Un journaliste yéménite enlevé et agressé par des individus soupçonnés d’appartenir aux forces de sécurité du gouvernement est la dernière victime de la lutte que mène le gouvernement contre le terrorisme, au milieu d’affirmations de protéger la « sécurité nationale », rapportent le Réseau arabe d’information sur les droits de la personne (HRinfo), ARTICLE 19, […]
Un journaliste yéménite enlevé et agressé par des individus soupçonnés d’appartenir aux forces de sécurité du gouvernement est la dernière victime de la lutte que mène le gouvernement contre le terrorisme, au milieu d’affirmations de protéger la « sécurité nationale », rapportent le Réseau arabe d’information sur les droits de la personne (HRinfo), ARTICLE 19, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et d’autres groupes de défense des droits.
Abdul Karim al-Khaiwani, rédacteur en chef du journal en ligne « Al-Shoura », a été enlevé le 27 août à Sanaa par six hommes armés portant des vêtements civils et emmené dans un endroit retiré à 15 kilomètres à l’extérieur de la ville.
Lors d’une conférence de presse deux jours plus tard, al-Khaiwani a décrit comment il avait eu les yeux bandés et avait été gravement tabassé par des gens qu’il a identifiés comme des « officiers de l’appareil de la sécurité nationale », puis abandonné, dépouillé de son téléphone cellulaire, de ses papiers d’identité et de son argent. Il a fini par être transporté à l’hôpital, où il a reçu des soins.
Pendant sa captivité, al-Khaiwani s’est fait dire que s’il continuait à écrire contre ses « maîtres », lui et sa famille seraient tués. Les ravisseurs ont mentionné en particulier un article qu’il avait écrit pour le journal « al-Needa’a », dans lequel il décrivait les violations commises contre les prisonniers et les conditions de vie dans les prisons du pays.
En tant que critique acerbe du gouvernement, al-Khaiwani a été emprisonné un certain nombre de fois; il s’est fait bloquer son site web et sa famille a reçu des menaces.
En juin, il a reçu chez lui la visite de la police qui l’a arrêté en raison de ses prétendus liens avec une « cellule terroriste » qui combat les forces du gouvernement à Saada, dans nord-ouest du Yémen. Al-Khaiwani a été libéré récemment pour raisons de santé, mais l’État interjette appel de cette décision, et il doit toujours répondre à des accusations devant la Cour de sécurité de l’État. En cas de culpabilité, al-Khaiwani est passible de la peine de mort.
L’affaire d’al-Khaiwani n’est qu’une parmi la série récente des condamnations et des procès qui semblent s’inscrire dans une vague orchestrée de répression de la liberté d’expression et d’opinion, sous prétexte que le gouvernement doit assurer la « sécurité nationale », dit la FIDH.
En juillet, un groupe d’hommes armés circulant à bord de véhicules militaires a attaqué le petit hebdomadaire indépendant « Al-Sharaa », dans la capitale, menaçant de tuer le rédacteur en chef et fouillant les bureaux, rapporte le CPJ. Des journalistes sur place au journal ont soupçonné que l’incident était lié aux accusations de terrorisme portées contre le journal plus tôt au début du mois par le ministère yéménite de la Défense, qui appelait à la fermeture du journal et à l’imposition de la peine de mort à trois de ses journalistes. Le journal était accusé de s’immiscer dans la sécurité nationale à cause de ses reportages sur des liens allégués entre le gouvernement et les hommes armés d’une tribu à Saada. Les combats dans la région ont déjà entraîné le déplacement d’environ 100 000 civils.
L’affaire a été portée devant la Cour de sécurité de l’État plutôt qu’à la Cour des publications, qui avait été désignée, première poursuite instruite contre un journal devant la cour du contre-terrorisme, « où les droits des défendeurs ne sont pas protégés convenablement », fait valoir la FIDH.
Aussi en juillet, la FIDH rapporte que des journalistes, qui documentaient et rapportaient un sit-in qui se déroulait au centre de Sanaa pour exiger le respect de la liberté d’expression, ont été gravement tabassés par les autorités, et se sont fait voler et endommager la majeure partie de leur équipement.
La FIDH presse les autorités yéménites de libérer tous les journalistes détenus au nom de la lutte contre le terrorisme.
Pour sa part, ARTICLE 19 appelle le gouvernement à retirer sa proposition de déposer une nouvelle loi qui ferait un crime grave d’inciter d’autres personnes à manifester contre le gouvernement. Plus tôt cette année, ARTICLE 19 et le groupe yéménite Forum des femmes dans les médias (Media Women Forum, MWF) ont mis sur pied un Groupe de travail sur les lois sur les médias, afin de discuter des moyens de réformer les lois du Yémen dans ce domaine.
Depuis 2005, le CPJ a identifié au moins six journalistes yéménites qui ont été la cible d’agressions que l’on croit attribuer à des motifs politiques. Dans tous les cas sauf un, les autorités n’ont pu identifier les auteurs des agressions.
Consulter les sites suivants :
– ARTICLE 19 : http://tinyurl.com/39mme8
– CPJ : http://tinyurl.com/2o3xc5
– Alertes d’HRinfo sur le Yémen : http://www.hrinfo.net/ifex/alerts/yemen/
– FIDH : http://www.fidh.org/article.php3?id_article=4521
– Fédération internationale des journalistes : http://tinyurl.com/34apw4
– Reporters sans frontières : http://tinyurl.com/2v4hqu
– MWF : http://www.yfmf.org/english/
– « Yemen Observer » : http://www.yobserver.com/front-page/10012648.html
(Photo : Plume à la main, les journalistes de Sanaa exigent le respect de la liberté d’expression lors d’une manifestation en juillet. Photo courtoisie du « Yemen Observer »)
(4 septembre 2007)