Le mois dernier, une journaliste népalaise, Uma Singh, a été poignardée à mort de plusieurs coups de couteau par une bande d’environ 15 hommes non identifiés, chez elle à Janakpur, dans le sud du Népal. À ce jour, on ne connaît aucun motif pour cette agression, bien que des membres de l’IFEX craignent qu’elle ait […]
Le mois dernier, une journaliste népalaise, Uma Singh, a été poignardée à mort de plusieurs coups de couteau par une bande d’environ 15 hommes non identifiés, chez elle à Janakpur, dans le sud du Népal. À ce jour, on ne connaît aucun motif pour cette agression, bien que des membres de l’IFEX craignent qu’elle ait pu être visée à cause de son travail. Quelques-uns de ses articles ont fait des vagues dans la région, ceux en particulier dans lesquels elle critiquait le système de castes et de dots ou la violence constante qui sévit dans la région de Terai, où des groupes armés combattent pour l’instauration d’un État autonome (de) Madhesi.
La mort de Singh a provoqué l’envoi d’urgence au Népal d’une mission internationale de défense des médias, du 5 au 8 février, qui a constaté que la liberté de la presse au Népal continue d’être menacée – en dépit de l’espoir que la règle démocratique instaurée l’an dernier améliorerait la situation.
La Mission internationale de défense des médias, qui a été reçue par la Fédération des journalistes népalais (Federation of Nepali Journalists, FNJ) et d’autres organisations de médias du Népal, appelle les autorités à ouvrir des enquêtes promptes, indépendantes et impartiales sur l’affaire Singh, ainsi que sur toutes les affaires d’agressions contre des journalistes.
Selon la FNJ, on a recensé en 2008 le nombre stupéfiant de 342 violations de la liberté de la presse, notamment une montée en flèche du nombre des agressions physiques de journalistes et d’entreprises de médias dont les auteurs restent impunis. Cela ne représente pas tant une augmentation du nombre des attaques contre les médias qu’un changement de la nature de ces attaques, dont un plus grand nombre est commis par des acteurs qui n’émanent pas de l’État, dit ARTICLE 19.
« Les autorités omettent de s’acquitter de leur devoir d’empêcher, de châtier et de réparer les torts causés par des attaques de ce genre », dit la mission. « Les liens entre les partis politiques et certains des auteurs de ces gestes violents constituent un sujet majeur de préoccupation et indiqueraient l’acceptation, et peut-être la complicité, de ces partis politiques dans la violence. »
Prenons le cas du journaliste Prakash Singh Thakuri, porté disparu depuis juillet 2007. À la fin de l’an dernier, le gouvernement a retiré les chefs d’accusation contre son ravisseur présumé, qui a été libéré sous caution.
De même, la mission a exprimé sa préoccupation concernant la détention du président du Reporters’ Club, Rishi Dhamala, soulignant que le gouvernement avait négligé de se conformer aux procédures judiciaires appropriées lorsqu’il a détenu Dhamala et trois autres journalistes.
La mission rapporte en outre que pas une seule personne n’a été reconnue coupable d’un acte criminel commis contre un journaliste et une entreprise de médias.
Selon la mission, les attaques constantes qui se produisent ont un effet peu rassurant sur la liberté de la presse, les journalistes et les médias étant contraints à l’autocensure, « ce qui menace gravement la paix et le processus de démocratisation actuellement en cours dans le pays. »
Les conditions que vivent les femmes journalistes comme Singh, déjà gravement sous-représentées dans la profession, sont un sujet particulier d’inquiétude, dit la mission, parce qu’elles sont plus vulnérables aux attaques. Elles sont forcées d’abandonner leur travail et, parfois, de s’éloigner de chez elles à cause de ces pressions.
Lors d’une rencontre avec les délégués de la mission, le premier ministre Pushpa Kamal Dahal les a assurés que l’affaire de Thakuri serait rouverte. Il a ajouté que les attaques commises récemment contre les journalistes et la culture d’impunité sont le legs du conflit, qui perdure depuis dix ans, qui visait à renverser la monarchie, et il a maintenu que son gouvernement est déterminé à défendre une presse libre, ce qui se traduira dans la nouvelle constitution.
L’ancien premier ministre et président du principal parti d’opposition, le Congrès népalais (CN), Giirja Prasad, soutient quant à lui le contraire. Lors d’une rencontre séparée avec la mission, il a accusé l’actuel gouvernement dirigé par les maoïstes de rester « spectateur muet devant les attaques constantes dirigées contre la presse », et il a ajouté que le pays n’était pas différent maintenant de ce qu’il était sous le règne totalitaire de l’ancien monarque Gyanendra Shah.
La mission presse le gouvernement et les partis politiques de mettre en oeuvre ses recommandations telles qu’elles sont énoncées dans le document intitulé « An Agenda for Change » (Un programme de changement), à savoir un programme exhaustif de réforme des médias du Népal, préparé par un conseil d’experts composé de professionnels des médias, de juristes, de dirigeants de la société civile et de législateurs – une initiative conjointe de la FNJ, d’ARTICLE 19 et de Freedom Forum.
Certaines des 60 recommandations comprennent la garantie de la libre expression et de la liberté de la presse dans la nouvelle constitution, conformément aux normes internationales en matière de droits de la personne, l’intervention du gouvernement pour protéger les journalistes, l’application appropriée de la Loi sur le droit à l’information, l’abolition de la diffamation pénale et la création d’un comité pour s’occuper des réformes énoncées dans le document.
La Mission internationale se compose de quinze organisations internationales. À sa dernière visite, la mission était représentée par ARTICLE 19, la Fédération internationale des journalistes (FIJ), l’Institut International de la presse (IIP), Reporters sans frontières (RSF), le Comité mondial pour la liberté de la presse (WPFC), l’International Media Support (IMS) et l’UNESCO.
Consulter les sites suivants :
– Déclaration de la Mission : http://tinyurl.com/dllaor
– « An Agenda for Change » : http://tinyurl.com/c9uwmb
– Page de l’IFEX sur le Népal : http://tinyurl.com/3ykcoq
– ekantipur.com, « PM Dahal asks not to doubt gov’t commitment on free press » : http://www.ekantipur.com/kolnews.php?&nid=179034
– sindhtoday.net, « International Media Mission visits Nepal » : http://www.sindhtoday.net/south-asia/60328.htm
(Photo de Uma Singh, courtoisie de l’IIP.)
(11 février 2009)