Le gouvernement de Singapour a essuyé la semaine dernière les critiques d’un ambassadeur des États-Unis sur le point de quitter son poste, qui a remis en question le bien-fondé de l’imposition de limites à l’expression politique à l’ère où l’Internet domine, rapporte l’Alliance de la presse de l’Asie du sud est (Southeast Asian Press Alliance, […]
Le gouvernement de Singapour a essuyé la semaine dernière les critiques d’un ambassadeur des États-Unis sur le point de quitter son poste, qui a remis en question le bien-fondé de l’imposition de limites à l’expression politique à l’ère où l’Internet domine, rapporte l’Alliance de la presse de l’Asie du sud est (Southeast Asian Press Alliance, SEAPA).
Lors du banquet d’adieu donné en son honneur le 11 octobre 2005, Franklin Lavin a déclaré qu’il était « surprenant de noter des contraintes aux discussions » et il s’est interrogé sur la nécessité de restreindre la liberté d’expression dans la cité-État.
« Quelles sont les limites de l’expression? Quel mot les citoyens ont-ils à dire dans leur gouvernement? En cette ère de blogues et de webcams, y a-t-il une logique à limiter l’expression politique? À mon avis, les gouvernements vont payer un prix de plus en plus élevé s’ils ne permettent pas la pleine participation de leurs citoyens [à la chose publique]. »
En dépit de son robuste développement économique, au chapitre de la liberté d’expression, Singapour est l’un des régimes les plus répressifs d’Asie du sud-est, dit la SEAPA. L’État contrôle tous les grands médias de la presse écrite et électronique, et sa Loi sur le cinéma interdit toute ?uvre considérée, d’une manière ou d’une autre, comme étant de nature politique. Les autorités de Singapour gardent en outre un ?il très attentif sur l’Internet, où une poignée de sites web et de blogues indépendants tentent de donner aux gens de Singapour des nouvelles et des commentaires différents.
L’histoire du film « Singapore Rebel », interdit, constitue un exemple classique de la façon dont l’expression est muselée à Singapour. Le cinéaste Martyn See a subi le harcèlement des autorités et a été contraint de remettre sa caméra vidéo et ses bandes d’un documentaire sur Chee Soon Juan, secrétaire général du Parti démocratique de Singapour. « Singapore Rebel » porte sur la vie de Chee, menacé de faillite après avoir été poursuivi en diffamation par le gouvernement en raison de discours qu’il a prononcés pendant sa campagne lors des élections parlementaires de 2001. Chee a été accusé de diffamer le fondateur de Singapour, Lee Kuan Yew, et l’ancien dirigeant Goh Chok Tong, et condamné à payer une amende de 500 000 dollars de Singapour (295 000 $ US).
En mars, le film « Singapore Rebel » a été retiré d’un festival du film à Singapour même après que les censeurs eurent prévenu qu’il était trop « politique ». La Loi sur le cinéma interdit la production et la distribution de films « politiques partisans » ? définis comme des films « faits par une personne et orientés vers une fin politique à Singapour ».
Le gouvernement recourt souvent à des lois strictes en matière de diffamation afin de réduire au silence la critique ou la discussion de questions politiques délicates, dit le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). En mai, l’étudiant de deuxième cycle Jiahao Chen a fermé son blogue après qu’une agence du gouvernement l’eut menacé de poursuites judiciaires pour des commentaires qu’il avait affichés et dans lesquels il critiquait les politiques de l’agence (voir à : http://ifex.org/en/content/view/full/66462/).
En septembre 2004, la revue « Economist » a versé 230 000 $ US en réparations au président Lee Hsien Loong et à son père, Lee Kuan Yew, et a présenté des excuses « sans réserves » pour un article paru en août qui faisait remarquer « une odeur de népotisme » dans la nomination de l’épouse de Lee, Ho Ching, au poste de directrice générale d’une société d’investissement du gouvernement.
L’aîné des Lee, Lee Kuan Yew, a gagné dans le passé des poursuites en diffamation contre le « International Herald Tribune », la « Far Eastern Economic Review » et contre le fil de presse des nouvelles d’affaires Bloomberg. Chacune de ces poursuites a rapporté des centaines de milliers de dollars en réparations ou à la suite de règlements à l’amiable.
Alors que les habitants de Singapour jouissent d’un accès facile à l’information grâce à l’Internet, le gouvernement décourage la critique en ligne en exigeant des sites web « politiques » qu’ils s’inscrivent et obtiennent une licence d’exploitation et en recourant à la menace de poursuites en diffamation pour faire taire la dissidence, selon ce qu’indique une étude récente du groupe OpenNet Initiative.
Consulter les sites suivants :
– SEAPA : http://www.seapabkk.org/newdesign/newsdetail.php?No=403
– Discours d’adieu de l’ambassadeur des États-Unis Lavin : http://singapore.usembassy.gov/speeches/2005/Oct11.shtml
– CPJ : http://www.cpj.org/attacks04/asia04/singapore.html
– RSF: http://www.rsf.org/une_pays-30.php3?id_mot=172&Valider=OK
– Étude de l’OpenNet Initiative sur le filtrage de l’Internet à Singapour :
http://www.opennetinitiative.net/studies/singapore/
– Rapport de Freedom House sur Singapour :
http://www.freedomhouse.org/research/freeworld/2004/countryratings/singapore.htm
– Blogue de Martyn See : http://singaporerebel.blogspot.com/
– Singabloodypore : http://singabloodypore.blogspot.com/
– Profil de Chee Soon Juan dans Wikipedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Chee_Soon_Juan