On qualifie l’incident de l’une plus graves atteintes à la liberté de la presse depuis des années dans tout le sud-est de l’Europe, un incident qui pourrait nuire sérieusement à la Croatie dans ses efforts pour joindre les rangs de l’Union Européenne : deux journalistes ont perdu la vie dans un attentat à la voiture […]
On qualifie l’incident de l’une plus graves atteintes à la liberté de la presse depuis des années dans tout le sud-est de l’Europe, un incident qui pourrait nuire sérieusement à la Croatie dans ses efforts pour joindre les rangs de l’Union Européenne : deux journalistes ont perdu la vie dans un attentat à la voiture piégée en Croatie, selon ce que rapporte l’Organisation des médias du Sud Est de l’Europe (South East Europe Media Organisation, SEEMO), une organisation affiliée à l’Institut international de la presse (IIP), et d’autres membres de l’IFEX.
Ivo Pukanic, journaliste et propriétaire du Groupe NCL Media à Zagreb, et Niko Franjic, directeur de la commercialisation du principal hebdomadaire d’enquête, « Nacional », publié par NCL, ont été tués le 23 octobre lorsqu’une bombe a explosé sous la voiture de Pukanic. L’explosion a été déclenchée au moment où Franjic et Pukanic montaient dans la voiture stationnée à l’extérieur de l’immeuble abritant le journal, au centre-ville de la capitale, Zagreb. Deux autres employés du « Nacional » ont subi des blessures dans l’explosion.
La SEEMO se dit « alarmée par ce crime haineux », et prévient que beaucoup de journalistes croates ont été gravement menacés ou attaqués en toute impunité au cours de la dernière année. D’après la Fédération internationale des journalistes (FIJ), les deux hommes sont les premiers travailleurs des médias tués en Croatie depuis la fin de la guerre.
Pukanic a été salué comme l’un des meilleurs journalistes d’enquête de Croatie – notamment pour une entrevue avec le général croate Ante Gotovina, qui vivait dans la clandestinité pour éviter d’être traduit pour crimes de guerre devant le Tribunal pénal international de La Haye. Mais il avait aussi été critiqué pour avoir été trop près de puissants politiciens et même de criminels notoires.
Il avait à maintes reprises informé la SEEMO de menaces qu’il recevait, qui avaient commencé en 2002. En avril dernier, il avait survécu à une agression armée près de son domicile au centre de Zagreb. L’assaillant n’a jamais été arrêté, indique le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). La FIJ rapporte que, quelques mois après l’incident, la police a fourni une protection à Pukanic, qui a pris fin en août à sa demande.
Pukanic était cofondateur du « Nacional » en 1995, et quatre ans plus tard, avait été désigné journaliste de l’année en Croatie. Le « Nacional » a la réputation de couvrir les sujets politiques sensibles, de même que les affaires de corruption et les violations des droits de la personne. Avec le temps, Pukanic avait bâti une entreprise de médias de plusieurs publications régulières; l’an dernier, il avait inauguré l’École de Journalisme NCL.
La Croatie est aux prises depuis quelque temps avec une vague croissante d’attentats mafieux audacieux, qui pourraient nuire aux efforts du pays pour adhérer à l’UE, disent les membres de l’IFEX, ce qu’elle espère voir se réaliser en 2011. En juin, Dusan Miljus, un journaliste d’enquête qui couvre la scène judiciaire et les affaires de corruption pour le populaire quotidien « Jutarnji List », a été tabassé gravement par deux hommes armés de bâtons de baseball à Zagreb, selon ce que rapporte le CPJ. Le crime demeure non résolu.
« Ce n’est que par la condamnation des assassins de Franjic et de Pukanic, ainsi que des agresseurs des autres journalistes de Croatie, que votre pays pourra enlever cette tache à sa réputation et prendre sa place dans l’Union Européenne », a prévenu l’Association mondiale des journaux (AMJ) dans une lettre au premier ministre Ivo Sanader.
Plus tôt de mois-ci, en réponse à la vague de violence, Sanader a démis ses ministres de l’Intérieur et de la Justice, ainsi que le chef de la police nationale. Et lors d’une session d’urgence du conseil de sécurité nationale de Croatie, convoqué après l’attentat à la bombe, Sanader a déclaré que « nous allons combattre le crime organisé ou le terrorisme – quelle que soit l’organisation à l’origine de ce meurtre – jusqu’au bout. À partir de maintenant, aucun criminel ne pourra dormir en paix… La Croatie sera un pays sûr. »
Le mois dernier, 300 journalistes se sont joints à une manifestation de protestation à Zagreb organisée par l’Association des journalistes de Croatie (CJA), un partenaire de la FIJ, contre les menaces croissantes dirigées contre les journalistes et les citoyens de Croatie. « Un grand nombre de journalistes ont été menacés et visés au cours de la dernière année, mais nous constatons que la situation dégénère », dit la CJA. « L’association a déjà protesté deux fois dans le passé, et nous avons maintenant besoin d’agir avec force contre le crime. »
Consulter les sites suivants :
– SEEMO/IIP : http://tinyurl.com/584vtg
– CJA : http://www.hnd.hr/
– CPJ : http://tinyurl.com/584x3p
– FIJ : http://tinyurl.com/55v8wc
– RSF : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=29086
– AMJ : http://www.wan-press.org/article17923.html
– Remarques de Sanader dans le « Irish Times » : http://tinyurl.com/6h2rzn
(Photo : Le journaliste Ivo Pukanic (ci-dessus) et un collègue ont perdu la vie dans un attentat à la voiture piégée à Zagreb. Photo courtoisie de Reuters)
(29 octobre 2008)