Imaginez que vous êtes journaliste et que vous ne pouvez prendre le volant sans devoir regarder constamment dans votre rétroviseur pour voir si vous êtes suivi, ou que vous quittez rarement votre domicile après la nuit tombée, par crainte pour votre vie et celle des membres de votre famille. Telle est la situation dans certains […]
Imaginez que vous êtes journaliste et que vous ne pouvez prendre le volant sans devoir regarder constamment dans votre rétroviseur pour voir si vous êtes suivi, ou que vous quittez rarement votre domicile après la nuit tombée, par crainte pour votre vie et celle des membres de votre famille. Telle est la situation dans certains des pires endroits du Guatemala, ont déclaré dix journalistes locaux, qui ont partagé leur vécu lors d’une assemblée régionale sur la libre expression que parrainait le Secrétariat de l’IFEX la semaine dernière à Antigua. Leur histoire a donné du poids au communiqué conjoint présenté par neuf groupes d’Amérique latine membres de l’IFEX, qui ont dénoncé l’insécurité croissante qui menace la liberté de la presse au Guatemala, et qui appellent le gouvernement à se montrer proactif dans la protection des médias.
Les journalistes confirment la situation problématique de la sécurité publique au Guatemala – surtout à Zacapa, Izabal, Huehuetenango, Alta Verapaz et San Marcos – et la peur qu’ils éprouvent lorsqu’ils couvrent des événements violents. Deux d’entre eux figurent parmi les dix journalistes qui ont reçu des menaces de mort et parmi treize journalistes qui ont été agressés en 2008, selon le Centre des informations de presse sur le Guatemala (CERIGUA), le groupe membre de l’IFEX au Guatemala, qui fait remarquer que le nombre est vraisemblablement plus élevé qu’on ne l’a rapporté parce que les victimes préfèrent garder le silence.
Les journalistes ont déclaré que les principales menaces à la libre expression viennent des trafiquants de drogue et du crime organisé, surtout dans les zones rurales. Dans ce contexte, la presse se sent contrainte à l’autocensure comme premier moyen de défense. Pour ceux qui ont poursuivi leur travail dans ce contexte de détérioration de la sécurité, certains l’ont payé de leur vie, tels Jorge Menda, Ruben Bozarreyes et Abel Giron, morts l’an dernier.
On constate de la part des autorités locales une absence de volonté de protéger les journalistes, disent-ceux-ci, ainsi que d’autres reporters représentant les médias grand public, qui assistaient à la conférence à Guatemala, où la déclaration conjointe a été rendue publique. Plusieurs journalistes, qui avaient tenté de couvrir des incidents violents et des affaires de corruption reliées au trafic de drogue et à la pauvreté, ont été accusés par l’État de rapporter la brutalité dans le but de faire augmenter les ventes. Selon le CERIGUA, les autorités, comme la police, sont responsables de nombreux cas d’intimidation et d’agression contre des journalistes. Et leurs auteurs sont très rarement traduits devant les tribunaux.
Le sous-ministre d’État Arnoldo Villagrán, qui participait à l’assemblée d’Antigua, a confirmé que la violence au Guatemala provient du commerce émergent de la drogue et des rivalités internes entre les cartels. Il a ajouté que le gouvernement s’apprêtait à renforcer les forces policières ainsi que les institutions au niveau communautaire afin de rehausser la sécurité publique en général.
Alors que les membres de l’IFEX accueillent favorablement ce plan, ils pressent aussi le gouvernement de travailler en collaboration avec la société civile afin de créer des mécanismes pour protéger les journalistes et les médias, enquêter sur les crimes commis contre les journalistes et mettre sur pied un programme de formation sur les droits de la personne à l’intention des officiers de police et des fonctionnaires.
Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la protection et la promotion du droit à la liberté d’opinion et d’expression, Frank La Rue, et Catalina Botero, Rapporteur spécial de l’OEA pour la liberté d’expression, qui assistaient également à la rencontre d’Antigua, ont expliqué que la sécurité de la presse constitue une composante importante de leur mandat en tant que rapporteurs de la liberté d’expression.
La rencontre a réuni les membres de l’IFEX de la région pour discuter d’une future collaboration sur la libre expression en Amérique latine.
Lire ici l’action conjointe des membres de l’IFEX : http://ifex.org/en/content/view/full/100433
Consulter également les sites web suivants :
– Rapports du CERIGUA : http://tinyurl.com/bpwxhf
– Page de l’IFEX sur le Guatemala : http://tinyurl.com/bpmtkp
(4 février 2009)