La 3e Chambre de la Cour d’appel d’Istanbul vient de relancer la procédure engagée contre le journaliste Erol Önderoğlu, la défenseure des droits humains Şebnem Korur Fincancı et l’écrivain journaliste Ahmet Nesin, pour ‘propagande terroriste’, ‘éloge d’un crime ou criminel’ et ‘apologie d’un crime’.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 5 novembre 2020.
L’annulation de l’acquittement prononcé l’année dernière par la Cour d’assises d’Istanbul pour ‘propagande terroriste’ à l’encontre du représentant en Turquie Erol Önderoğlu, relance la procédure judiciaire contre lui. Reporters sans frontières (RSF) demande l’abandon des charges.
Ils étaient en principe acquittés. La 3e Chambre de la Cour d’appel d’Istanbul vient de relancer la procédure engagée contre le journaliste Erol Önderoğlu, la défenseure des droits humains Şebnem Korur Fincancı et l’écrivain journaliste Ahmet Nesin, pour ‘propagande terroriste’, ‘éloge d’un crime ou criminel’ et ‘apologie d’un crime’. Des poursuites engagées contre eux pour avoir pris, un jour chacun, en 2016, la direction symbolique du journal Özgür Gündem (Agenda Libre) dans le cadre d’une campagne destinée à défendre le pluralisme de la presse, après la fermeture du titre, manu militari, en août 2016.
Contrairement à la Cour d’assises, qui les avait acquittés en juillet 2019, la Cour d’appel d’Istanbul n’a pas retenu le caractère symbolique de cette campagne de soutien. Dans sa décision adoptée le 20 octobre dernier et rendue public il y a deux jours, l’acquittement a été annulé et il est aussi reproché à la Cour d’assises d’avoir traité ces trois cas séparément de celui du rédacteur en chef d’Özgür Gündem, Inan Kizilkaya, qui fait parallèlement l’objet d’une dizaine de procédures pour des articles parus avant la fermeture de son journal.
“La défense de la liberté de la presse ne saurait être assimilée à un crime dans un pays respectueux des droits élémentaires, estime le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Notre représentant en Turquie, Erol Önderoğlu, a déjà passé 10 jours en prison et eu droit à une procédure et un procès très longs simplement pour avoir défendu le pluralisme des médias en Turquie. Il est insupportable de penser que cet acharnement judiciaire pour rien va recommencer pour lui et ses co-accusés. La justice turque s’honorerait d’y mettre fin au plus vite. ”
Erol Önderoğlu, tout comme Şebnem Korur Fincancı et Ahmet Nesin sont passibles de 14 ans et 6 mois de prison sur la base de la Loi 3713 Antiterroriste (TMK) et le Code pénal turc (TCK).
Lors de leur procès, il a pourtant été clairement expliqué qu’ils avaient soutenu cette campagne à titre symbolique et au nom du pluralisme des médias, plus que jamais en danger en Turquie.
“J’ai participé à cette campagne de solidarité parce que je crois qu’il ne peut y avoir de société démocratique si les médias ne peuvent s’exprimer sans censure ni répression, avait précisé Erol Önderoğlu dans sa plaidoirie du 15 avril 2019. Ce qui nous inquiète, ce ne sont pas ces accusations suspendues au-dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès : ce qui nous inquiète, c’est le sort de toute la société face à l’érosion du sens de la justice qui nous maintient tous ensemble.”
Le procés d’Erol Önderoğlu, de Şebnem Korur Fincanci et d’Ahmet Nesin reprendra en seconde instance dans les prochains mois devant la 13e Chambre de la Cour d’Assises d’Istanbul et leur dossier pourrait se voir associé avec celui du rédacteur en chef d’Özgür Gündem.
Également poursuivi, avec seize autres activistes, pour avoir manifesté en janvier 2016 sa solidarité avec des centaines d’universitaires traînés en justice pour une pétition pacifiste, Erol Önderoğlu avait été définitivement acquitté en septembre 2019, grâce à une décision de la Cour Constitutionnelle en faveur des universitaires.
La Turquie occupe le 154e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.