Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et l’Union des journalistes d’Afrique de l’Ouest (UJAO) rapportent que les journalistes ne sont pas épargnés dans la tourmente des combats avec les troupes rebelles en Sierra Leone, alors que deux autres de leurs collègues ont été assassinés ce mois-ci. Pendant la bataille pour le contrôle de […]
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) et l’Union des journalistes d’Afrique de l’Ouest (UJAO) rapportent que les journalistes ne sont pas épargnés dans la tourmente des combats avec les troupes rebelles en Sierra Leone, alors que deux autres de leurs collègues ont été assassinés ce mois-ci. Pendant la bataille pour le contrôle de Freetown, la capitale, où se sont affrontés les rebelles du « Revolutionary United Front » (Front uni révolutionnaire) (RUF), les troupes du Conseil de gouvernement des forces armées (« Armed Forces Ruling Council ») (AFRC) et celles de la Force ouest-africaine de maintien de la paix (ECOMOG), le CPJ rapporte que le RUF et l’AFRC visaient délibérément les journalistes, à titre de représailles. Selon certaines sources du CPJ à Freetown, le RUF est entré dans la capitale « avec une liste de journalistes à éliminer en raison de leur couverture de guerre âanti-RUF' ».
Le 9 janvier, deux journalistes correspondants de la station de radio indépendante SKY-FM (106) ont été assassinés par des hommes du RUF. Jenner « J.C. » Cole a été tué après avoir été enlevé par des éléments du RUF chez lui, au centre de Freetown. Cole était amené, en même temps que d’autres prisonniers, vers une base du RUF à Freetown lorsqu’un avion de l’ECOMOG a attaqué le convoi, ce qui a permis aux autres de s’échapper. Peu après, dit le CPJ, Cole a été abattu d’une balle à la tête, devant sa fiancée. Sa mort fut instantanée. Un autre journaliste de SKY-FM, Mohammed Kamara, qui couvrait la scène judiciaire et notamment certains procès de trahison, a aussi été abattu par les rebelles du RUF à peu près au même endroit, au même moment.
L’un des captifs qui a réussi à s’échapper pendant l’attaque de l’ECOMOG était « Lucky J », journaliste de la station de radio gouvernementale Sierra Leone Broadcasting Service (SLBS), que le RUF avait enlevé chez lui. Par la suite, lorsqu’un collègue du SLBS, Michael Charlie Hinga, et lui-même ont tenté de prendre le cadavre de Cole de la rue pour l’enterrer, on les a de nouveau attaqués. Lucky J est hors de danger, dans une partie de Freetown sous le contrôle de l’ECOMOG. Le CPJ prévient cependant qu’il y a « des rapports contradictoires quant à savoir si Hinga a été tué plus tard par les rebelles du RUF, ou s’il est parvenu à échapper à ses ravisseurs ». Il avait lui aussi été enlevé de son domicile le 9 janvier.
Le CPJ rapporte aussi d’autres incidents. Le RUF a incendié la maison de Kelvin Lewis, reporter local de la Voix de l’Amérique, mais celui-ci « est parvenu à s’enfuir avec sa mère de 70 ans dans les bras ». Les rebelles du RUF ont réussi à détruire complètement les bureaux des publications indépendantes « Concord Times » et « Standard Times » et de la station SKY-FM (106). Le CPJ signale que les studios de diffusion de SKY-FM (106) existent toujours. Au 20 janvier, la seule station de radio qui diffusait encore était la station gouvernementale FM 98,1, qui transmettait à partir de la base-forteresse de l’ECOMOG, « Wilberforce Barracks ». La station FM 98,1 diffuse de la musique religieuse, de temps à autre une déclaration gouvernementale ou présidentielle, et des émissions de la programmation courante de la BBC, « Focus on Africa » et « Network Africa ». Aucun bulletin d’information sur la situation du pays n’a été diffusé depuis le 20 janvier.
Pour sa part, l’Union des journalistes d’Afrique de l’Ouest (UJAO) « condamne en des termes on ne peut plus clairs l’enlèvement de journalistes par les rebelles, l’assassinat de journalistes et la destruction de médias et d’équipement […] [L’UJAO] a eu l’occasion dans le passé de condamner les mesures hostiles prises contre les médias par le régime de Tejan Kabbah, en particulier la sentence de mort imposée à certains journalistes ». L’UJAO poursuit : « en même temps que nous pressons toutes les parties à la crise en Sierra Leone de déposer les armes et de ramener la paix dans le pays, nous leur demandons aussi de respecter la dignité et le droit des journalistes, quelles que soient leurs tendances politiques, et de faire leur travail ».
Le CPJ fait remarquer que « c’est la deuxième fois en deux ans que les journalistes de la Sierra Leone font preuve d’un courage et d’une détermination sans égal dans ce qui est devenu très rapidement pour eux l’un des environnements les plus dangereux du monde. Les dommages infligés surviennent à un moment où peu de professionnels des communications se sont remis, sur le plan professionnel ou personnel, de la crise précédente de 1997-1998 ». Le CPJ fait appel au soutien international en faveur des journalistes du pays.