Au moins cinq journalistes ont été blessés à Beyrouth ces derniers jours tandis qu’ils couvraient les violents affrontements entre factions pro et anti-gouvernementales, alors que les médias étaient contraints de fermer, selon ce que rapportent la Fondation Maharat, membre de l’IFEX au Liban et d’autres organisations de défense de la liberté de la presse. Selon […]
Au moins cinq journalistes ont été blessés à Beyrouth ces derniers jours tandis qu’ils couvraient les violents affrontements entre factions pro et anti-gouvernementales, alors que les médias étaient contraints de fermer, selon ce que rapportent la Fondation Maharat, membre de l’IFEX au Liban et d’autres organisations de défense de la liberté de la presse.
Selon la Fédération internationale des journalistes (FIJ), quatre reporters et photographes du quotidien d’opposition « Sada al Balad » ont été blessés la semaine dernière dans des affrontements pendant qu’ils couvraient le conflit.
L’un des photographes, Wadi Shlink, se trouvait le 7 mai dans le secteur de Bishara al-Khoury, où il prenait des photos « régulières » de jeunes hommes mettant le feu à des pneus. « Soudainement, une vingtaine d’entre eux se sont rués sur moi. J’ai couru tout en cherchant les forces de sécurité pour qu’elles me protègent. Quelques soldats ont tenté de me couvrir – en vain, parce qu’ils étaient surclassés en nombre par les émeutiers. Ceux-ci ne se sont calmés qu’après avoir pris mon appareil-photo », a déclaré Shlink au site web de défense de la libre expression Menassat.com.
D’après Menassat, l’armée ne s’est pas occupée des combats de rue dans le secteur de la Corniche Mazraa de Beyrouth, traditionnel point de friction entre forces sunnites et chiites, et s’est appliquée plutôt à pourchasser les journalistes, leur interdisant de prendre des photos. Saïd Beyrouti, reporter à la télévision Al-Manar du Hezbollah, a été empêché par les forces armées de couvrir les combats et frappé à la tête. Il a dû être hospitalisé, rapporte Menassat.
D’autres journalistes ont été détenus par la police, se sont fait détruire leur équipement ou ont vu leur domicile être saccagé. Le 12 mai, deux cameramen travaillant pour Al Jazirah ont été blessés légèrement lorsque des individus armés ont ouvert le feu sur leur véhicule, rapporte ARTICLE 19.
Par ailleurs, les partisans du Hezbollah ont forcé la fermeture le 9 mai des chaînes de télévision par satellite « Future TV » et « Future News », du quotidien « Al-Mustaqbal » et de « Radio Orient », favorables au gouvernement, indique Reporters sans frontières (RSF). Les quatre entreprises de médias appartiennent toutes à la famille de Saad Hariri, le chef du mouvement « Futur », le parti anti-syrien majoritaire au parlement libanais.
Des roquettes ont été tirées tôt dans la matinée du 9 mai sur le quartier général d’« Al-Mustaqbal », déclenchant un incendie à l’un des étages de l’immeuble, selon ce que rapporte RSF. Peu après, des individus armés ont encerclé les bureaux des stations de radio et de télévision et ont menacé d’ouvrir le feu si elles ne mettaient pas fin à la radiodiffusion.
Les employés de « Future » et d’autres journalistes tiennent chaque jour un sit-in devant l’immeuble de « Future News » à Qantari en signe de protestation contre la fermeture.
Le quotidien « Liwaa » n’a pu paraître lui non plus – son imprimerie est située au milieu de la zone de conflit, dit Maharat. Et le 10 mai, le quartier général de la radio en langue arménienne « Radio Sevan » a été incendié à Beyrouth ouest, rapporte ARTICLE 19.
La FIJ appuie les appels des syndicats et de Maharat pour que l’on assure la sûreté des journalistes, leur indépendance et leur droit de travailler. « Nous invitons tous les partis politiques à cesser leurs attaques contre les travailleurs des médias », dit la FIJ. « Tous les journalistes au Liban, y compris ceux qui travaillent à partir de perspectives très différentes, sont des non-combattants sans armes et doivent être traités en conséquence. Il est intolérable que les journalistes deviennent des cibles vulnérables dans ce conflit, rien que parce qu’ils font leur travail. »
Maharat et d’autres disent que le vrai problème réside dans la politisation des médias libanais, qui sont devenus les porte-parole du groupe politique auquel ils sont affiliés. Les menaces auxquelles sont maintenant confrontés les reporters ne résultent pas du fait de travailler en zone de guerre, mais de la « division des médias libanais entre médias favorables au gouvernement, médias favorables à l’opposition et médias indépendants », sont le reflet de la lutte politique, dit Maharat. Le site invite les médias à « demeurer objectifs et à ne pas glisser dans le cercle de la violence ».
Les affrontements entre les forces d’opposition dirigées par le Hezbollah et les partisans du gouvernement ont commencé le 7 mai dans plusieurs quartiers de Beyrouth ouest, dans le sillage d’une grève générale organisée pour exiger des augmentations de salaires pour contrer la hausse des prix. Une des décisions qui ont déclenché la violence la semaine dernière a été la déclaration, par certains responsables du gouvernement, de leur intention de fermer un réseau téléphonique privé exploité par le Hezbollah dans le sud du Liban et les quartiers sud de Beyrouth. Le Hezbollah a déclaré que le système de communications avait été d’une importance vitale dans sa victoire lors de la guerre de 34 jours contre Israël en 2006.
Les protestations ont accru les tensions dans un pays plongé depuis 17 mois dans une crise politique entre l’opposition, dirigée par le Hezbollah avec l’appui de l’Iran et de la Syrie, et le gouvernement du premier ministre Fouad Siniora, qui jouit de l’appui de l’Occident et de l’Arabie saoudite. L’impasse laisse le pays sans président depuis novembre.
Cette semaine, les combats se sont déplacés hors de la capitale, ce qui a alimenté la crainte que la spirale de la violence ne dégénère en guerre civile ouverte. D’après les dépêches, au moins 81 personnes ont été tuées et plus de 250 autres ont été blessées depuis mercredi dernier, dans une crise politique que les observateurs qualifient de la pire à survenir depuis la guerre civile du Liban, pendant les années 1980.
Consulter les sites suivants :
– Maharat : http://maharatfoundation.org/
– ARTICLE 19 : http://www.article19.org/
– FIJ : http://tinyurl.com/4d4m8l
– RSF : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=26954
– Menassat, à propos de la mise au silence de « Future TV » : http://tinyurl.com/3wcjeo
– Menassat, à propos de Beyrouth qui fait bloc contre la presse :
http://tinyurl.com/3nagum
– Menassat, à propos des pertes de vies humaines subies dans les médias :
http://tinyurl.com/56h3qf
– Arab Press Network : http://tinyurl.com/4bpcg4
(Photo : Wadi Shlink (gauche) et Asad Ahmed, photographes du journal « Sada al Balad », après avoir couvert les affrontements entre les forces gouvernementales et d’opposition le 9 mai à Beyrouth. Photo courtoisie de Menassat.com)
(13 mai 2008)