La Cour constitutionnelle turque met fin à un an et demi de silence : décapitée par l'arrestation de trois juges, confrontée à l'écrasement de l'État de droit, elle ne s'était pas prononcée depuis l'instauration de l'état d'urgence, en juillet 2016.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 11 janvier 2018.
Reporters sans frontières (RSF) se réjouit de la prochaine libération des journalistes Mehmet Altan et Şahin Alpay, ordonnée ce 11 janvier 2018 par la Cour constitutionnelle turque. L’organisation demande la remise en liberté de tous les autres journalistes injustement emprisonnés dans le pays.
La Cour constitutionnelle turque met fin à un an et demi de silence : décapitée par l’arrestation de trois juges, confrontée à l’écrasement de l’État de droit, elle ne s’était pas prononcée depuis l’instauration de l’état d’urgence, en juillet 2016. Elle ordonne la libération de Mehmet Altan et Şahin Alpay alors que la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’approchait d’une décision sur les recours déposés par ces deux journalistes, auxquels s’étaient associées RSF et d’autres ONG. Le premier est incarcéré depuis septembre 2016, le second depuis juillet 2016.
« Enfin ! Nous n’avons que trop attendu ce moment, déclare Erol Önderoğlu, représentant de RSF en Turquie. La détention arbitraire de Mehmet Altan et Şahin Alpay était un authentique scandale, nous sommes soulagés qu’elle touche à sa fin. Cette décision doit désormais servir de précédent : nous appelons les tribunaux à libérer immédiatement tous les autres journalistes injustement jetés en prison. »
La Cour constitutionnelle a également reconnu que Turhan Günay, rédacteur du cahier Livres du quotidien Cumhuriyet et ancien membre de son conseil d’administration, avait été détenu illégalement. Arrêté en octobre 2016, le journaliste avait été remis en liberté conditionnelle en juillet 2017.
Si Mehmet Altan et Şahin Alpay devraient être prochainement libérés, ils restent poursuivis et risquent toujours la prison à vie pour « tentative de renverser le gouvernement » et liens avec des « organisations terroristes ». Leurs procès reprendront respectivement le 12 février et le 5 avril. Mehmet Altan comparaît avec deux autres journalistes qui restent en détention, tout comme 29 co-accusés de Şahin Alpay. Âgé de 73 ans, ce dernier souffre de problèmes cardiaques et a perdu près de 50% de son ouïe depuis son arrestation.
La Turquie est classée 155e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2017 par RSF. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique sous l’état d’urgence proclamé à la suite de la tentative de putsch du 15 juillet 2016 : près de 150 médias ont été fermés, les procès de masse se succèdent et le pays détient le record mondial du nombre de journalistes professionnels emprisonnés.