Les protestations contre la junte militaire Birmane et le déclin des conditions de vie ont pris de l’ampleur, passant de manifestations pacifiques et d’avertissements de l’armée à de sanglantes confrontations qui ont fait un nombre inconnu de morts, dont un journaliste japonais, rapportent Mizzima News, l’Alliance de la presse de l’Asie du Sud-Est (Southeast Asian […]
Les protestations contre la junte militaire Birmane et le déclin des conditions de vie ont pris de l’ampleur, passant de manifestations pacifiques et d’avertissements de l’armée à de sanglantes confrontations qui ont fait un nombre inconnu de morts, dont un journaliste japonais, rapportent Mizzima News, l’Alliance de la presse de l’Asie du Sud-Est (Southeast Asian Press Alliance, SEAPA) et des sources de nouvelles animées par des Birmans en exil. Les autorités ont en outre coupé les liens Internet et de téléphonie mobile, qui ont joué un rôle essentiel en documentant les manifestations et en faisant sortir l’information de ce pays coupé du monde.
Depuis que la junte a imposé le 25 septembre un couvre-feu de 60 jours, du coucher du soleil jusqu’à l’aube, et annoncé interdit les attroupements de plus de cinq personnes, les forces de sécurité ont arrêté et tabassé des centaines de protestataires afin d’étouffer le soulèvement, le plus important depuis la rébellion des étudiants et des moines en 1988, qui avait entraîné la mort de plus de 3 000 personnes.
Un photo-journaliste japonais, Kenji Nagai, qui travaillait à l’agence vidéo et photo « APF News », basée à Tokyo, compte parmi les dix personnes tuées pendant les manifestations à Rangoon la semaine dernière, indiquent des sources officielles. Mais selon des témoins, le bilan varie de plusieurs dizaines de morts jusqu’à près de 200. Nagai a été atteint à bout portant à la poitrine le 27 septembre. Deux cents soldats menaçaient les manifestants, leur disant qu’ils devaient se disperser ou qu’ils allaient encourir une « action extrême », après quoi ils ont arrosé la foule de gaz et ouvert le feu sur les marcheurs, dit Mizzima News.
Les étroites mesures de sécurité de ce régime répressif rendent impossible de vérifier combien de personnes ont perdu la vie, sont détenus ou ont disparu. D’après Reporters sans frontières (RSF), au moins un millier de personnes ont été arrêtées depuis le début des protestations, déclenchées par l’augmentation des prix du carburant, le 19 août.
Un jeune journaliste local du journal « The Voice », Kyaw Kyaw Tun, aurait été battu par la police de sûreté et jeté dans un camion militaire après qu’il eut pris des photos de l’armée confrontant les manifestants devant le plus haut lieu saint de Birmanie, la fameuse pagode Shwedagon, rapporte Mizzima News. En compagnie de deux autres journalistes birmans – Nay Lin Aung, qui travaille à l’hebdomadaire « 7 Day News », et une journaliste, encore non identifiée, employée au « Weekly Eleven News » – il est porté disparu depuis plusieurs jours, rapportent RSF et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Min Zaw, le correspondant birman du quotidien japonais « Tokyo Shimbun », a été arrêté le 28 septembre à son domicile de Rangoon, indiquent RSF et le CPJ.
Les troupes ont effectué des descentes dans les monastères pour tabasser et arrêter les moines, des étudiants et de jeunes enfants, notamment, qui étaient à la tête des défilés tous les jours depuis le 19 septembre, signalent les médias birmans en exil.
Des citoyens reporters se sont trouvés en première ligne pour informer le monde des protestations. Mais vendredi, la junte a coupé l’accès à l’Internet en Birmanie – principal média qui a permis au monde d’accéder aux images et aux reportages sur la violence et la crise politique qui étreint le pays, rapporte la SEAPA. Les cafés Internet ont aussi été fermés.
Les perturbations font suite à l’interdit imposé à certains sites web et blogues populaires qui affichaient en continu des nouvelles et des photos des manifestations. Les autorités birmanes, qui détiennent le monopole des systèmes de télécommunications dans le pays, ont aussi mis sur table d’écoute ou débranché les téléphones mobiles et les lignes terrestres des reporters des médias locaux et étrangers, des agences télégraphiques et des militants de la démocratie. Les journalistes étrangers se sont vu refuser des visas de touriste par l’ambassade de Birmanie à Bangkok.
Selon la SEAPA, les réfugiés qui fuient vers les pays voisins sont devenus l’une des rares sources à nous informer de la tragédie en train de se dérouler. « La Birmanie isolée et coupée du reste du monde, les réfugiés apportent une information essentielle comme témoins oculaires des dernières exactions que commet la junte contre les civils sans armes », dit la SEAPA, qui appelle les voisins de la Birmanie à héberger les réfugiés birmans.
La SEAPA, le Centre des droits de la personne du Cambodge, l’Alliance des journalistes indépendants d’Indonésie (AJI), ARTICLE 19 et RSF ont organisé le 29 septembre une journée de solidarité et de prière pour le peuple de Birmanie, lors d’un Séminaire-rencontre informel Asie-Europe sur les droits de la personne. Les groupes se sont réunis à Angkor Vat au Cambodge et ont observé un moment de silence, suivi d’une brève manifestation où on a exprimé sa solidarité avec le peuple birman et où on a appelé la junte à faire preuve de retenue.
Par ailleurs, l’envoyé spécial des Nations Unies, Ibrahim Gambari, s’est entretenu pendant le week-end avec la dirigeante de l’opposition, Aung San Suu Kyi, détenue en Birmanie, afin de discuter de la façon de mettre fin à la répression. Gambari aurait aussi rencontré le chef de la junte, le général Than Shwe. Une séance spéciale du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, aujourd’hui 2 octobre, a adopté une résolution par laquelle le Conseil « déplore fortement » la violente répression des manifestations, et presse les autorités de libérer tous les prisonniers politiques et de garantir au peuple birman l’accès sans entraves aux médias. La résolution ne mentionne pas d’embargo sur les armes ni de sanctions ciblées.
Une pétition d’appui aux protestations non violentes, destinée à la Chine et au Conseil de sécurité, vise un million de signatures. Signer ici : http://tinyurl.com/293qj3
Joignez-vous au groupe de Facebook « Support the Monks’ protest in Burma », qui compte plus de 250 000 membres :
http://www.facebook.com/group.php?gid=24957770200
Dans les prochaines semaines, on prévoit des vigiles dans les principales grandes villes du monde, et on prévoit une journée mondiale coordonnée pour le 6 octobre.
Consulter les sites suivants :
– Page de l’IFEX sur la Birmanie : http://tinyurl.com/2voc8y
– Mizzima News : http://www.mizzima.com/
– SEAPA : http://www.seapabkk.org/
– Déclaration émise au Séminaire Asie-Europe sur les droits de la personne :
http://www.article19.org/pdfs/press/burma-petition.pdf
– Association des médias de Birmanie : http://www.bma-online.org/
– Democratic Voice of Burma : http://english.dvb.no/index.php
– Free Burma : http://freeburma.org/
– BurmaNet News : http://www.burmanet.org/news/2007/10/
– « The Irrawaddy » : http://www.irrawaddy.org/
– Le blogueur birman Niknayman, sur le site web du Committee to Protect Bloggers : http://tinyurl.com/35lj4d
(Photo : Le photojournaliste japonais Kenji Nagai tente de prendre des photos après avoir été atteint par les tirs des soldats chargeant les manifestants à Rangoon, le 28 septembre. Nagai a succombé à ses blessures. Photo courtoisie de Reuters)
(2 octobre 2007)