Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’instrumentalisation des mesures d’exception adoptées dans le cadre de la lutte contre le coronavirus au Zimbabwe après l’arrestation de deux journalistes qui enquêtaient sur les violences subies par des membres de l’opposition.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 26 mai 2020.
Le journaliste du site d’information 263Chat Samuel Takawira (à gauche) et le reporter freelance Frank Chikowore (à droite) ont été arrêtés en plein reportage vendredi 22 mai à Harare, Zimbabwe.
Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’instrumentalisation des mesures d’exception adoptées dans le cadre de la lutte contre le coronavirus au Zimbabwe après l’arrestation de deux journalistes qui enquêtaient sur les violences subies par des membres de l’opposition. RSF demande leur libération.
En prison pour quelques centimètres? Au Zimbabwe, le reporter freelance Frank Chikowore et le journaliste du site d’information 263Chat Samuel Takawira sont derrière les barreaux depuis leur arrestation vendredi 22 mai alors qu’ils se trouvaient à la clinique de Parktown à Harare, la capitale du pays, afin d’y réaliser des interviews. Officiellement, les deux journalistes sont accusés de ne pas avoir respecté l’interdiction émise par un policier d’entrer dans l’établissement ainsi que les règles de distanciation en vigueur pour lutter contre le coronavirus. Les journalistes s’étaient rendus dans cet hôpital privé afin d’y recueillir les témoignages d’une députée et de deux autres femmes membres du MDC, le principal parti d’opposition, admises après avoir, selon leur déclaration, été victimes d’un enlèvement, d’actes de torture et de violences sexuelles par de présumés membres des forces de sécurité.
Les deux journalistes doivent être présentés au tribunal d’Harare ce mardi pour leur demande de remise en liberté provisoire.
“Arrestation de journalistes dans l’exercice de leur fonction, instrumentalisation de mesures d’exception liées au coronavirus pour les empêcher d’enquêter sur un sujet qui dérange, ces méthodes rappellent celles de l’ère Mugabe, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. La crise du coronavirus ne met pas seulement à l’épreuve la santé et l’économie du Zimbabwe. Elle est aussi un révélateur de l’état des libertés fondamentales dans lequel se trouve le pays depuis que l’ancien dictateur a été renversé en 2017. En multipliant les arrestations et les agressions de journalistes depuis le début de l’épidémie, les autorités sont en train de faire la démonstration que la prédation des médias est un héritage pesant dont le pays peine à se départir. Ces journalistes doivent être libérés sans délai.”
Depuis le lancement de l’Observatoire 19 qui recense les atteintes à la liberté de la presse commises en lien avec l’épidémie de coronavirus, RSF a enregistré plus d’une trentaine d’arrestations arbitraires de journalistes en Afrique subsaharienne, dont six pour le Zimbabwe. Le pays s’est illustré comme l’un des plus répressifs contre les journalistes, au point que la Haute Cour a ordonné aux forces de sécurité de cesser de harceler les reporters dans l’exercice de leur fonction.
Les nouvelles mesures adoptées le 28 mars pour lutter contre l’épidémie contiennent également des dispositions parmi les plus liberticides sur le continent africain. Parmi celles-ci, la publication de “fausses informations” concernant des officiels ou des agents en charge de faire respecter le confinement est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison.
Le Zimbabwe occupe la 126e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.