Alors qu’il est emprisonné sans avoir été jugé depuis août dernier, Emmanuel Mbombog Mbog Matip croupit dans les geôles du pays en dehors de toute procédure légale.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 23 avril 2021.
Alors qu’il est emprisonné sans avoir été jugé depuis août dernier, Emmanuel Mbombog Mbog Matip croupit dans les geôles du pays en dehors de toute procédure légale. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une nouvelle détention arbitraire et demande sa libération.
Voilà maintenant plus de huit mois que le directeur du journal Climat Social et président de la Ligue Nationale de défense des droits des Personnes Défavorisées, Emmanuel Mbombog Mbog Matip, est arbitrairement détenu au Cameroun. Le journaliste, qui est accusé de propagation de fausses nouvelles, a été violemment enlevé à son domicile par six hommes armés, le 17 août 2020, alors qu’il menait deux enquêtes impliquant plusieurs personnalités haut placées du régime camerounais. Son travail portait sur un projet présumé de coup d’État dans le pays et une affaire de vol de voitures de luxe en provenance du Togo. Le journaliste avait reçu plusieurs menaces et fait l’objet d’intimidation peu de temps avant son arrestation.
Amputé des deux pieds après un accident de la route en 1992, Emmanuel Mbombog Mbog Matip affirme avoir été brutalisé et humilié durant son arrestation et dans les heures qui ont suivi. D’abord interrogé à la sécurité militaire, il a ensuite été transféré au Secrétariat d’État à la Défense pendant trois semaines sans mandat d’arrêt avant d’être traduit, en septembre 2020, devant le tribunal militaire de Yaoundé, puis incarcéré à la prison centrale de Kondengui, où circule activement le virus de la Covid-19. Il y est encore détenu à ce jour, alors que sa détention provisoire, fixée pour une durée initiale de six mois, a expiré depuis le 7 mars dernier.
“Arrestation violente, détention provisoire arbitraire ayant déjà expirée, traduction devant une Cour militaire… Le traitement infligé à ce journaliste est indigne, dénonce le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. La prolongation de sa détention en dehors de toute procédure légale est clairement motivée par la volonté de l’empêcher de poursuivre son travail d’investigation. RSF demande sa libération immédiate. »
Joint par RSF, le président du Syndicat des Journalistes Indépendants du Cameroun (SYNAJIC) Alex Koko à Dang s’est indigné du caractère abusif de la détention du directeur de Climat Social, estimant qu’il s’agissait d’une énième tentative de “museler la presse”.
Emmanuel Mbombog Mbog Matip, qui a adressé de multiples requêtes restées sans réponse aux autorités camerounaises afin d’être libéré, n’est pas le seul journaliste à être actuellement détenu de manière arbitraire et prolongée dans le pays. Le reporter de Cameroun Web, Paul Chouta, également accusé de diffusion de fausses nouvelles, a déjà passé près de deux ans en détention provisoire à la prison principale de Yaoundé. Après 26 audiences, l’issue de son procès est attendue le 6 mai 2021. L’ancien directeur général de la CRTV Amadou Vamoulké, âgé de 71 ans, est détenu dans la même prison qu’Emmanuel Mbombog Mbog Matip depuis près de cinq ans sans avoir été jugé. Son procès a déjà fait l’objet de 65 audiences, du jamais vu pour un journaliste dans le pays.
Le Cameroun a de nouveau perdu une place et occupe désormais la 135e position sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2021 que vient de publier RSF.