RSF déplore une multiplication des atteintes à la liberté de la presse et demande aux autorités de mettre fin à la politique actuelle de censure et d'intimidations envers les professionnels de l'information.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 3 avril 2019.
Alors que l’archipel des Comores traverse une crise depuis la réélection contestée du président Azali Assoumani, Reporters sans frontières (RSF) déplore une multiplication des atteintes à la liberté de la presse et demande aux autorités de mettre fin à la politique actuelle de censure et d’intimidations envers les professionnels de l’information.
Les journalistes comoriens ne couvriront plus les activités du gouvernement au cours des deux prochaines semaines. Un boycott inédit de la part des professionnels des médias en réponse aux « nombreuses atteintes aux journalistes et aux organes de presse » écrivent-ils dans un communiqué, alors que la réélection le 24 mars dernier du président Azali Assoumani est contestée par les candidats de l’opposition qui ont formé un conseil national de la transition (CNT).
Samedi 30 mars, Toufé Maecha, rédacteur en chef de Masiwa Komor, est resté quelques heures en détention arbitraire après s’être rendu à la gendarmerie de Moroni, la capitale des Comores, pour y récolter des informations. Les gendarmes ont rapidement accusé le journaliste d’être un espion pour le compte de l’opposition et de salir les institutions de son pays. Joint par RSF, il dit avoir été contraint de se déshabiller durant son interrogatoire et menacé d’être à nouveau arrêté s’il rendait publiques les conditions de son arrestation.
Cinq éditions de trois journaux différents ont également été censurées depuis une semaine à l’initiative des autorités. La Gazette des Comores qui titrait « les 12 de l’opposition proclament le Conseil national de la transition » dans son édition du jeudi 28 mars n’est pas sortie en kiosques. Dimanche soir, des éléments des forces de sécurité sont également intervenues pour empêcher la diffusion de ce journal ainsi que deux autres quotidiens : Masiwa Komor et Al Fadjr qui rapportaient dans leur colonne les mauvais traitements subis la veille par leur confrère. Lundi, plusieurs directeurs de publications ont été convoqués par le ministre de l’Intérieur. « Il nous a affirmé qu’il continuerait cette politique tant que les journaux mettront en péril la sécurité nationale par leurs mensonges », rapporte un des journalistes joint par RSF.
« Censure, arrestation, intimidations, l’attitude des autorités à l’égard des journalistes est aussi inacceptable qu’irresponsable, dénonce Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. S’attaquer à la liberté d’informer dans un contexte de crise est le meilleur moyen d’amplifier cette dernière. Les journalistes n’en sont ni les responsables, ni les protagonistes. Ce sont des témoins dont la mission d’information est plus que jamais indispensable. Le devoir de tout Etat démocratique est de veiller à ce qu’ils puissent effectuer leur travail librement, pas de les prendre pour cible et d’en faire des ennemis publics ».
RSF a écrit et tenté de joindre à plusieurs reprises le ministre de l’Intérieur et le Conseil nationale de la presse et de l’audiovisuel (CNPA). Nos demandes d’explication sont restées sans réponse.
Les Comores occupent la 49e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2018.