En avril dernier, le Cameroun a adopté un amendement à sa constitution qui éliminait la limite du nombre de mandats imposée au président, et lui accordait l’immunité pour tout acte commis pendant qu’il est en fonction. Personne n’avait un plus joli sourire que le président Paul Biya qui, à 75 ans, est en poste depuis […]
En avril dernier, le Cameroun a adopté un amendement à sa constitution qui éliminait la limite du nombre de mandats imposée au président, et lui accordait l’immunité pour tout acte commis pendant qu’il est en fonction. Personne n’avait un plus joli sourire que le président Paul Biya qui, à 75 ans, est en poste depuis 26 ans et sollicite un nouveau mandat en 2011.
Toutefois, l’un des chanteurs les mieux connus du pays, Lapiro de Mbanga, n’était pas heureux de cette décision, et a fait connaître sa désillusion dans une chanson. « Constitution Constipée » indique en effet : « Le chef de l’État est pris au piège de réseaux qui l’obligent à rester au pouvoir, même s’il est fatigué … Libérez Gros Katika » (Gros Katika est le sobriquet de Biya).
Non seulement la chanson est-elle interdite sur certaines chaînes de la radio et de la télévision, mais Mbanga a été condamné le mois dernier à trois ans de prison et à verser une amende de 640 000 $US, ce qui, selon le Comité des écrivains en prison du PEN International (WiPC), constitue un châtiment de ses paroles critiques.
Mais les autorités sont d’un avis différent. Elles affirment que Mbanga doit payer le prix pour avoir pris part aux émeutes sanglantes de février qui dénonçaient le coût de la vie élevé et la réforme constitutionnelle (plus de 40 personnes avaient perdu la vie). En tant que chef local traditionnel et membre influent du Front social-démocratique, d’opposition, sa présence avait galvanisé les écrivains et, pour cela, il a été reconnu coupable de complicité de pillage, d’avoir bloqué des rues et d’avoir participé à des rassemblements illégaux.
Qui plus est, dit le WiPC, il a été considéré comme complice parce qu’il a filmé les événements – accusation étrange, compte tenu qu’aucun des journalistes dont les séquences filmées ont connu une grande diffusion à la télévision n’a été traîné devant les tribunaux.
« On considère généralement que les chefs d’accusation contre Mbanga ont été portés en représailles à ses critiques du gouvernement », dit le WiPC. « Le verdict a été reçu dans un silence marqué par la stupeur. »
L’épouse de Mbanga a nié qu’il ait pris part aux émeutes. Dans des commentaires formulés à l’agence de nouvelles AFP, elle a déclaré que son mari avait en réalité « calmé les gens, de sorte qu’ils n’ont pas mis le feu à l’hôtel de ville » de son village.
La peine imposée à Mbanga, annoncée près de six mois après son arrestation et sa détention, est le double de celle infligée aux véritables responsables des émeutes, qui ont reçu des peines de 18 mois de prison dès le mois suivant les émeutes, et qui ont par la suite bénéficié d’une grâce présidentielle, dit le WiPC.
À la suite de sa condamnation, Mbanga a été emmené, chaînes aux pieds, à la prison principale de Nkongsamba pour y purger sa peine. Sa santé se serait détériorée, conséquence des six mois passés en détention. On lui aurait refusé des soins médicaux, tandis que la nourriture et les conditions sanitaires de la prison sont mauvaises.
Le WiPC et Freemuse, une organisation de défense de la libre expression pour musiciens et compositeurs, demandent au président Biya de libérer Mbanga dès maintenant. Vous pouvez aussi écrire aux autorités. Les précisions se trouvent sur le site web du WiPC : http://tinyurl.com/4fvpzo
Consulter également les sites suivants :
– Freemuse : http://www.freemuse.org/sw29911.asp
– BBC : http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/7635405.stm
(15 octobre 2008)