(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un rapport de RSF daté du 29 avril 2002 : Avril « noir » pour les hebdomadaires d’opposition : sept éditions saisies en moins de trois semaines RSF dresse le bilan des saisies à répétition depuis l’entrée en vigueur du code de la presse en février 2000 29 avril 2002 Le président Gnassingbé Eyadéma, […]
(RSF/IFEX) – Ci-dessous, un rapport de RSF daté du 29 avril 2002 :
Avril « noir » pour les hebdomadaires d’opposition : sept éditions saisies en moins de trois semaines
RSF dresse le bilan des saisies à répétition depuis l’entrée en vigueur du code de la presse en février 2000
29 avril 2002
Le président Gnassingbé Eyadéma, prédateur de la liberté de la presse, a fait nommer un général zélé à la tête du ministère de l’Intérieur, le 18 juin 1999. Depuis, le général Marcel Sizing Akawilou Walla, formé à l’école d’Etat-major de Compiègne, en France, a fait saisir approximativement 72 000 exemplaires de sept journaux d’opposition. Le préjudice total subi est estimé à 12 millions de francs CFA (environ 18 293 euros). Ce manque à gagner est lourd de conséquences pour des hebdomadaires au tirage aléatoire (3 000 exemplaires en moyenne), déjà exsangues, soumis à la rude concurrence de l’opulente presse gouvernementale.
La loi du 23 février 2000, taillée sur mesure pour le général Sizing Walla, a été adoptée huit mois après sa nomination au ministère de l’Intérieur. Elle a introduit, pour la première fois, un dispositif de « sanctions administratives » contre la presse. Le ministre de l’Intérieur peut, « dans le cadre de ses pouvoirs de police, ordonner par arrêté la saisie des exemplaires de toute publication « dont le contenu constitue un délit de presse. A cet effet, ce dernier n’a qu’à « aviser » le ministre de la Communication, l’instance de régulation audiovisuelle (la HAAC) et le procureur de la République.
Le Combat du Peuple, dont la tête pensante, Lucien Messan, a passé plus de cinq mois en prison en 2001 pour sa plume trop critique envers la politique du Président, a été de loin le journal le plus visé par ces « sanctions administratives ». En deux ans d’existence, cette loi a permis la saisie de 24 000 exemplaires du journal. En se basant sur le tirage moyen du Monde, ce chiffre représente, à l’échelle du quotidien français, une saisie de 320 000 exemplaires. Le 2 août 2000, après la saisie de quatre éditions du Combat du peuple en deux mois, le journal a porté plainte auprès de la chambre administrative de la Cour suprême contre le ministre de l’Intérieur pour « excès de pouvoir ». Cette plainte n’a toujours pas abouti.
Toujours en 2000, les éditions de cinq hebdomadaires ont été saisies, en trois semaines environ : Nouvel Echo, le 24 mars, La Nouvelle République le 28 mars, Le Nouveau Combattant le 29 mars, Crocodile le 6 avril, et Le Scorpion le17 avril. Aucune notification écrite n’a jamais été adressée aux directeurs de publication. Plusieurs de ces journaux avaient publié un rapport de l’ONU affirmant que le président Eyadema avait reçu des diamants de l’UNITA (mouvement rebelle angolais).
La corruption est bien un sujet qui fâche le général Walla. Motion d’Information a été saisi, le 29 octobre 2001, pour avoir publié les révélations de la commission anticorruption (mise en place par le gouvernement) qui impliquaient le régime Eyadéma dans des malversations de plus d’un milliard de francs CFA (soit plus d’un million et demi d’euros). Là encore, aucun motif n’a été mentionné.
Le général Walla n’apprécie pas non plus que soient abordées les dissensions au sein de la classe politique ou de l’armée. Le ministre a ordonné la saisie de 4 000 exemplaires de l’édition du 4 décembre 2001 de l’hebdomadaire Le Regard, qui aurait qualifié l’armée de « putschiste ». Le journal publiait le témoignage d’un sous-officier de la garde de l’ancien Premier ministre, Joseph Kokou Koffigoh, qui faisait état d’une attaque de la Primature, en 1991, par des militaires de l’armée régulière. Le Regard a été à nouveau saisi, quatre mois plus tard, le 16 avril 2002, pour avoir diffusé une déclaration d’un membre influent du parti au pouvoir, le RPT, appelant à un renouveau au sein de la majorité. Le 22 avril, Le Combat du Peuple et Motion d’Information ont subi un sort identique pour avoir publié cette même déclaration.
Mais incontestablement, la situation des droits de l’homme au Togo demeure le sujet sensible. Du 4 au 22 avril 2002, sept éditions de cinq hebdomadaires ont été « sanctionnées ». La majorité des éditions saisies avaient abordé les droits de l’homme, à divers degrés. L’actualité est effectivement riche en la matière. La Commission des droits de l’homme de l’ONU, lors de sa 58è session à Genève, a adopté une résolution mettant « fin à l’examen de la question » des accusations portées par Amnesty International de violations massives des droits de l’homme au Togo. Le 9 avril, Le Regard a alors estimé que le Togo avait bénéficié du soutien de pays « où les droits de l’homme sont bafoués comme au Togo ». 3 000 exemplaires ont aussitôt été saisis. Le 4 avril, La Tribune du peuple a été saisi pour avoir rapporté les mauvais traitements que des militaires ont infligé à un forgeron, accusé de vol. Le général Walla, sans toutefois démentir l’information, n’avait pas apprécié certains « commentaires complaisants ». Ce dernier « ne monte pas au créneau pour des crimes et assassinats, mais s’acharne contre le journaliste qui essaie de les révéler », a justement souligné le rédacteur de l’article, M. Siliadin. 2 000 exemplaires du journal ont à nouveau été saisis une semaine plus tard, parce que le journaliste, entré dans la clandestinité, n’avait pas répondu à la convocation du ministre.
Le général Sizing Walla semble dernièrement avoir pris un goût immodéré pour l’exercice, opérant de plus en plus au gré de ses humeurs. Reporters sans frontières a toutes les raisons de s’élever contre les « sanctions administratives » prévues par le nouveau code de la presse, dont les dérives augurent mal de l’avenir des journaux qui n’entendent pas fournir une information aseptisée à la population du Togo. L’organisation tient à rappeler que la loi du 23 février 2000 a également réintroduit les peines de prison ferme pour les délits de presse. Beaucoup plus radicales, ces dispositions sont toutefois moins fréquemment utilisées par les autorités pour museler la presse d’opposition. Les « sanctions administratives » restent effectivement plus « discrètes » au regard de la communauté internationale. Elles n’en sont pas moins dangereuses.