Une alliance entre journalistes a été fondée à Bangkok, en Thaïlande, les 7 et 8 novembre derniers, pour défendre et soutenir la liberté de la presse dans la région. Vingt-cinq personnes, représentant cinq associations de journalistes des Philippines, de Thaïlande et d’Indonésie, se sont réunies pour fonder l’Alliance de la presse d’Asie du Sud-Est [Southeast […]
Une alliance entre journalistes a été fondée à Bangkok, en Thaïlande, les 7 et 8 novembre derniers, pour défendre et soutenir la liberté de la presse dans la région. Vingt-cinq personnes, représentant cinq associations de journalistes des Philippines, de Thaïlande et d’Indonésie, se sont réunies pour fonder l’Alliance de la presse d’Asie du Sud-Est [Southeast Asian Press Alliance] (SEAPA), qui regroupera plus tard d’autres pays de la région. L’Alliance prévoit l’ouverture d’un secrétariat à Bangkok pour le 3 mai prochain, Journée mondiale de la liberté de presse. Le secrétariat surveillera la situation et recensera les attaques contre les journalistes et les menaces aux médias de l’Asie du Sud-Est. L’Alliance s’efforcera aussi d’encourager les gouvernements d’Asie du Sud-Est à réformer les lois répressives sur les médias et à relâcher les restrictions imposées à la presse.
Le comité de direction se compose de membres de l’Association des reporters de Thaïlande [Reporter’s Association of Thailand] (RAT), du Centre du journalisme d’enquête des Philippines [Philippine Center for Investigative Journalism] (PCIJ), du Centre de défense de la liberté et de la responsabilité des médias [Centre for Media Freedom and Responsibility] (CMFR), des Philippines, et de deux groupes indonésiens, l’Alliance des journalistes indépendants (AIJ) et l’Institut d’études sur la liberté de circulation de l’information [Institut Studi Arus Informasi] (ISAI). La plupart des groupes qui participent à l’Alliance sont membres de l’IFEX ou ont demandé à y adhérer, et cherchent à coopérer étroitement avec le réseau international.
Selon le communiqué émis à la fin de la réunion de fondation, « l’Alliance vise à rassembler les organes de presse indépendants de la région; elle répond à l’accroissement de la liberté de la presse obtenu dans les trois pays à l’origine de l’initiative. Les délégués ont renouvelé leur détermination à soutenir les efforts des journalistes des pays voisins pour bâtir une presse libre. » « Voilà une évolution remarquable de la situation de la liberté de la presse en Asie du Sud-Est, a déclaré Kavi Chongkittavorn, membre du Comité de direction et directeur de la rédaction du journal âNation’ de Bangkok. Nous autres journalistes, devons pouvoir nous défendre et aider nos collègues d’Asie. »
L’Alliance est le fruit d’un colloque de deux jours sur la liberté de la presse en Asie du Sud-Est organisé par la RAT en collaboration avec le World Press Freedom Committee (WPFC) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). « Nous soutenons vos efforts et applaudissons à votre entreprise », a déclaré le président du WPFC, James Ottaway. Le CPJ et le WPFC se sont engagés à aider l’Alliance à se développer. « Le travail est d’une importance vitale », dit A. Lin Neumann, coordonnateur du programme asiatique du CPJ. Les délégués qui ont participé à la réunion étaient conscients de l’occasion qui se présente pour la liberté de la presse de voir les organisations de la région collaborer entre elles pour défendre les questions qui intéressent l’Asie du Sud-Est. Se sont joints à eux des représentants de l’IFEX, de l’Association mondiale des journaux (AMJ) et de Reporters sans frontières (RSF), qui ont fait part de leur volonté de donner une plus grande visibilité mondiale aux questions régionales.
Lors de la rencontre de fondation, Melinda Quintos de Jesus, directrice générale du CMFR, et Howie Severino, du PCIJ, ont indiqué qu’en dépit de la liberté de la presse qui règne aux Philippines, des journalistes y sont fréquemment assassinés. Le CMFR situe entre 60 et 80 le nombre des journalistes assassinés aux Philippines au cours des dix dernières années, et estime que la moitié d’entre eux au moins l’ont été en raison de leur profession. Les journalistes des Philippines sont aussi confrontés au problème des poursuites judiciaires pénales pour diffamation. Ã lui seul, Severino doit répondre de huit accusations, dont certaines ont été déposées dans des régions éloignées du pays, ce qui l’oblige à consacrer beaucoup de temps et d’argent à se déplacer pour se défendre. Les journalistes des Philippines sont passibles de peines de prison s’ils sont trouvés coupables, mais purgent rarement de longues peines. Severino suggère d’organiser une campagne en faveur de la décriminalisation de la diffamation aux Philippines et dans toute la région.
Selon les membres de la RAT, le principal problème auquel se heurtent les journalistes de Thaïlande, c’est le chômage. Même s’ils doivent faire face à des restrictions quant l’exercice de leur profession, comme l’interdiction d’insulter les membres de la famille royale de Thaïlande, sous peine de crime de lèse-majesté. La crise financière en Asie a eu des répercussions importantes pour la profession, et a amené ceux qui n’ont pas été licenciés à surveiller dans quelle mesure circulent les informations économiques fiables. Des représentants de l’ISAI, de l’AJI et d’autres organisations indonésiennes comme l’Institut de la presse du Dr Soetomo, ont indiqué clairement que la chute de Suharto n’avait pas mis un terme à leurs difficultés. Ils offrent cependant une vive opposition à la situation actuelle, marquée par la répression des médias; ils ont suggéré un certain nombre de réformes nécessaires pour faire avancer le pays jusqu’à la démocratie. Il y a en ce moment un projet de loi qui comporte 13 articles de nature répressive; tous ceux qui se préoccupent de la liberté des médias doivent le combattre.
Les participants à une autre réunion qui s’est tenue à Kuala Lumpur, en Malaysie, le 13 novembre dernier, sous le thème « Marchés ouverts, médias ouverts? », ont formé un groupe qui s’appelle « Groupe de surveillance de la liberté des médias et du commerce » [Monitoring Group on Free Media and Trade]. Ils y ont discuté de l’accès aux informations économiques, en particulier pendant la crise financière en Asie, et de la censure sur Internet. La réunion était organisée par l' »Institute for Media, Policy and Civil Society » (IMPACS), organisation dont le siège est au Canada, en collaboration avec une organisation non gouvernementale de Malaysie, le « Asian Institute for Development Communication » (AIDCOM), et s’est tenue cette semaine à Kuala Lumpur, avant la rencontre des dirigeants des pays de l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (APEC). La rencontre faisait suite à celle d’il y a un an, juste avant le sommet de l’APEC à Vancouver, au Canada. Les participants ont pu rencontrer le ministre des Affaires étrangères du Canada, M. Lloyd Axworthy, pour lui transmettre les idées qui sont sorties de la rencontre, et qui ont convaincu le Premier ministre du Canada, M. Jean Chrétien, de soulever la question de la liberté des médias auprès des autres dirigeants de l’APEC. Un certain nombre d’organisations présentes sont membres de l’IFEX ou sont des partenaires qui avaient déjà assisté à la rencontre de Bangkok. On a souligné encore une fois l’importance de partager les renseignements entre les organisations de la région.