Tandis que les journalistes du Sri Lanka subissent de plus en plus d’agressions, le rédacteur en chef du seul quotidien tamoul qui publie à partir de la péninsule de Jaffna a été enlevé le 26 février à Colombo pendant qu’il assistait à des obsèques, selon ce que rapportent des journalistes sri lankais locaux, le Comité […]
Tandis que les journalistes du Sri Lanka subissent de plus en plus d’agressions, le rédacteur en chef du seul quotidien tamoul qui publie à partir de la péninsule de Jaffna a été enlevé le 26 février à Colombo pendant qu’il assistait à des obsèques, selon ce que rapportent des journalistes sri lankais locaux, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ), Human Rights Watch, Reporters sans frontières (RSF) et d’autres groupes membres de l’IFEX.
Nadesapillai Vithyatharan, rédacteur en chef des quotidiens tamouls « Uthayan » de Jaffna et « Sudaroli » de Colombo, assistait aux obsèques d’un parent proche lorsque trois officiers de police en uniforme et trois hommes en civil se sont ont emparés de lui et l’ont emmené dans une camionnette blanche, selon ce que des témoins ont dit aux membres de l’IFEX. L’arrestation s’est effectuée sans mandat.
Un porte-parole de la police de Colombo, Ranjith Gunasekera, a d’abord déclaré aux médias que Vithyatharan avait été enlevé par un groupe non identifié. Il a par la suite confirmé que la Division des Crimes de Colombo avait arrêté Vithyatharan aux termes de la réglementation d’urgence du Sri Lanka, laquelle est de plus en plus invoquée contre les éléments critiques du gouvernement.
Le ministre des médias, Laxman Yapa, a déclaré à RSF que Vithyatharan était « bien traité » par la police, mais des membres de sa famille ont indiqué à Human Rights Watch qu’il avait été tabassé brutalement en détention.
D’après le ministère de la Défense, Vithyatharan est détenu en rapport avec un attentat perpétré le 20 février à Colombo par des membres du Front de libération des Tigres de l’Élam Tamoul (LTTE), qui mène une guerre sécessionniste dans le nord et l’est du pays. Selon les dépêches, l’attentat a fait trois morts et 43 blessés.
« La nature de son arrestation et les allégations selon lesquelles il était en quelque sorte impliqué dans un attentat aérien à Colombo indiquent que l’on se dirige vers une répression accrue, par le gouvernement, de tout reportage critique. Nous demandons sa libération immédiate et nous craignons qu’il soit détenu longtemps, comme c’est le cas des autres journalistes qui sont arrêtés. C’est là une tactique dont nous avons déjà été témoins, ici au Sri Lanka », déclare le CPJ.
Les deux journaux de Vithyatharan se montrent critiques à l’égard de l’offensive militaire générale du gouvernement qui vise à mettre fin à la guerre avec les Tigres tamouls. Et les membres du personnel semblent en payer le prix – ils ont été de manière répétée la cible de violences. Six employés du groupe de presse ont été tués depuis 2005, et les bureaux, tant à Jaffna qu’à Colombo, ont été attaqués à plusieurs reprises, rappellent RSF et Human Rights Watch.
Certains cadres supérieurs du groupe de presse Uthayan ont par ailleurs reçu des appels téléphoniques de menaces, dans lesquels on leur promet le même sort s’ils ne quittent pas le pays.
L’arrestation arbitraire de Vithyatharan et les mauvais traitements qu’il aurait subis ne constituent que les dernières agressions d’une série d’attaques dirigées contre les journalistes qui font preuve d’esprit critique vis-à-vis du gouvernement, disent les membres de l’IFEX. « Tandis que la guerre dans le nord semble perdre de son intensité, la répression des médias par le gouvernement s’est accentuée », dit Human Rights Watch. « La réputation du Sri Lanka comme démocratie ouverte et dynamique est de plus en plus menacée. »
Lasantha Wickrematunge, rédacteur en chef du populaire hebdomadaire sri lankais « Sunday Leader » et collaborateur au magazine « Time », a été assassiné le 9 janvier tandis qu’il se rendait au travail en voiture. Le dernier éditorial de Wickrematunge prévoyait étrangement sa propre mort et en attribuait carrément la responsabilité au gouvernement du Sri Lanka.
Les journalistes tamouls sont souvent visés. L’affaire d’un autre journaliste tamoul, le chroniqueur J.S. Tissainayagam, emprisonné depuis mars 2008 pour atteinte à la sûreté de l’État, fait l’objet d’une campagne internationale.
Le Sri Lanka est considéré depuis longtemps comme le pays le plus dangereux du monde pour les journalistes. Le CPJ recense dix journalistes assassinés de manière préméditée depuis 1999, sans poursuites ni condamnations. Selon le CPJ, les homicides et les agressions – et l’impunité dont jouissent leurs auteurs – se sont aggravés sous la présidence de Mahinda Rajapaksa, au pouvoir depuis 2005.
Consulter les sites suivants :
– CPJ : http://tinyurl.com/ac9ah2
– Rapport du CPJ sur le Sri Lanka, « Failure to investigate » : http://tinyurl.com/df7b59
– Human Rights Watch : http://tinyurl.com/d4fmcw
– FIJ : http://tinyurl.com/dbyh5j
– RSF : http://www.rsf.org/article.php3?id_article=30415
– Page de l’IFEX sur le Sri Lanka : http://tinyurl.com/bjpy84
(Photo de Nadesapillai Vithyatharan, courtoisie de RSF.)
(4 mars 2009)