Les gouvernements africains utilisent la propagation du coronavirus pour adopter des politiques restreignant la liberté d'association et le droit des citoyens à se réunir.
Cet article a été initialement publié sur mfwa.org le 25 mars 2020.
En Guinée, par exemple, au cours des neuf derniers mois (juin 2019 – mars 2020), environ 42 manifestants ont été tués et plus de 200 autres arrêtés et blessés lors d’une répression menée par les forces de sécurité. Au Nigeria, le 22 juillet 2019, 12 manifestants appartenant au Mouvement islamique du Nigeria ont été abattus à Abuja.
Presque partout dans l’espace politique africain, il y a un gouvernement qui empêche certains groupes de personnes de se rencontrer ou de partager leurs opinions ; ou encore les forces de l’ordre qui sévissent contre un groupe de personnes pour avoir entrepris une action civile légitime. Et ces situations créent une méfiance entre de nombreux citoyens/groupes et les gouvernements, surtout lorsque les autorités de l’État doivent mettre en œuvre des politiques qui affecteront les droits et les libertés des citoyens.
C’est au milieu de cette méfiance que le Coronavirus (Covid-19) se répand sur le continent africain, obligeant les gouvernements à mettre en place des politiques et à prendre des décisions qui affecteront la liberté d’association et de réunion des citoyens.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au 23 mars 2020, l’Afrique avait enregistré 1 396 cas de Covid-19 dans 43 pays, avec 40 décès. Les statistiques indiquent en outre un taux d’infection croissant de la pandémie sur le continent.
L’augmentation rapide du nombre de cas de Covid-19 a conduit de nombreux gouvernements du continent à prendre des mesures drastiques pour contenir la maladie, qui se contracte principalement par transmission interhumaine.
Les gouvernements d’Afrique du Sud, du Ghana, du Kenya, du Nigeria, du Burundi, du Mali, du Maroc, de la Mauritanie, du Rwanda, de la République démocratique du Congo, de l’Ouganda et du Gabon ont décrété des interdictions de voyage totales ou partielles dans les pays les plus touchés par la pandémie. Certains de ces pays ont également fermé leurs frontières et soumis les citoyens et les visiteurs qui rentrent chez eux à une auto-quarantaine obligatoire.
De nombreux pays africains ont également mis en place des mesures telles que la prévention des rassemblements publics, la fermeture de certaines institutions publiques et la limitation des espaces publics, ainsi que la prévention des activités sociales, entre autres, qui sont autant de formes de restrictions de la liberté de mouvement et de réunion des citoyens.
Si toutes ces mesures sont censées être des stratégies bien intentionnées de ces gouvernements pour contrôler la pandémie de Covid-19, il n’est pas difficile de reconnaître que ce sont les mêmes mesures que les régimes répressifs du continent utilisent pour violer la liberté d’association et de réunion des citoyens et pour faire taire les voix dissidentes.
Il est donc raisonnable qu’un grand nombre de citoyens ou de militants soient affectés par ces mesures prises par les gouvernements africains, même si elles sont très nécessaires pour contrôler le coronavirus sur le continent.
Néanmoins, dans l’intérêt collectif des citoyens et des nations en général, il est nécessaire de faire des sacrifices et de renoncer à certains droits individuels, malgré le malaise. Le véritable activisme ou la protestation doit viser à assurer la protection, la bienséance et le progrès de la société. Dans le contexte de ces temps difficiles, toutes les formes d’actions individuelles ou collectives doivent favoriser l’objectif de protection et de maintien des vies humaines.
En respectant la liberté d’association et de réunion des citoyens tout en contrôlant les excès des gouvernements en ces périodes, les recommandations suivantes sont suggérées aux citoyens, aux médias et aux gouvernements en Afrique.
Citoyens
- Se conformer aux directives du gouvernement et démontrer un soutien total aux activités prévues et aux restrictions de mouvements qui sont instituées. Renoncer à ses droits et libertés en ces moments désespérés dans le but d’assurer la sécurité publique est un devoir civil de tous les citoyens.
- Tout en garantissant des auto-isolements, des quarantaines et des engagements sociaux limités, les citoyens et les militants doivent continuer à demander des comptes aux gouvernements en utilisant d’autres plateformes, notamment en publiant des articles et menant des campagnes sur les plateformes de réseaux sociaux.
Gouvernements
- Adopter des projets de loi et des instruments appropriés pour rationaliser et encadrer de manière claire et détaillée les différentes interdictions et restrictions.
- Faire preuve de bonne foi et d’une application équitable des interdictions et des restrictions en veillant à ce que tous les citoyens, organismes et agences de toutes les tendances politiques et idéologiques obéissent aux nouvelles politiques.
- Instituer des mesures pour lutter contre la diffusion de la désinformation et de la désinformation sur le Coronavirus et les nouvelles mesures restrictives.
- Les gouvernements doivent s’en tenir aux principes des restrictions, qui visent principalement à stopper la propagation du virus et à ne pas poursuivre d’intérêts particuliers.
Médias
- Tenez-vous en aux faits essentiels et matériels sur la maladie pandémique et aux développements sur les restrictions de mouvements.
- S’engager avec des experts médicaux et sanitaires crédibles pour parler des informations émergentes sur la maladie face aux politiciens et autres commentateurs sociaux.
- Tenir les responsables publiques redevables, notamment en ce qui concerne les mesures instituées pour contrôler les libertés et les droits des citoyens.
- Maintenir l’intérêt du public à un niveau élevé en signalant les développements sur le Coronavirus pour s’assurer que la panique et la peur sont minimisées.