Ãtre journaliste dans la province indonésienne dâAceh, déchirée par les conflits, signifie que « vous êtes cuit si vous faites telle chose, et vous lâêtes aussi si vous ne le faites pas », peut-on lire dans le numéro de juin de « Alert », que publie lâAlliance de la presse de lâAsie du Sudï·Est (SEAPA), dont est membre lâAlliance […]
Ãtre journaliste dans la province indonésienne dâAceh, déchirée par les conflits, signifie que « vous êtes cuit si vous faites telle chose, et vous lâêtes aussi si vous ne le faites pas », peut-on lire dans le numéro de juin de « Alert », que publie lâAlliance de la presse de lâAsie du Sudï·Est (SEAPA), dont est membre lâAlliance des journalistes indépendants (AJI). Lâarticle annoncé en couverture, intitulé « Terreur en Aceh », constate que les groupes qui participent au conflit armé dans la province dâAceh tentent dâobtenir une couverture médiatique favorable, et que les journalistes dont les reportages sont jugés nuisibles à leur image publique sont considérés comme des ennemis. Les médias qui sâefforcent de rendre une couverture neutre peuvent donc devenir des ennemis des deux côtés. « Dix articles favorables sont vite oubliés, tandis quâun seul reportage déplaisant reste longtemps en mémoire », note lâarticle.
Le cas dâintimidation le plus récent a vu le journal le plus important dâAceh, « Serambi Indonesia », suspendre sa publication pendant une journée, le 20 juin, après avoir été « terrorisé » par le Gerakan Aceh Merdeka (Mouvement de libération de lâAceh, GAM). La SEAPA rapporte que le GAM a été extrêmement irrité par un reportage le 19 juin sur la découverte des cadavres de toute une famille. Lâarticle ne précisait pas quel « groupe armé » était responsable. Le GAM attribue ces assassinats à lâIndonesian Military Mobile Unit (Unité mobile de lâarmée indonésienne), tandis que la police en rejette la responsabilité sur le GAM. Le jour du reportage, le GAM a menacé de tuer les membres du comité de rédaction du journal et de détruire ses bureaux. La colère du GAM a lâégard du journal se serait accumulée ces dernières semaines. Le mouvement estime que le « Serambi Indonesia » a violé une entente selon laquelle les nouvelles critiques du GAM ne paraîtraient pas en première page.
La presse subit aussi des menaces de la police et de lâarmée, fait remarquer la SEAPA, qui relate le passage à tabac, le 12 mai, du correspondant de la chaîne de télévision RCTI, Umar HN, et du correspondant du magazine « Fakta », Abbas Gani, par des officiers de lâarmée. Un soldat ayant participé à lâagression a mentionné la couverture négative des opérations militaires. Depuis le mois de mai, les journalistes sont espionnés. Ils doivent enregistrer leurs téléphones cellulaires auprès des forces de sécurité locales et porter sur eux une lettre expliquant pourquoi ils possèdent le téléphone cellulaire que leur a confié lâentreprise de presse qui les emploie. Ce système a pour but de surveiller les communications avec les personnes soupçonnées de sympathie envers le GAM.
« Il nâest pas facile dâêtre journaliste en Aceh, mais la presse ne semble pas avoir courbé lâéchine sous les pressions, dit la SEAPA. Les journalistes continuent à couvrir avec diligence lâévolution de la situation. » « Ce qui nous arrive est plutôt insignifiant en comparaison des souffrances infligées à la population dâAceh », déclare le rédacteur en chef du « Serambi Indonesia », Sjamsul Kahar. Lâarticle fait remarquer que le conflit a coûté la vie à 525 personnes en Aceh depuis mars 2000, et que des centaines dâautres ont été agressées ou détenues contre leur gré.
Entre-temps, le 1er juillet à Genève, le secrétaire-général de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), Aidan White, rencontrait Tengku Hasan M. di Tiro, président du Front national de libération dâAceh/Sumatra (associé au GAM), dans le but dâaméliorer la sécurité des journalistes et des professionnels de la presse travaillant en Aceh. La FIJ a organisé cette rencontre après avoir reçu une demande dâaide dâune organisation affiliée, lâAJI, suite à la suspension du « Serambi Indonesia » le 20 juin. Au cours de la rencontre, il a été convenu que le Front national de libération dâAceh ferait tout en son pouvoir pour assurer la sécurité physique des journalistes et des employés des médias, et que prendraient fin les pressions locales sur les journalistes et les médias. Le Front national de libération dâAceh et la FIJ ont également décidé de se rencontrer de nouveau pour discuter des moyens à mettre en Åuvre pour échanger des informations et créer des structures de dialogue afin de résoudre les difficultés qui pourraient surgir pour les journalistes qui travaillent dans la région. La FIJ a aussi écrit au gouvernement indonésien, à la police et à lâarmée pour obtenir des garanties similaires en faveur des journalistes qui travaillent en Aceh. Pour plus de renseignements, consulter www.ifj.org.