Les groupes de défense de la liberté de la presse à travers le monde ont exprimé leur dégoût devant les meurtres « sauvages » de deux éminents journalistes somaliens le 11 août 2007, et font remarquer que ces meurtres font ressortir les conditions périlleuses dans lesquelles travaillent les reporters, ainsi que les menaces que courent […]
Les groupes de défense de la liberté de la presse à travers le monde ont exprimé leur dégoût devant les meurtres « sauvages » de deux éminents journalistes somaliens le 11 août 2007, et font remarquer que ces meurtres font ressortir les conditions périlleuses dans lesquelles travaillent les reporters, ainsi que les menaces que courent les médias indépendants dans ce pays ravagé par la guerre.
Ali Iman Sharmarke, directeur général de HornAfrik Radio, a été tué lorsqu’un engin contrôlé à distance a explosé au passage de sa voiture tandis qu’il circulait dans Mogadishu, la capitale. Il revenait des obsèques de Mahad Ahmed Elmi, directeur de « Radio Capital Voice », lui-même abattu par deux inconnus le matin même tandis qu’il se rendait au travail.
Selon des témoins, la bombe semblait viser la voiture de Sharmarke au milieu d’un cortège. Deux autres journalistes – Sahal Abdulle de Reuters et un reporter de la Voix de l’Amérique – se trouvaient dans la voiture de Sharmarke et ont subi des blessures légères, selon les dires d’Associated Press.
Six journalistes ont été tués en Somalie jusqu’à maintenant cette année, indique le Syndicat national des journalistes somaliens (National Union of Somali Journalists, NUSOJ). « Cette vague d’attentats qui visent à tuer et blesser les gens des médias constitue une mission délibérée et organisée pour faire taire [la] voix des journalistes en Somalie », dit le syndicat.
Des centaines de milliers de personnes qui vivaient à Mogadishu ont fui les combats qui font rage dans la ville depuis janvier, soit depuis que l’armée éthiopienne a institué un gouvernement de transition. Selon CBC News, HornAfrik critique autant le gouvernement que l’opposition des militants islamiques, et a été fermée à plusieurs reprises ces derniers mois. D’après Reuters, la station a essuyé des rafales de coups de feu en avril, apparemment à partir de positions éthiopiennes.
Ali Sharmarke était l’un des fondateurs du réseau HornAfrik, tandis que Mahad Elmi y animait une populaire émission de radio. Selon Reuters, les médias étrangers et somaliens suivaient de près les émissions de nouvelles de HornAfrik à la radio, à la télévision et sur Internet.
En 2002, le groupe des Journalistes canadiens pour la liberté d’expression (CJFE) avait décerné son Prix international de la Liberté de la presse à Sharmarke et aux deux autres fondateurs de HornAfrik, Ahmed Abdisalam Adan et Mohamed Elmi. Les trois hommes avaient fui la Somalie et étaient entrés au Canada comme réfugiés, puis ils sont rentrés en Somalie pour lancer la station.
Le prix du CJFE qui récompensait HornAfrik, premier réseau de radio indépendante de Somalie, pour sa persévérance devant l’intimidation et les menaces. « HornAfrik, c’est l’histoire d’un succès remarquable dans un des endroits les plus difficiles et dangereux du monde où pratiquer le journalisme », dit la directrice générale du CJFE, Anne Game.
Reporters sans frontières (RSF) presse le gouvernement de transition de Somalie de procéder à une enquête approfondie et de châtier les personnes responsables de ces homicides. La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a également fait part de son indignation, prévenant que « le chaos politique et l’anarchie menacent le journalisme indépendant » en Somalie.
Éric Laroche, coordonnateur à l’humanitaire des Nations Unies en résidence, invite le Gouvernement fédéral de transition [GFT] de Somalie à « protéger pleinement la liberté de l’information et des médias, conformément à l’article 20 de la Charte fédérale de transition », dans sa proposition de législation sur les médias.
Le maire de Mogadishu, Mohamed Omar Habeeb, a déclaré le 12 août aux journalistes que les troupes gouvernementales avaient arrêté deux hommes au nord de Mogadishu, et que « l’un d’eux a avoué être impliqué dans les deux attentats ». Mohamed Elmi, qui, comme Adan, vit maintenant avec sa famille à Ottawa, a déclaré à la CBC qu’aucun groupe n’avait revendiqué la responsabilité des meurtres, mais que le GFT imputait ces crimes à l’insurrection armée.
Cependant, selon un rapport de Human Rights Watch publié le 13 août, les troupes éthiopiennes loyales au GFT, ainsi que les insurgés anti-gouvernementaux, sont responsables de « violations généralisées » des droits de la personne. « Les parties au conflit affichent toutes un mépris criminel pour le bien-être de la population civile de Mogadishu », souligne Ken Roth, directeur général de Human Rights Watch, dans le rapport, intitulé « Shell-Shocked: Civilians Under Siege in Mogadishu » [Traumatisés par les bombardements : Les civils dans Mogadishu assiégée].
Le Réseau des défenseurs des droits de la personne dans l’Est et la Corne de l’Afrique (East and Horn of Africa Human Rights Defenders Network, EHAHRD-Net) fait remarquer que les défenseurs des droits de la personne, y compris les journalistes, sont coincés dans les échanges de tirs entre le GFT, appuyé par les troupes éthiopiennes, et les milices islamiques. « Le GFT et d’autres joueurs politiques en Somalie doivent assurer la protection des journalistes, dont le travail est considéré comme essentiel dans la lutte en faveur de la démocratie. Les meurtres doivent faire l’objet d’enquêtes et leurs auteurs doivent être appréhendés. »
Le Réseau demande l’envoi d’appels au chargé d’affaires de Somalie au Kenya à l’adresse de courriel suivante : mali@somaliembassy.co.ke
Le 10 août, RSF rapportait que des individus armés ont blessé le journaliste Abdihakin Omar Jimale, de Radio Mogadishu, à l’épaule et que quatre travailleurs du gouvernement ont été tués. Les stations locales de radio et de télévision ont interrompu leurs émissions pour protester contre la violence.
La veille, le NUSOJ avait reçu le prix Percy Qoboza du journaliste étranger, décerné par l’association des journalistes noirs des États-Unis (National Association of Black Journalists) pour sa défense de la liberté de la presse. Selon le NUSOJ, 19 journalistes ont été tués en Somalie depuis 2000.
Au début août, l’International News Safety Institute (INSI) a organisé pour les journalistes somaliens une séance de formation qui a bénéficié du soutien du NUSOJ et de l’Association des journalistes du Somaliland.
Consulter les sites suivants :
– IRIN news : http://www.irinnews.org/Report.aspx?ReportId=73703
– CJFE : http://cjfe.org/releases/2007/13082007somalia.html
– RSF : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=23259
– FIJ : http://www.ifj.org/default.asp?Index=5197&Language=EN
– CBC News : http://tinyurl.com/3xmm9u
– Reuters : http://tinyurl.com/3bdf75
– Rapport de Human Rights Watch : http://tinyurl.com/3xy4ex
– Article du Toronto Star : http://www.thestar.com/article/245523
(Photo : Ali Iman Sharmarke. Courtoisie de CBC News.)
(14 août 2007)