(JED/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de JED daté du 11 mars 2002 : JED dénonce l’exploitation de la misère généralisée pour prêcher la violence et la haine sur les médias publics Kinshasa, le 11 mars 2002 Journaliste en danger (JED), organisation indépendante et non partisane de défense et de promotion de la liberté […]
(JED/IFEX) – Ci-dessous, un communiqué de presse de JED daté du 11 mars 2002 :
JED dénonce l’exploitation de la misère généralisée pour prêcher la violence et la haine sur les médias publics
Kinshasa, le 11 mars 2002
Journaliste en danger (JED), organisation indépendante et non partisane de défense et de promotion de la liberté de la presse, a, dans une lettre adressée lundi au président de la RTNC (Radiotélévision nationale congolaise, média public), dit sa désapprobation totale des actes délibérés d’incitation à la haine et à la violence dont se rendent coupables, directement ou indirectement, les médias publics depuis fin février 2002.
Dans la même correspondance, JED a ajouté qu’elle tiendra la RTNC et ses dirigeants pour responsables de tout débordement et de tout acte de violence qui pourraient subvenir du fait d’un mauvais usage des médias publics, à l’instar des responsables visibles et invisibles de la très funeste Radiotélévision Libre des Mille Collines (RTLM) au Rwanda aujourd’hui poursuivis devant le Tribunal pénal international d’Arusha.
Depuis l’ouverture, le 25 février 2002, des négociations politiques appelées « Dialogue intercongolais » à Sun City, en Afrique du Sud, dans le but de mettre fin à la guerre qui sévit en RDC depuis bientôt quatre ans, pas un jour ne passe sans que la radio et la télévision publique ne servent de tribune à la diabolisation, à l’incitation à la haine et à la violence, et aux appels au meurtre contre les délégués aux assises de Sun City qui ne partagent pas les vues du gouvernement sur la manière d’appréhender et de résoudre la grave crise qui sévit dans le pays.
Des ministres et autres délégués de la composante gouvernement au Dialogue intercongolais rentrés précipitamment à Kinshasa profitant d’un blocage, se sont permis, entre autres, de demander aux journalistes d’inviter la population à empêcher les politiciens de revenir au pays en cas d’échec du dialogue. Des « micro baladeurs » (Vox pop) sont tendus à l’homme de la rue pour proférer toute sorte de menaces contre les délégués de l’opposition tandis que des semblants de débats à très forte manipulation sont servis aux téléspectateurs dans un monologue qui viole la lettre et l’esprit de la loi N° 002/96 du 22 juin 1996 fixant les modalités de l’exercice de la liberté de la presse en RDC, particulièrement en son article 53 qui stipule : « la communication audiovisuelle publique est pluraliste. Elle ne peut, en aucun cas, être monopolisée au profit d’une seule opinion ou d’un groupe d’individus ».
JED considère que si sur le plan des principes, le vox pop est une manifestation de la démocratie, JED s’en inquiète sur le plan de la forme et du fond. Le choix des personnes à qui on tend le micro n’est pas innocent et les principes de la mesure dans les propos et de l’équilibre ne sont pas du tout respectés. La RTNC ne peut convaincre personne que tous les congolais restés à Kinshasa pensent comme les quelques « personnes » qu’elle laisse user et abuser des médias publics.
JED considère qu’il s’agit d’une exploitation honteuse, à des fins politiciennes, de la misère profonde dans laquelle tous les gouvernements de la RDC plongent chaque jour un peu plus la majorité de la population. Cette misère entretenue du peuple congolais a toujours servi de terre fertile à tous les vendeurs d’illusions.
JED a rappelé au responsable de la RTNC que les médias publics ont souvent joué, par le passé, un rôle néfaste chaque fois que le pays était confronté à une grave crise interne. En 1992, c’était l’OZRT (Office zaïrois de radiodiffusion et de télévision, ancêtre de la RTNC) – par le canal de son antenne locale au Katanga – qui a préparé et accompagné les affrontements ethniques dans la province du Katanga. Un demi million de personnes ont perdu la vie dans cette scabreuse affaire politicienne. En 1998, c’était encore la RTNC, directement ou indirectement, qui a poussé des foules à lapider et à brûler vive toute personne considérée comme rebelle ou d’origine rwandaise.
Ce comportement des médias publics est le résultat du fait que de tout temps, la radio et la télévision publique ne se sont jamais émancipées du pouvoir au point de devenir sa caisse de résonance. C’était vrai sous Mobutu, c’est vrai aujourd’hui.
Fait à Kinshasa, le 11 mars 2002
POUR JOURNALISTE EN DANGER (JED)
Bally Kabala
Chargé des informations et publications