Un nouveau rapport dâARTICLE 19 examine les progrès accomplis depuis dix ans sur les questions liées à la censure et à la famine en Ãthiopie. Le document, intitulé « Ethiopia: Still Starving in Silence? » [Ãthiopie : Toujours en traine de mourir de faim en silence?], revient sur les préoccupations que lâorganisation avait déjà exprimées dans un […]
Un nouveau rapport dâARTICLE 19 examine les progrès accomplis depuis dix ans sur les questions liées à la censure et à la famine en Ãthiopie. Le document, intitulé « Ethiopia: Still Starving in Silence? » [Ãthiopie : Toujours en traine de mourir de faim en silence?], revient sur les préoccupations que lâorganisation avait déjà exprimées dans un autre rapport, en 1991. La parution du rapport survient tandis que la liberté dâexpression connaît des progrès et des reculs en Ãthiopie.
Selon ARTICLE 19, « le retour apparent de la famine en Ãthiopie en 1999-2000 donne à penser que, malgré les progrès accomplis depuis 1999 par lâEthiopian Peoplesâ Revolutionary Democratic Front (Front démocratique révolutionnaire des peuples dâÃthiopie, EPRDF) dans le renforcement de la liberté dâexpression, notamment de lâaccès à lâinformation, il reste encore beaucoup à faire ». Sâinspirant des idées de lâéconomiste Amatya Sen, prix Nobel, qui a fait remarquer quâon nâa jamais constaté de famine dans une société démocratique jouissant dâun accès libre à lâinformation et de médias libres, ARTICLE 19 fait valoir que le gouvernement éthiopien doit aller de lâavant, « approfondir et consolider le respect des droits fondamentaux de la personne et des principes démocratiques », parce quâil sâagit « littéralement dâune question de vie ou de mort ».
Le rapport affirme que la performance du EPRDF pendant la famine de 1999-2000 a été bien meilleure que celle du régime précédent lors de la famine de 1982 à 1985. Cependant, le legs du passé reste difficile à surmonter, notamment la culture séculaire du secret. ARTICLE 19 ajoute que le programme de libéralisation des médias, que défend le gouvernement, demeure limité, surtout dans le secteur de la radiodiffusion, et que « le rôle essentiel dââalerte rapideâ que pourraient jouer les médias locaux pour préserver lâÃthiopie dâune famine éventuelle et persistante est loin dâêtre garanti ».
Quant aux médias internationaux, ARTICLE 19 affirme que leur intérêt, lors de la dernière famine, sâest surtout concentré essentiellement sur lâaspect « humanitaire ». Ils ont ainsi aidé à promouvoir les mesures pour répondre à une situation dâurgence, mais ont ce faisant minimisé les causes structurelles de la famine, quâil faut aussi corriger si on veut créer à long terme des conditions de vie paysanne viable. Le rapport ajoute que, depuis la famine de 1982 à 1985, les obstacles se sont accumulés contre la couverture soutenue et de haute qualité, par les grands médias étrangers, des questions complexes qui agitent des pays comme lâÃthiopie. Il cite à ce propos les pressions exercées pour obtenir immédiatement des extraits sonores et des manchettes, la préférence pour lâimage au détriment du texte et de la narration, le peu dâattention accordé à lâexpertise sur place et les contraintes financières accrues imposées aux déplacements vers des régions inaccessibles du monde. Le rapport est disponible à www.article19.org/docimages/1034.htm.
Entre-temps, les autorités éthiopiennes adoptent ces temps-ci une position ambiguë sur les questions de liberté dâexpression. Le 10 mai dernier, rapporte lâAssociation des journalistes de la presse libre dâÃthiopie (EFJA), un tribunal ordonnait la remise en liberté de Garoma Bekele, Tesfaye Deressa et Solomon Nemera, autrefois du journal « Urji », maintenant disparu, après avoir été incarcérés pendant presque trois ans. Selon le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), les trois journalistes avaient été arrêtés en octobre 1997, après que leur journal, « Urji », eut couvert lâassassinat, par les forces gouvernementales, de trois membres présumés dâune organisation séparatiste armée. Bekele et Deressa ont depuis été remis en liberté, mais Nemera reste lâun des trois journalistes emprisonnés à lâheure actuelle en Ãthiopie, dit Reporters sans frontières (RSF). Le CPJ et RSF font remarquer que, depuis quelques années, lâÃthiopie est le pays dâAfrique qui emprisonne le plus de journalistes. Le CPJ ajoute que « depuis janvier 2001, les autorités ont libéré six journalistes et semblent avoir relâché leur emprise sur le petit secteur des médias privés ».
Par contre, ARTICLE 19 se dit préoccupé par une « nouvelle vague de répression » qui semblerait sâinstaurer, et soutient que « la tolérance officielle de la liberté dâexpression et dâassociation semble avoir décliné de façon spectaculaire ces derniers mois ». Le groupe attire lâattention sur lâarrestation le 8 mai de deux militants des droits de la personne, Mesfin Wolde-Mariam et Berhanu Nega, pour incitation à lâémeute après avoir participé, le 18 avril, à un forum sur les droits de la personne et la liberté intellectuelle à lâuniversité dâAddis Abeba, rapporte le Comité des écrivains en prison du PEN International (WiPC). Le forum, dit le WiPC, qui avait été préparé longtemps à lâavance, sâest tenu le lendemain du jour où les forces de sécurité ont écrasé une manifestation dâétudiants qui exigeaient plus de liberté pour lâuniversité. Lâorganisation rapporte quâau cours des émeutes qui ont suivi, 41 étudiants ont été tués, des centaines dâautres ont été blessés et environ 2 000 ont été arrêtés. ARTICLE 19 ajoute que des accusations ont été portées contre plusieurs journalistes qui suivaient les récentes activités estudiantines. La police a également procédé le 20 avril à une rafle chez les camelots et distributeurs de journaux et de magazines, et les a relâchés le lendemain, à condition de mettre fin à leur commerce. La circulation des journaux à lâextérieur dâAddis Abeba est entravée gravement par cette mesure, dit ARTICLE 19. Pour plus de précisions, voir www.cpj.org, www.rsf.fr et www.article19.org.