Le président de la Russie, Dmitry Medvedev, a invité le parlement à rejeter un projet de loi qui aurait habilité les autorités à fermer les médias soupçonnés de diffamation. Le geste a été salué avec un optimisme prudent par le Centre pour le journalisme en situations extrêmes (Center for Journalism in Extreme Situations, CJES), la […]
Le président de la Russie, Dmitry Medvedev, a invité le parlement à rejeter un projet de loi qui aurait habilité les autorités à fermer les médias soupçonnés de diffamation. Le geste a été salué avec un optimisme prudent par le Centre pour le journalisme en situations extrêmes (Center for Journalism in Extreme Situations, CJES), la Fondation pour la défense de la glasnost (GDF) et d’autres groupes membres de l’IFEX.
La modification aurait permis au gouvernement – même sans décision judiciaire – d’empêcher des médias de fonctionner si on perçoit qu’une affirmation diffamatoire a pu être imprimée ou diffusée. La communauté des médias de Russie a multiplié les mises en garde et montré que ce geste aurait pu servir à étouffer le journalisme indépendant et critique.
Dans une lettre qu’il a fait parvenir à la Douma, la Chambre basse du parlement russe, Medvedev a déclaré que le projet de loi ferait obstacle aux journalistes alors qu’il ne ferait pas diminuer la diffamation. Il a critiqué l’amendement proposé et a prévenu qu’il « créerait des obstacles au fonctionnement normal des médias ».
L’amendement « n’aidera pas à réaliser l’objectif désiré de protéger les intérêts des citoyens contre la circulation d’informations diffamatoires », a-t-il dit. « Il serait opportun de retirer ce projet de loi de l’ordre du jour », a-t-il ajouté.
La Douma a approuvé la proposition d’amendement en première lecture le 25 avril. Le projet de loi aurait ajouté des mesures antidiffamatoires à une loi qui interdit la publication ou la radiodiffusion de matériel qui encourage le terrorisme ou l’extrémisme, et qui a déjà été critiquée comme un instrument qui se prête aux abus par le pouvoir.
Tout en saluant le geste du président, le CJES fait remarquer que la législation était déjà condamnée. Le parti de Vladimir Poutine, Russie Unie, qui détient la majorité à la Douma et qui contrôle effectivement les lois qui sont adoptées, avait déjà retiré son appui à ce projet de loi le 19 mai. Le parti avait en outre décidé de créer un groupe de travail spécial afin de rédiger une nouvelle ébauche, « améliorée », de la loi sur les médias, dont le CJES et la GDF craignent qu’elle ne débouche sur une législation encore plus dure.
La GDF est d’accord que le geste du président est positif, mais souligne qu’il ne faut pas sauter aux conclusions concernant Medvedev, que le Kremlin tente de faire passer pour le « nouveau président progressiste ». « Il se peut que nous nous trouvions devant un jeu politique pervers, inspiré des traditions byzantines si populaires dans la Russie d’aujourd’hui », dit la GDF.
De nombreux membres de l’IFEX classent la Russie au bas de l’échelle de la liberté des médias, et font valoir les meurtres non résolus de plus d’une douzaine de journalistes pendant les huit ans de la présidence de Poutine, ainsi que le contrôle accru de l’État sur les grandes chaînes de télévision et les principaux journaux.
Quand même, le geste a ravivé l’espoir prudent d’une plus grande liberté des médias sous Medvedev, un ancien avocat d’entreprise intronisé le 7 mai comme président, succédant à Poutine. Le mois dernier, Medvedev a rencontré le chef de l’Union des journalistes de Russie; les journalistes espèrent y voir le signe que les portes du Kremlin s’ouvrent à un dialogue nouveau et constructif.
Dans un autre développement positif, un tribunal de Russie a déclaré récemment le caractère inconstitutionnel des accusations pénales portées contre Manana Aslamazyan, ancienne directrice de l’organisation de formation en journalisme Educated Media Foundation, indique ARTICLE 19. Aslamazyan risquait jusqu’à cinq ans de prison pour des « accusations bidon » de contrebande de devises étrangères; la Fondation a dû fermer ses portes après une descente de la police dans ses bureaux.
Consulter les sites suivants :
– CJES : http://www.cjes.ru/lenta/?lang=eng
– GDF : http://www.gdf.ru/digest/digest/digest382e.shtml
– Page de l’IFEX sur la Russie : http://tinyurl.com/6e8yfo
– Extraits de la rencontre entre Medvedev et l’Union des journalistes de Russie : http://tinyurl.com/6d94aq
– BBC, « Medvedev opposes media penalties » (Medvedev s’oppose aux pénalités aux médias) : http://tinyurl.com/4gxyjs
(Photo : Le nouveau président de la Russie, Dimitry Medvedev, à gauche, derrière son prédécesseur, Vladimir Poutine)
(3 juin 2008)