Pour protester contre la hausse des prix du carburant, des manifestations se sont déroulées la semaine dernière à Rangoon, capitale de la Birmanie. Ces manifestations, dont une a été le rassemblement le plus important depuis une décennie – ont entraîné l’arrestation d’au moins 70 militants et la répression des médias et des lignes de communication, […]
Pour protester contre la hausse des prix du carburant, des manifestations se sont déroulées la semaine dernière à Rangoon, capitale de la Birmanie. Ces manifestations, dont une a été le rassemblement le plus important depuis une décennie – ont entraîné l’arrestation d’au moins 70 militants et la répression des médias et des lignes de communication, rapportent Mizzima News, l’Alliance de la presse de l’Asie du Sud-Est (Southeast Asian Press Alliance, SEAPA) et des dépêches.
Lors de raids effectués en pleine nuit le 21 août, les dirigeants militaires de la Birmanie ont procédé à l’arrestation de 13 militants éminents de la démocratie qui deux jours auparavant avaient assuré la direction d’une manifestation de protestation contre une augmentation brusque et importante des prix du carburant, qui a plus que doublé les prix du transport en commun et affecté considérablement les prix des denrées. On croit que le rassemblement de 500 personnes est le plus important depuis plus de dix ans.
Dans une déclaration exceptionnelle reproduite dans tous les journaux contrôlés par l’État, la junte a déclaré que les 13 personnes avaient été arrêtées pour « agitation en vue de provoquer des troubles sociaux » et pour avoir « miné la paix et la sécurité de l’État », accusations passibles de vingt ans de prison.
Les personnes arrêtées comprenaient au moins sept dirigeants des Étudiants de la Génération de 88, le groupe d’étudiants qui avait été le fer de lance du soulèvement démocratique de 1988, que l’armée a écrasé dans la violence. Parmi les personnes arrêtées se trouvaient Min Ko Naing, Ko Ko Gyi et Min Zeya – quelques-uns, avec la lauréate du prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, des dissidents les plus connus de Birmanie. Des étudiants d’université et des militants d’autres groupes de défense de la démocratie auraient aussi été arrêtés dans d’autres opérations, dit Mizzima. À la suite d’une recherche dans toute la région de Rangoon, Htin Kyaw, détenu à trois reprises cette année pour avoir protesté contre les conditions de vie, a été tabassé lors de son interpellation, le 25 août, selon ce que rapporte la BBC.
Selon la SEAPA, le régime militaire a en outre confisqué les téléphones portables des leaders de la Génération de 88, afin d’empêcher les médias internationaux d’apprendre les dernières nouvelles sur les manifestations. Certains correspondants téléphoniques de dissidents bien connus ont déclaré avoir reçu un message les informant que le gouvernement avait interrompu le service.
« Avec la poigne de fer de la junte qui s’abat sur l’information et sur toutes les chaînes de communication, la population compte sur les médias étrangers pour savoir ce qui se passe, même lorsqu’il s’agit d’événements à l’intérieur même du pays », dit la SEAPA.
D’après la BBC, les arrestations constituaient probablement une tentative de l’armée pour empêcher la répétition de la manifestation de dimanche. Mais les manifestations continuent. Le 22 août, environ 200 personnes ont défié la présence visible de policiers armés et ont défilé à travers la ville de Rangoon, tandis que les passants leur exprimaient leur appui. Aujourd’hui (28 août), plus de 100 moines bouddhistes de la ville de Sittwe, dans l’État d’Arakan, ont défilé dans les rues pour exiger une diminution des prix des denrées.
La junte a aussi déployé des gangs de supporters, certains d’entre eux agitant des balais et des pelles et se prétendant balayeurs de rues, dans les rues de Rangoon pour faire cesser toute manifestation de protestation. Selon le groupe médiatique « Democratic Voice of Burma » (Voix Démocratique de Birmanie), le 22 août, un journaliste local s’est fait confisquer son appareil-photo par les gangs, qui l’ont détruit. Le lendemain, un correspondant de Reuters s’est fait menacer et a été bousculé par un groupe d’individus de la même farine tandis qu’il tentait de couvrir une manifestation improvisée, alors que des journalistes locaux se voyaient intimer l’ordre de rester à l’écart des manifestants.
Mizzima News rapporte en outre que des rédacteurs d’un important journal de Rangoon ont été interrogés par la police le lendemain du rassemblement du dimanche et ont été accusés de favoriser la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti politique qui s’est vu privé du droit de gouverner en dépit d’un raz de marée électoral, en 1990.
Dans le pays, il n’y a virtuellement aucune couverture des protestations. « Les difficultés et le harcèlement que vivent les journalistes entraînent davantage d’autocensure dans les publications locales de Rangoon », dit la SEAPA.
La SEAPA rapporte que la junte birmane resserre les voies de télécommunications déjà restreintes dans le pays afin de bloquer l’information sur les protestations et les arrestations de masse qui se déroulent à Rangoon.
Les internautes de Birmanie qui essaient de communiquer avec leurs contacts à l’extérieur du pays sont constamment en butte aux interruptions de connexions, tandis que leurs amis et leurs parents d’outremer éprouvent des difficultés à joindre les gens à l’intérieur du pays qui ont un téléphone portable.
D’après la BBC, la perspective de protestations économiques établissant un lien avec les vétérans de 1988 serait particulièrement alarmante pour le gouvernement militaire – c’est en effet cette combinaison de facteurs qui a failli renverser le régime militaire lors du premier soulèvement, il y a 19 ans.
Par ailleurs, une militante des droits de la personne d’ethnie arakanaise, exilée au Bangladesh, a remporté le Prix Yayori, une distinction japonaise décernée aux militantes qui travaillent auprès de groupes marginalisés, rapporte « The Irrawaddy ». Saw Mra Raza Linn, présidente de l’Union des femmes du Rakhaing (Arakan) et membre de la Ligue des femmes de Birmanie, a mené en 1988 des milliers de personnes dans des marches en faveur de la démocratie, avant de fuir au Bangladesh et d’y poursuivre sa lutte contre les violations des droits de la personne en Birmanie et contre la violence faite aux femmes et aux enfants.
Consulter les sites suivants :
– Alertes de l’IFEX sur la Birmanie : http://tinyurl.com/2voc8y
– Mizzima News : http://www.mizzima.com/
– SEAPA : http://www.seapabkk.org/
– BBC : http://news.bbc.co.uk/2/hi/asia-pacific/6964282.stm
– Democratic Voice of Burma : http://english.dvb.no/index.php
– Free Burma : http://freeburma.org/
– BurmaNet News : http://www.burmanet.org/news/2007/08/
– « The Irrawaddy » : http://www.irrawaddy.org/
(Photo : Plus de 500 personnes ont défilé dans les rues de Rangoon le 19 août 2007, manifestant contre l’augmentation, décrétée sans préavis par la junte militaire, des prix du carburant en Birmanie. Photo courtoisie de Mizzima News)
(28 août 2007)