A l’aube d’une nouvelle journée de manifestation, RSF exhorte le ministère de l’Intérieur à adresser des consignes fortes à l’attention des forces de l’ordre, les enjoignant à respecter le travail des journalistes.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 17 décembre 2019.
Les dernières journées de mobilisation contre la réforme des retraites ont été marquées par un niveau inégalé de violence contre les journalistes. A l’aube d’une nouvelle journée de manifestation, Reporters sans frontières (RSF) exhorte le ministère de l’Intérieur à adresser des consignes fortes à l’attention des forces de l’ordre, les enjoignant à respecter le travail des journalistes.
Plus d’un an après le début du mouvement des « gilets jaunes », marqué par un nombre élevé d’incidents impliquant journalistes et forces de l’ordre, 12 jours de mobilisation contre la réforme des retraites ont révélé une banalisation des violences à l’égard de la profession, sous toutes leurs formes. On ne compte plus les témoignages de séquelles physiques – hématomes causés par des coups de matraques, brûlures causées par l’explosion de grenades de désencerclement- ou les récits d’entraves à l’exercice du journalisme après des destructions de matériel ou des placements en garde à vue.
“A l’aube d’une nouvelle journée de mobilisation, Il est urgent que le ministère de l’Intérieur qui planche depuis des mois sur un schéma du maintien de l’ordre, adresse enfin des consignes fortes à l’attention des forces de l’ordre les enjoignant à respecter l’exercice du journalisme dans les manifestations, déclare Pauline Adès-Mével, responsable de la zone union européenne de RSF. RSF a soumis son expertise et ses préconisations au groupe en charge de cette réflexion et ne saurait tolérer plus longtemps ce manque de volonté et cette hypocrisie. L’ampleur inédite des violences policières et des incidents ne peut s’expliquer par la durée inhabituelle des mouvements de protestation et un climat social tendu. »
Les manifestations du 5 décembre à Paris ont été marquées par leur niveau de violence record : pour la première fois, un photojournaliste Mustafa Yalcin de l’Agence Anadolu (AA) qui couvrait la manifestation rue de Magenta à Paris, a été grièvement blessé par une grenade de désencerclement et très probablement perdu l’usage d’un oeil, malgré le port d’un casque de protection. Les photos prises par ses collègues immédiatement après l’incident montrent le choc de l’impact.
Plusieurs témoignages recueillis par RSF le 5 décembre témoignent de ce même niveau de violence.
Pourtant aguerri aux zones difficiles, le photographe indépendant Corentin Fohlen casque marqué TV vissé sur la tête, boîtiers photo au poing, fait le même récit d’un terrain de guerre dans les rues de la capitale.
Non loin de lui, au même moment, Gaspard Carpentier, caméraman indépendant et identifié presse est touché par une grenade de désencerclement à la cuisse gauche. Il poursuit son chemin et rejoint un groupe de reporters. Rue vieille du temple il s’accroupit, quand il sent une deuxième grenade exploser sous sa jambe. Son reportage s’arrête là. La blessure est suffisamment grave pour qu’il soit pris en charge et écope de quatre jours d’Incapacité de Travail Temporaire (ITT).
Depuis le début de la mobilisation, les manifestations se succèdent partout en France, sans que la violence perde en intensité. A Nantes, Toulouse, Bordeaux ou Lille où deux étudiants en journalisme de l’ESJ ont été interpellés et placés en garde à vue jeudi 12 décembre pendant plus d’une nuit, le bilan de ces douze jours de manifestations est particulièrement inquiétant.
La France se situe à la 32e place dans l’édition 2019 du Classement mondial de la liberté de la presse.