Tomislav Kezarovski a été condamné à la prison pour avoir révélé, en 2008, l’identité d’un témoin protégé dans une affaire de meurtre. Ce dernier s’était récemment rétracté, affirmant avoir été contraint à produire de faux témoignages.
Reporters sans frontières est sous le choc à l’annonce du verdict prononcé ce lundi 21 octobre 2013 à l’encontre du journaliste Tomislav Kezarovski, condamné à quatre ans et demi de prison pour avoir révélé, en 2008, dans les colonnes du magazine Reporter 92, l’identité d’un témoin protégé dans une affaire de meurtre. Ce dernier s’était récemment rétracté, affirmant avoir été contraint à produire de faux témoignages. Le journaliste, qui avait plaidé non coupable, a fait appel.
“La Cour criminelle de Skopje a rendu une décision d’une extrême sévérité, a constaté Reporters sans frontières. La portée dissuasive d’une peine de prison de quatre ans et demi, prononcée contre un journaliste sur la base de deux articles de presse, peut avoir un effet dramatique sur la liberté de l’information en Macédoine. Les journalistes devront désormais faire leur travail d’information sous la menace de lourdes condamnations. Le prolongement depuis près de cinq mois de la détention provisoire de Tomislav Kezarovski était scandaleux. Il aboutit aujourd’hui au pire scénario : une peine de prison totalement disproportionnée.”
“En poursuivant Tomislav Kezarovski cinq ans après la publication des articles incriminés, la justice a fait preuve d’un zèle aussi incompréhensible qu’inquiétant. Pourquoi ne semblait-elle pas particulièrement concernée par ces révélations en 2008 ? Pourquoi la juge Dijana Gruevska s’est-elle montrée aussi intéressée par les activités journalistiques de Tomislav Kezarovski, à qui elle a demandé de livrer ses sources, que par les faits qui lui étaient reprochés ?”
“Cette affaire doit impérativement être rejugée en appel pour dissiper toute impression de vengeance de la part d’un appareil judiciaire à la fois juge et partie. Nous espérons que la cour d’appel prendra en compte les déclarations du témoin dont Tomislav Kezarovski a révélé l’identité, qui a avoué, en février 2013, avoir produit un faux témoignage sous la pression de la police. En attendant, nous réitérons notre demande pour que le journaliste soit libéré dans les plus brefs délais”, a conclu l’organisation.
En marge du procès, Tomislav Kezarovski a déclaré que “ses articles [avaient pointé] des dysfonctionnements dans les procédures judiciaires et critiquaient l’activité du ministère de l’Intérieur et du système judiciaire”, laissant entendre qu’il n’aurait pas été condamné pour avoir révélé l’identité d’un témoin controversé, mais bien parce qu’il exprimait une opinion critique à l’égard du système judiciaire macédonien. Il faut aussi souligner que le journaliste enquêtait au moment de son arrestation sur la mort de l’un de ses confrères, le journaliste et fondateur de Fokus Nikola Mladenov. Point d’orgue de deux années catastrophiques pour la liberté de l’information, qui ne cesse de se dégrader dans le pays, ce verdict souligne l’urgence de la situation en Macédoine. Le pays occupe actuellement la 116ème place sur 179 pays au classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières.