L’Éthiopie vient de promulguer une nouvelle loi sur les médias en vertu de laquelle la censure des médias privés et la détention des journalistes sont interdites, mais qui, d’après les critiques maintient d’autres menaces pour la libre expression. « Aux termes de la nouvelle loi, les restrictions antérieures contre les médias privés, comme la détention […]
L’Éthiopie vient de promulguer une nouvelle loi sur les médias en vertu de laquelle la censure des médias privés et la détention des journalistes sont interdites, mais qui, d’après les critiques maintient d’autres menaces pour la libre expression.
« Aux termes de la nouvelle loi, les restrictions antérieures contre les médias privés, comme la détention des journalistes soupçonnés d’enfreindre la loi, ont été abrogées », peut-on lire dans une déclaration émanant du parlement.
Mais les députés de l’opposition disent que la loi, adoptée le 1er juillet, permet toujours aux procureurs de l’État d’invoquer la sécurité nationale comme motif pour saisir du matériel d’édition avant sa publication et sa distribution.
Le député d’opposition Temesgen Zewede a déclaré aux reporters que « bien que la censure soit abolie, un tel droit de saisie de matériel d’édition avant sa distribution équivaut à de la censure ».
En outre, par un projet de loi séparé, le gouvernement prévoit imposer des contrôles stricts et des pénalités criminelles « draconiennes » aux organisations non gouvernementales (ONG), indiquent Human Rights Watch et Amnistie Internationale.
Selon l’Éthiopie, la proposition de Loi sur les oeuvres et sociétés de charité constitue un moyen pour les ONG de faire preuve de transparence et de responsabilité financières face à leurs partenaires. Mais, pour Human Rights Watch, le gouvernement a l’intention « de consolider cette tendance en éliminant le ‘non’ dans ‘non gouvernemental’ et en plaçant la société civile sous contrôle gouvernemental ».
Par exemple, la proposition de loi impose de sévères peines criminelles à quiconque participe à une activité « illégale » de la société civile – la prison pour participation à un meeting organisé par une organisation illégale ou pour la transmission des informations de l’organisation.
Qui décide de la légalité des ONG? Le gouvernement, bien sûr – le projet de loi prévoit la création d’une Agence des oeuvres et sociétés de charité, dotée de pouvoirs étendus pour délivrer des permis aux ONG, surveiller leurs activités et s’ingérer dans leur administration et leur dotation en personnel, dit Human Rights Watch.
De plus, aucune ONG non éthiopienne n’est autorisée à effectuer du travail relié aux droits de la personne – ce qui rend difficile pour les membres de l’IFEX de couvrir les violations de la libre expression ou de se livrer dans le pays à des activités de défense des droits de la personne. Par ailleurs, les ONG éthiopiennes de défense des droits qui reçoivent plus de 10 pour 100 de leur financement de sources étrangères seront considérées comme étrangères et seraient fermées.
« Les dispositions clés de la loi sont des mécanismes brutaux et très sévères qui visent à contrôler et à surveiller les groupes de la société civile et à punir ceux dont le travail déplaît au gouvernement », disent Human Rights Watch et Amnistie. « Elles pourraient aussi restreindre sérieusement une bonne partie du travail relié au développement accompli actuellement par certains des partenaires internationaux clés de l’Éthiopie. »
Human Rights Watch et Amnistie en appellent aux gouvernements donateurs, surtout les plus importants donateurs de l’Éthiopie, les États-Unis et le Royaume-Uni, pour qu’ils prennent publiquement position contre la criminalisation de la défense des droits de la personne en Éthiopie.
« Leur politique du silence à l’effet de pousser le gouvernement éthiopien à s’enhardir et à commettre d’autres assauts contre les droits de la personne, comme l’illustre l’avant-projet de loi sur les ONG », dit Human Rights Watch.
Le premier ministre Meles Zenawi, jadis considéré comme un pionnier de la démocratie en Afrique, a vu sa réputation s’étioler depuis les violences post-électorales de 2005, qui ont fait 200 morts. Les journalistes et les députés d’opposition estimés sympathiques aux protestataires ont ensuite été arrêtés et inculpés de trahison, et maintenant l’opposition politique formelle est presque éteinte dans la majeure partie du pays.
Consulter les sites suivants :
– Human Rights Watch : http://tinyurl.com/5jplq2
– « The Nation » (Kenya) sur la nouvelle loi sur les médias :
http://allafrica.com/stories/200807040064.html
– Page de l’IFEX sur l’Éthiopie : http://tinyurl.com/58q5rr
(9 juillet 2008)