage, et elle a quitté la maison pour la première fois pour rejoindre Bilan.
Bilan fera des reportages et créera du contenu pour la télévision, la radio, la presse écrite et en ligne et offrira également une formation aux jeunes journalistes en devenir venant de deux établissements d’enseignement supérieur en Somalie.
Un militant LGBTQI+ ougandais reçoit un prix
Frank Mugisha, un défenseur des droits humains et l’un des rares militants ouvertement LGBTQI+ en Ouganda, a reçu le Prix des défenseurs des droits civiques de l’année 2022 aux côtés de Xheni Karaj d’Albanie.
En 2004, alors qu’il était encore à l’université, Mugisha a créé Icebreakers Uganda pour aider les étudiants LGBTQ+ à avouer leur sexualité à leurs familles, « en fournissant un logement et en offrant des moyens d’aider à rendre cette révélation difficile et personnelle moins stressante ».
[ Traduction : L’activiste #Ougandais @frankmugisha nommé l’un des récipiendaires du Prix des défenseurs des droits civiques de l’année 2022 pour « avoir créé des mouvements #LGBTI+ dans son pays et inspiré des militants LGBTI+ sur le continent africain »: http://ow.ly/lIle30shPQI #IFEXgender ]
Le travail de Mugisha autour de la défense des droits humains et légaux de la communauté LGBTQI+ s’est intensifié peu après le meurtre de son ami et collègue David Kato. Mugisha a été à plusieurs reprises harcelé, intimidé et arrêté mais cela ne l’a pas dissuadé de contester légalement les lois anti-LGBTQI+ strictes de l’Ouganda. Comme il l’explique : « Pour moi, il s’agit de se démarquer et de parler dans un environnement où l’on n’est pas sûr de survivre le lendemain. »
Condamnation punitive pour un humaniste nigérian
Après avoir passé deux ans en détention, l’humaniste et militant nigérian Bala Mubarak a été condamné à 24 ans supplémentaires pour blasphème. « Bala, un ancien musulman et président de l’Association humaniste du Nigeria, a été arrêté en avril 2020 pour ce que les autorités ont qualifié de propos blasphématoires envers l’islam sur les réseaux sociaux », comme l’a rapporté DW.
[ Traduction : Merci à tous ceux qui sont venus aujourd’hui dire « Libérez Moubarak Bala » lors de notre manifestation devant le Haut-Commissariat du Nigeria. Nous n’abandonnerons jamais notre ami et collègue. #FreeMubarakBala ]
« Malgré l’histoire de cas de blasphèmes similaires dans le nord du Nigeria et compte tenu de la campagne très médiatisée pour la libération de Bala, la condamnation de l’activiste a choqué de nombreuses personnes dans les milieux des droits humains et de la liberté d’expression », rapporte MFWA.
Le 28 avril, Humanists UK a organisé une manifestation devant le Haut-commissariat du Nigeria, programmée pour coïncider avec le deuxième anniversaire de l’arrestation initiale de Bala.
Un site d’investigation du Malawi attaqué
Ce fut un mois stressant pour le journal d’investigation en ligne du Malawi, Platform for Investigative Journalism (PIJ), qui s’est retrouvé victime de harcèlement policier et d’une cyberattaque, après avoir publié un article informant que le procureur général du pays (PG) Thabo Chakaka- Nyirenda aurait autorisé les services de police du Malawi à signer un contrat lucratif avec un homme d’affaires faisant déjà l’objet d’une enquête pour corruption.
[ Traduction : Ils travaillent nuitamment pour nous faire taire. ]
[ AVIS PUBLIC : Notre site Web a été piraté par un groupe inconnu. Les lecteurs ne peuvent pas y accéder pour le moment. Nous travaillons avec notre équipe informatique pour le récupérer et reprendre l’important travail de publication de journalisme d’intérêt public. Le public sera avisé dès que nous l’aurons récupéré.]
