Les agresseurs de la journaliste Gertrude Uwitware lui ont reproché d’avoir couvert la polémique opposant une universitaire connue et la femme du président Yoweri Museveni.
Cet article a été initialement publié sur rsf.org le 10 avril 2017.
Reporters sans frontières (RSF) condamne l’enlèvement à Kampala, le 8 avril dans la journée, de Gertrude Uwitware, journaliste ougandaise de Nation Television (NTV), plus grande chaîne de télévision privée du pays. Ses agresseurs lui ont reproché d’avoir couvert la polémique opposant une universitaire connue et la femme du président Yoweri Museveni.
Dans l’après midi du 8 avril, Gertrude Uwitware, journaliste spécialisée sur les questions de santé, a été kidnappée en plein jour, sur l’une des artères les plus touristiques et sécurisées de la capitale ougandaise Kampala. Sous la menace d’une arme, un homme et une femme l’ont forcée à monter dans leur véhicule et l’ont conduite, bâillonnée, dans une zone isolée à plusieurs kilomètres de Kampala. Après l’avoir menacée d’actes de tortures, ils l’ont tondue et violemment battue.
Ses bourreaux ont mentionné un post sur son blog qui défendait l’universitaire Stella Nyanzi, qui avait interpellé violemment la Première dame du pays, également ministre de l’Education, sur certaines promesses électorales non tenues, et lui ont ordonné de cesser immédiatement de harceler la famille du président. Ils l’ont ensuite forcée à effacer tous ses posts sur Twitter ou Facebook, jugés trop critiques. Elle a eu la vie sauve car elle était “l’une des leurs” (i.e de l’ethnie du président) sans quoi ils lui auraient coupé la tête, lui ont affirmé ses ravisseurs. Les policiers l’ont retrouvée en vie vers minuit, dans un endroit isolé où elle avait été abandonnée.
Gertrude Uwitware avait déjà reçu des menaces il y a deux semaines, sur son profil Facebook, par une personne prénommée Ugaba Tindewyebwa, et qui lui avait sommé de soutenir la famille du président.
“Il faut que les actes de violence et d’intimidation contre les journalistes cessent en Ouganda, déclare Clea Kahn-Sriber, responsable du bureau Afrique de RSF. Dans ce cas précis, le président doit envoyer un message clair à ses partisans pour qu’ils cessent ces harcèlements. RSF note qu’au cours du mois passé, plusieurs tribunaux ont rendu des jugements condamnant des personnes responsables d’agressions contre des journalistes et que la police a été très réactive dans la recherche de la journaliste. Nous demandons aux autorités judiciaires de l’être tout autant dans l’identification et la traduction en justice des deux agresseurs.”
Maurice Mugisha, directeur de la NTV, a appelé à la tenue d’une “enquête policière rapide et compréhensive”. L’agression de la journaliste intervient dans un climat de menaces envers la presse souvent harcelée sous le gouvernement de Museveni, et de musellement des médias en toute impunité.
L’universitaire en question, Stella Nyanzi, a elle été arrêtée vendredi 7 avril pour harcèlement en ligne et communication offensante, en vertu d’une loi de 2011 sur la “mauvaise utilisation » d’internet. Elle devrait comparaître aujourd’hui devant un juge. Elle avait reproché sur Facebook en des termes outrancier à Janet Museveni d’être revenue sur la promesse formulée durant la campagne présidentielle, de fournir gratuitement des serviettes hygiéniques dans les écoles.
L’Ouganda est classé 102ème sur 180 pays au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2016.