"Le chantage judiciaire opéré reflète un problème récurrent en Turquie : peu de journalistes osent critiquer les sociétés privées et les groupes financiers par peur des représailles", a déclaré RSF.
(RSF/IFEX) – Le 20 mai 2010, une société privée de production de produits laitiers, Yorsän, a menacé des sites d’informations de les poursuivre en justice s’ils ne retiraient pas des articles considérés comme compromettants pour l’image de l’entreprise. Le site d’informations Emekdunyasi.net risque d’être suspendu à cause d’archives de 2008 sur des actions syndicales menées par quelque 400 employés de Yorsän.
Reporters sans frontières s’indigne de ces pressions abusives. « Le chantage judiciaire opéré reflète un problème récurrent en Turquie : peu de journalistes osent critiquer les sociétés privées et les groupes financiers par peur des représailles. Nous demandons à la justice turque de ne pas cautionner la tentative de censure initiée par Yorsän. Sinon un précédent dangereux pour la presse en ligne risque de voir le jour. L’entreprise invoque une sorte de droit à l’oubli alors qu’il s’agit d’une stratégie agressive de relations publiques destinée à étouffer le passé syndical peu reluisant de cette société », a déclaré l’organisation.
Selon la société, « les articles reflètent le passé et le fait que les lecteurs puissent avoir accès à ces informations sur les moteurs de recherche où par les archives du site, portent atteinte à ‘la valeur de la marque’ et à la ‘réputation financière’ de la société ».
L’avocat de la société Yorsän a demandé au site de retirer ces contenus dans un délai de deux jours en se reposant sur la loi 5651 relative au délits commis via Internet.
L’article 9 de la loi 5651 stipule que « quiconque estime que ses droits sont bafoués peut demander au fournisseur de retirer le contenu litigieux » ( . . . ). Le fournisseur de contenu ou d’accès doit exécuter cette demande dans un délai de deux jours. « La personne qui voit sa demande refusée peut saisir le tribunal de police dans une période de 15 jours ( . . . ). En cas de décision de la cour, les contrevenants sont passibles de 6 mois à 2 ans de prison. »
Dans un communiqué diffusé le 3 juin, les responsables du site ont catégoriquement rejeté la demande: « Si cette société est tellement attachée à la valeur de sa marque, elle devrait respecter les droits syndicaux garantis au niveau constitutionnel. Nous ne retirerons aucun article de notre site publié depuis son lancement, en août 2007 ».