Le PG a confronté le directeur général de la PIJ, Gregory Gondwe, exigeant qu’il cite la source de l’article incriminé. Ce dernier a refusé. Quelques jours plus tard, la police a manipulé la sœur de Gondwe pour l’inciter à sortir de sa cachette, ce qui a conduit à son arrestation le 4 avril 2022. Pendant sa détention, Gondwe a été interrogé sur sa source. Il a été libéré sous caution six heures plus tard. Le téléphone mobile et l’ordinateur portable de Gondwe, qui avaient été confisqués lors de son arrestation, n’ont été rendus qu’un jour après sa libération, une indication que ses messages et courriels ont peut-être été consultés.
La section malawite de l’Institut des médias d’Afrique australe a condamné l’arrestation arbitraire de Gondwe et a rencontré le PG à ce sujet. Il a depuis présenté ses excuses et affirme qu’il n’était pas au courant des mesures prises par la police.
Neuf jours plus tard, le 14 avril, le site Web de la PIJ a été piraté et les lecteurs n’ont pas pu y accéder. MISA-Malawi a exprimé son inquiétude « que les policiers, qui doivent être en première ligne pour lutter contre les risques de cybersécurité pour les Malawites et d’autres personnes dans le pays soient directement impliqués dans des actions qui les placeraient en première position des suspects de cette cyber-attaque ». La déclaration décrit le piratage comme une attaque directe contre la liberté des médias et le droit d’accéder à l’information, et une infraction pénale en vertu de la loi de 2016 sur les transactions électroniques et la cybersécurité.
Gambie : dangereux discours post-électoral
La Gambie en tant que démocratie naissante semblent faire des progrès, après avoir tenu pacifiquement ses deuxièmes élections législatives depuis que l’ancien dictateur Yahya Jammeh a dû être chassé du pouvoir par la force après sa défaite électorale en 2016. Depuis le départ de Jammeh, le pays a vu de grandes améliorations de son indice de liberté de la presse.
Lors du scrutin du 9 avril 2022, le Parti national du peuple du président Adama Barrow, récemment formé, a remporté 19 des 53 sièges parlementaires.
Au lendemain des élections, le principal chef de l’opposition Ousainou Darboe a lancé une attaque verbale cinglante contre le journaliste de radio Pa Nderry Touray, l’accusant de parti pris et de tribalisme. Le Parti démocratique uni de Darboe a perdu sa majorité au parlement lors du scrutin d’avril. Le Gambia Press Union (GPU) a condamné la rhétorique de Darboe :
« Le GPU condamne dans les termes les plus forts les agissements du leader de l’UDP. Darboe et tous les autres politiciens sont exhortés à s’abstenir d’une telle rhétorique visant les journalistes parce qu’ils incitent leurs partisans à les agresser physiquement ou verbalement. »
Avant les élections, le GPU a organisé un forum pour le secteur des médias et les partis politiques afin de garantir une période électorale sans danger pour les journalistes. Le forum a souligné la responsabilité qu’ont les politiciens de protéger et de promouvoir les journalistes, qui sont exposés à des violences verbales et physiques pendant les votes. Par mesure de précaution, le GPU a lancé des numéros d’alerte directe de sécurité pour les journalistes, au cas où ceux-ci se retrouveraient dans des situations difficiles.
En bref
Le journaliste somalien Abdisalan Ahmed Awad est détenu dans un lieu tenu secret dans la région somalienne semi-autonome du Somaliland, en raison de son article sur les attaques de partisans du président de la région.
Sévérin Tchounkeu, le directeur de la chaîne de télévision la plus populaire du Cameroun, Equinoxe, a été suspendu ainsi que le présentateur Cédric Noufele et l’émission Droit de réponse pendant un mois pour « ‘mauvaise gestion’ d’un invité dont les propos étaient ‘susceptibles d’amplifier la soif d’une possible implosion sociale’ ».